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les archiprêtres ne pourroient avoir des officiaux hors le lieu de leur résidence, mais qu’ils seroient tenus d’y aller exercer leur jurisdiction en personne.

Le concile de Pontau-de-mer en 1279, prouve encore bien qu’ils avoient jurisdiction, puisque par le canon 16 il leur est défendu de suspendre & d’excommunier sans mettre leur sentence par écrit.

On voit encore à la principale porte de l’église archipresbytérale de l’église saint Severin de Paris, des vestiges de la jurisdiction qu’exerçoit l’archiprêtre de la ville : ce sont les deux lions qui sont en relief aux deux côtés du perron ; ces lions étoient alors la marque ordinaire des jurisdictions ecclésiastiques ; & comme elles s’exerçoient en-dehors aux portes des églises, les sentences étoient ainsi datées à la fin, datum inter duos leones.

Encore actuellement dans les îles qui sont sous la domination des Vénitiens, l’archiprêtre est juge en matiere ecclésiastique.

Mais dans la plûpart des églises le pouvoir qui étoit attribué aux archiprêtres, notamment pour la jurisdiction, ne dura pas long-tems. L’archidiacre, qui dans l’origine n’étoit que la seconde dignité des églises cathédrales, & dont la jurisdiction ne s’étendoit que sur les diacres, accrut tellement son pouvoir, que sa jurisdiction prévalut sur celle de l’archiprêtre.

L’archidiacre exerçant ainsi la jurisdiction de l’évêque en tout ou partie, faisoit alors la fonction d’official.

Mais les archidiacres, après avoir agi long-tems comme délégués de l’évêque, se regarderent insensiblement comme juges ordinaires ; ils s’imaginerent que la jurisdiction qu’ils exerçoient leur étoit propre, & qu’elle étoit attachée à leur dignité ; qu’ils étoient les officiaux nés de l’évêque, & qu’ils pouvoient faire exercer en leur nom la jurisdiction. Ils instituerent donc eux-mêmes des officiaux pour rendre la justice à leur décharge, & se sont long-tems maintenus dans cette possession.

Plusieurs conciles ont toléré les officialités des archidiacres, lorsqu’elles n’étoient point établies dans les villes épiscopales. Le douzieme canon du concile de Château-Gontier, tenu en 1231, confirmé par un autre concile de la province de Tours en 1239, défend aux archidiacres d’avoir des officiaux hors le lieu de leur résidence pour y exercer leur jurisdiction, & les oblige de faire dans les campagnes leurs visites en personne.

Quelques archidiacres ont même prétendu qu’ils n’étoient pas tenus de rapporter aux évêques les procès-verbaux de leurs visites ; & qu’ayant eux-mêmes des officialités, ils pouvoient les déposer dans leurs greffes.

Une grande partie des archidiacres s’étoient maintenus dans le droit d’accorder des monitoires à fin de revélation, & cette entreprise a été assez difficile à réformer, quoique plusieurs conciles, tels que celui de Tours en 1583, en eussent expressément réitéré les défenses.

Ces officiaux des archidiacres étoient encore assez communs dans le dernier siecle ; présentement ils font très-rares.

Suivant la transaction faite au mois de Mai 1639, entre l’évêque de Chartres & ses archidiacres, homologuée au grand-conseil par arrêt du 11 Février 1631, & 18 Juillet 1633, le grand-archidiacre doit avoir deux siéges pour l’exercice de sa jurisdiction, & deux officiaux seulement ; les autres archidiacres un seul. Ces archidiacres & leurs officiaux connoissent des promesses de mariages, mais non pas de la nullité d’iceux ; ils ne peuvent donner aucune dispense de bans de mariages, sinon qu’y ayant cause contestée devant eux, il fût besoin, pour éviter le scandale, de solemniser promptement le mariage ; &

en ce cas même ils ne peuvent dispenser que des deux derniers bans. Ils ne peuvent accorder des monitoires ; ils connoissent de toutes les causes criminelles en leurs archidiaconés, s’ils ne sont prévenus par l’official ou par les vicaires de l’évêque, hors les crimes d’hérésie & de sortilege ; à la charge de l’appel, & de faire conduire ès prisons de l’évêque ceux qu’ils condamneront à la prison, trois jours après la condamnation. L’évêque faisant la visite de son diocèse, a droit de se faire représenter une fois par chacun an, par les archidiacres ou leurs officiaux, les registres & papiers de leur jurisdiction civile & criminelle, & les sceaux, lesquels il peut retenir pendant cinq jours utiles en chaque siége de jurisdiction desdits archidiaconés, & pendant ce tems il peut exercer ou faire exercer par ses vicaires toute jurisdiction civile & criminelle, & corriger les abus qu’il trouvera en l’exercice desdites jurisdictions.

Les évêques employerent divers moyens dans le xij. siecle & les suivans pour arrêter les entreprises des archidiacres : ils établirent dans cette vûe des grands-vicaires & des officiaux amovibles.

Le P. Thomassin croit que l’usage des officiaux ne s’introduisit que vers le tems du pape Boniface VIII, c’est-à-dire, vers la fin du xiij. siecle. Il paroît néanmoins par les lettres de Pierre de Blois qui vivoit sur la fin du xij. siecle, qu’ils étoient déja établis en France, & qu’il s’étoit même déja introduit beaucoup d’abus dans l’exercice de ces charges. La même chose paroît aussi par le septieme canon d’un concile tenu à Tours en 1163, qui a rapport à ces desordres des officiaux.

Anciennement les évêques n’étoient point obligés d’établir un official ; il leur étoit libre d’exercer en personne leur jurisdiction contentieuse, comme ils peuvent encore eux-mêmes exercer la jurisdiction volontaire.

Il est constant, suivant le droit canonique, qu’ils peuvent tenir eux-mêmes le siege de leur officialité : le concile de Narbonne en 1609 y est conforme. Le clergé de France a obtenu de nos rois plusieurs ordonnances qui prescrivent cette discipline dans le royaume. Les assemblées du clergé de 1655 & de 1665 obtinrent les déclarations de 1657 & de 1666 ; & ces déclarations n’ont pas été enregistrées.

Les évêques se déchargerent d’abord volontairement de la jurisdiction contentieuse, soit sur leurs archiprêtres ou leurs archidiacres, soit sur leurs officiaux. Ils cesserent insensiblement d’exercer en personne leur jurisdiction contentieuse ; soit parce que les affaires du diocèse se multipliant, ils ne pouvoient suffire à tout, & qu’ils préférerent l’exercice de la jurisdiction volontaire ; soit parce que les lois & les formalités judiciaires ayant été multipliées, ils crurent plus convenable de confier l’exercice de leur jurisdiction à des personnes versées dans l’étude de ces matieres ; soit enfin qu’ils aient cru peu convenable à leur dignité & à leur caractere de s’occuper continuellement de toutes les petites discussions qui se présentent dans les officialités.

Quoi qu’il en soit, l’usage s’est établi dans presque toutes les provinces du royaume, que les évêques ne peuvent plus, sans donner lieu à des appels comme d’abus, satisfaire eux-mêmes aux devoirs de la jurisdiction : en quoi ils ont imité la conduite du roi & celle des seigneurs, lesquels rendoient aussi autrefois la justice en personne à leurs sujets ; au lieu que le roi a établi des juges pour rendre la justice à sa décharge ; il a aussi obligé les seigneurs de faire la même chose.

L’édit de 1695, art. xxxj. suppose comme un point constant, que l’évêque doit avoir un official. Il y a néanmoins quelques evêques qui sont en possession d’aller siéger, quand bon leur semble, en leur offi-