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Tous les systèmes qui n’ont pas eu pour premier principe l’évidence des intervalles, ne nous paroissent pas valoir la peine d’être relevés. Nous ne nous arêterons donc point à celui de M. Sauveur, qu’on peut voir dans les mémoires de l’académie des Sciences, année 1721, ni à celui de M. Demaux, donné quelques années après. Des queues tournées à droite, à gauche, en haut, en bas, & des biais en tout sens, pour représenter des ut, des ré, &c. sont les notes inventées par celui-ci. Celles de M. Sauveur sont des têtes & des queues différemment situées pour répondre aux dénominations, pa, ra, ga, so, bo, lo, do, &c. substituées par le même auteur à celle de l’Arétin. On sent d’abord que tout cela ne dit rien aux yeux, & n’a nul rapport à ce qu’il doit signifier. Plus récemment encore on a proposé un nouveau système dans un petit ouvrage intitulé dissertation sur la musique moderne, & publié en 1743 ; la simplicité de ce système nous invite à en rendre compte dans cet article.

Les caracteres de la musique ont un double objet ; savoir, de représenter les sons 1o . selon leurs divers intervalles du grave à l’aigu, ce qui constitue l’harmonie & le chant ; 2o . & selon leurs durées relatives du vîte au lent, ce qui détermine le tems & la mesure.

Pour le premier point, de quelque maniere qu’on retourne la musique, on n’y trouvera jamais que des combinaisons des sept sons de la gamme portés à diverses octaves, ou transposés sur différens degrés, selon le ton & le mode qu’on aura choisi. L’auteur de la dissertation exprime ces sept sons par les sept premiers chiffres de l’arithmétique, de sorte que le chiffre 1 forme la note ut ; 2, la note  ; 3, la note mi, &c. & il les traverse d’une ligne horisontale dans l’ordre marqué. Voyez les Pl. de Musique.

Il écrit au-dessus de la ligne les notes qui, continuant de monter, se trouveroient dans l’octave supérieure ; ainsi, l’ut qui suivroit immédiatement le si, en montant d’un sémiton, doit être au-dessus de la ligne de cette maniere , & de même les notes qui appartiennent à l’octave aiguë, dont cet ut est le commencement, doivent toutes être au-dessus de la même ligne. Si l’on entroit dans une troisieme octave à l’aigu, il ne faudroit que traverser les notes par une seconde ligne accidentelle au-dessus de la premiere. Voulez-vous, au contraire, descendre dans les octaves inférieures à celle de la ligne principale, écrivez immédiatement au-dessous de cette ligne les notes de l’octave qui la suit en descendant ; si vous descendez encore d’une octave, ajoutez une ligne au-dessous, &c. au moyen de trois lignes seulement vous pouvez parcourir l’étendue de cinq octaves ; ce qu’on ne sauroit faire dans la musique ordinaire à moins de dix-huit lignes.

On peut même se passer de tirer aucune ligne. On place toutes les notes horisontalement sur le même rang : on met un point au dessus de chaque note qui passe, en montant, le si de son octave, c’est-à-dire, qui entre dans l’octave supérieure ; ce point suffit pour toutes les notes suivantes qui sont dans la même octave. Que si l’on redescend d’une octave à l’autre, c’est l’affaire d’un autre point sous la note par laquelle on y rentre, &c.

La premiere maniere de noter avec des lignes convient pour les musiques fort travaillées & fort difficiles, pour les grandes partitions, &c. La seconde avec des points est propre aux musiques plus simples & aux petits airs ; mais rien n’empêche qu’on ne puisse à sa volonté l’employer toujours à la place de l’autre, & l’auteur s’en est servi pour la fameuse ariette, l’objet qui regne dans mon ame, qu’on trouve ainsi notée fort exactement par ses chiffres, en partition avec la basse & la symphonie, à la fin de son ouvrage.

Par cette méthode, tous les intervalles deviennent d’une évidence dont rien n’approche ; les octaves portent toujours le même chiffre ; les intervalles simples se reconnoissent toujours dans leurs doubles ou composées : on connoît d’abord dans la dixieme +3 ou 13, que c’est l’octave de la tierce majeure 13. Les intervalles majeurs ne peuvent jamais se confondre avec les mineurs ; le 24 sera éternellement une tierce mineure, 46 éternellement une tierce majeure, la position ne fait rien à cela.

Après avoir ainsi réduit toute l’étendue du clavier sous un beaucoup moindre volume avec des signes beaucoup plus évidens, on passe aux transpositions.

Il n’y a dans notre musique, qu’un mode majeur & un mode mineur. Qu’est-ce que chanter ou jouer en majeur ? C’est transporter la gamme ou l’échelle d’ut, un ton plus haut, & la placer sur le , comme tonique ou fondamentale : tous les rapports qui appartenoient à l’ut deviennent propres au par cette transposition. C’est pour exprimer cela qu’il a tant fallu imaginer d’altération, de dièses ou de bémols à la clé. L’auteur du nouveau système supprime tout d’un coup tous ces embarras ; le seul mot mis à la marge, avertit que la piece est en majeur, & comme alors est revétu de toutes les propriétés de l’ut, aussi l’appelle-t-il ut, & le marque-t-il avec le chiffre 1, & toute son octave avec les chiffres, 2, 3, 4, &c. comme ci-devant. Ce de la marge, il l’appelle clé ; c’est la touche ou D du clavier naturel ; mais ce même devenu tonique, il l’appelle ut dans le chant : c’est la fondamentale du mode.

Il faut remarquer que cette fondamentale, qui est tonique dans les tons majeurs, devient médiante dans les tons mineurs ; la tonique qui prend le nom de la ; se trouvant alors une tierce mineure, au-dessous de cette fondamentale ; c’est ce qui se distingue par une petite ligne horisontale qui se tire sous la clé. désigne le mode majeur de ré ; mais désigne le mode mineur de si, dont ce est médiante. Distinction qui n’est que pour la connoissance assurée du ton, & dont on peut se passer dans les chiffres du nouveau système, aussi-bien que dans les notes ordinaires ; au lieu des noms mêmes des notes, on pourroit se servir pour clés des lettres majuscules de la gamme qui leur répondent, C pour ut, D pour ré, &c. Voyez Gamme.

Les Musiciens ont beaucoup de mépris pour la méthode des transpositions ; l’auteur fait voir que ce mépris n’a nul bon fondement ; que c’est leur méthode qu’il faut mépriser, puisqu’elle est difficile en pure perte, & que les transpositions, dont il montre les avantages, sont même sans qu’ils s’en apperçoivent, la véritable regle que suivent tous les grands musiciens & les habiles compositeurs. Voyez Gamme.

Il ne suffit pas de faire connoître toutes les notes d’une octave, ni le passage d’une octave à l’autre par des signes clairs & certains ; il faut encore indiquer de même le lieu du clavier qu’occupent ces octaves. Si j’ai un sol à entonner, ce sol doit être déterminé ; car il y en a cinq dans le clavier, les uns hauts, les autres moyens, les autres bas, selon les différentes octaves. Ces octaves sont indiquées dans le nouveau système par de petites lettres qui sont au commencement de chaque ligne, qui répondent à autant d’octaves & déterminent le lieu du clavier où l’on se trouve en commençant cette ligne. Il faut voir la figure qui est à la fin du livre, & l’explication qu’en donne l’auteur pour se mettre au fait de cette partie de sa méthode qui est des plus simples.

Il reste pour l’expression de tous les sons possibles