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laquelle commence la réfraction que le crystallin acheve avec l’humeur vitrée : c’est pourquoi il a fallu que le crystallin des poissons fût sphérique, ayant besoin d’une réfraction plus forte, puisqu’il doit suppléer celle qui se fait aux autres animaux dans l’humeur aqueuse ; elle n’est pas capable de faire de réfraction dans les poissons, parce qu’elle est de même nature que celle du milieu. C’est aussi par cette raison que dans les animaux qui vont dans l’eau & sur la terre, comme le veau marin, le cormoran, & les autres poissons qui plongent, le crystallin a une figure moyenne entre la sphérique & la lenticulaire.

La couleur des yeux est toujours pareille aux animaux, chacun de leur espece ; elle ne se trouve différente que dans l’homme & dans le cheval ; dans quelques-uns de ces animaux, la couleur brune, qui est ordinaire à leur espece, se trouve bleue, mais la diversité des couleurs dans l’œil de l’homme est bien grande, car ils sont noirs, roux, gris, bleus, verds, selon les pays, les âges, les tempéramens. Les passions même ont le pouvoir de les changer, & souvent le gris terne qu’ils ont dans la tristesse se change à un beau bleu ou un brun vif dans la joie.

L’ouverture des paupieres est tantôt plus, tantôt moins ronde dans des animaux différens : elle est plus parfaitement ronde dans la plûpart des poissons ; aux autres animaux, elle forme des angles qui sont presque d’une même hauteur, & comme dans une même ligne à l’homme & à l’autruche : aux autres animaux, les coins de vers le nez sont beaucoup plus bas, mais principalement dans le cormoran, dont les yeux ont une obliquité extraordinaire.

Dans l’œil de l’homme, les paupieres laissent voir plus de blanc qu’en aucun autre animal. Il y en a, comme le caméléon, qui n’en laissent jamais rien voir du tout, à cause que la paupiere unique qu’il a & qui couvre presque tout son œil, lui est tellement adhérente, qu’elle suit toujours son mouvement.

Le poisson appellé l’ange, a l’œil fait avec une méchanique particuliere, & très-propre à rendre ses mouvemens extraordinairement prompts : elle consiste en ce que l’œil est articulé sur un genou qui est un long stilet osseux qui pose par un bout sur le fond de l’orbite, & par l’autre élargi & applati soutient le fond du globe de l’œil, qui est osseux en cet endroit. L’effet de cette articulation est que l’œil étant ainsi affermi, il arrive que pour peu qu’un des muscles tire d’un côté, il y fait tourner l’œil bien plus promptement étant posé sur le stilet qui n’obéit point, que s’il étoit posé sur des membranes & sur de la graisse, comme à tous les autres animaux.

Il faut à présent dire un mot de l’œil des oiseaux en particulier.

Dans l’homme & les animaux à quatre piés, le muscle qu’on nomme le grand oblique, passe, comme on sait, par un cartilage, qu’on appelle trochlée, qui lui sert de poulie. Mais M. Petit n’a jamais trouvé ce cartilage dans aucun des oiseaux & des poissons qu’il a disséqués. Il faut encore remarquer que dans les oiseaux le petit oblique ou l’oblique inférieur est plus long, plus large & plus épais que le grand oblique, ce qui n’est pas de même dans l’homme & les animaux à quatre piés.

On ne peut appercevoir de mouvement dans le globe de l’œil des oiseaux. Le même M. Petit a fait passer & repasser des objets devant leurs yeux, il les a touchés avec un stilet, ces moyens n’ont produit aucun effet ; il n’a vû de mouvement que dans les paupieres, & n’a remarqué aucune fibre charnue que dans la paupiere inférieure. Il croyoit d’abord que le nerf optique étant très-court dans les oiseaux, ne pouvoit se prêter au mouvement de

l’œil, mais ayant appuyé le doigt sur le bord externe de la sclérotique, le globe de l’œil a roulé avec facilité dans tous les endroits du contour où il appuyoit le doigt.

Les oiseaux sont doués d’une excellente vûe, à cause que leur vol les éloigne ordinairement des objets qu’ils ont intérêt de connoître. Mais en outre, ils ont sous les paupieres une membrane attachée à côté du crystallin, & qui est encore plus noire que l’uvée. Cette membrane est de figure rhomboïde & non pas triangulaire, comme M. Perrault, de la Hire & Hovius l’ont cru ; elle n’a aucune cavité, elle est formée par des fibres paralleles qui tirent leur origine du nerf optique & de la choroïde. La demoiselle de Numidie (qui est, je crois, le célebre Otus des anciens) n’a point cette membrane clignotante, mais elle a l’uvée d’une noirceur extraordinaire.

Cette membrane clignante (en latin periophthalmium) des oiseaux & de quelques quadrupedes sert à nettoyer la cornée qui pourroit perdre sa faculté transparente en se séchant. Il faut savoir que dans les oiseaux le canal lachrymal pénetre jusques à la moitié de la paupiere interne, & est ouvert par-dessous au-dessus de l’œil pour humecter la cornée, ce qui arrive lorsque cette paupiere passe & repasse sur elle. L’artifice dont la nature se sert pour étendre & retirer cette membrane clignante, a été expliqué fort au-long dans le Recueil de l’académie des Sciences, année 1693. J’y renvoye le lecteur, ainsi que, pour le crystallin des oiseaux, au mémoire de M. Petit, qui se trouve dans le Recueil de la même académie, année 1730.

La structure de l’œil des oiseaux & des poissons est proportionnée aux différens milieux où ils vivent, & les met en état de se prêter aux convergences & divergences des rayons qui en résultent. La choroïde dans les oiseaux a un certain ouvrage dentelé placé sur le nerf optique. La partie antérieure de la sclérotique est dure comme de la corne ; la postérieure est mince & fléxible, avec des cordelettes, par le moyen desquelles la cornée & la partie postérieure se conforment à tout le globe de l’œil.

Le grand but de tout cet appareil est vraissemblablement, 1° afin que les oiseaux puissent voir à toutes sortes de distances, de près aussi-bien que de loin ; 2° pour les disposer à conformer leurs yeux aux différentes réfractions du milieu où ils sont, car l’air varie dans ses réfractions, selon qu’il est plus ou moins rare, plus ou moins comprimé, comme Hawksbee l’a prouvé par ses expériences. (D. J.)

Œil postiche, (Chirur.) on a inventé les yeux postiches ou artificiels, pour cacher la difformité que cause la perte des véritables. On les fait aujourd’hui avec des lames d’or, d’argent ou de verre, qu’on émaille de maniere qu’ils imitent parfaitement les yeux naturels. Ils tiennent d’autant mieux dans les orbites qu’ils égalent davantage le volume de ceux qu’on a perdus. Il est bon de les nettoyer souvent, pour empêcher que les ordures qui s’y attachent ne les fassent reconnoître, & même d’en avoir plusieurs pour remplacer ceux qui peuvent se perdre, se rompre ou s’altérer. Le malade doit les ôter lorsqu’il va se coucher, les nettoyer & les remettre le matin à son lever. Mais pour qu’on puisse les ôter & les remettre sans que rien ne paroisse, il faut que le chirurgien qui fait l’opération, retranche autant de l’œil malade qu’il est nécessaire pour faire place à l’artificiel.

L’œil postiche exécute d’autant mieux les mouvemens que lui impriment les muscles qui restent, qu’il est mieux adapté aux paupieres. C’est ce qui fait qu’on ne doit retrancher de l’œil malade que ce qu’il y a d’absolument superflu, à-moins qu’un