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fit par le génie & la fermeté d’un homme qui lutte contre les préjugés de la multitude.

Gama (Vasco de) est le navigateur portugais qui eut le plus de part aux grandes choses de cette nation. Il découvrit les Indes orientales par le cap de Bonne-Espérance, & s’y rendit pour la premiere fois en 1497. Il y retourna en 1502, & revint à Lisbonne avec treize vaisseaux chargés de richesses. Il fut nommé, comme il le méritoit, viceroi des Indes portugaises par le roi Jean III. & mourut à Cochin en 1525. Dom Etienne & dom Christophe de Gama ses fils lui succéderent dans sa viceroyauté, & sont célebres dans l’histoire.

Magalhaens (Ferdinand), que les François nomment Magellan, compatriote de Gama, a rendu pareillement sa mémoire immortelle par la découverte qu’il fit l’an 1520 du détroit qui de son nom est appellé Magellanique. Ce fut cependant sous les auspices de Charles-Quint, vers lequel il s’étoit retiré, qu’il fit cette découverte : piqué contre son roi qui lui avoit refusé une légere augmentation de ses appointemens, Magellan partit de Séville l’an 1519 avec cinq vaisseaux, passa le détroit Magellanique jusqu’alors inconnu, & alla par la mer du sud jusqu’aux îles de Los-Ladrones (les Philippines) où il mourut bientôt après, les uns disent de poison, les autres disent dans un combat. Un de ses vaisseaux arriva le 8 Septembre 1522 dans le port de Séville sous la conduite de Jean-Sébastien Catto, après avoir fait pour la premiere fois le tour de la terre.

Un troisieme navigateur portugais, dont je ne dois point taire le nom, est Mendès Pinto (Ferdinand), né à Monté-Mor-O-Velho, qui s’embarqua pour les Indes en 1537, dans le dessein de relever sa naissance par le secours de la fortune. Il y fut témoin pendant 20 ans des plus grands événemens qui arriverent dans ce pays, & revint en Portugal en 1558, après avoir été treize fois esclave, vendu seize fois, & avoir essuyé un grand nombre de naufrages. Ses voyages écrits en portugais & traduits en françois sont intéressans.

Les bruits que firent dans le monde le succès des merveilleuses entreprises des Portugais, éveilla Christophe Colomb, génois, homme d’un grand savoir & d’un génie du premier ordre ; il imagina une méthode encore plus sûre & plus noble de poursuivre glorieusement les mêmes desseins de découverte. Il eut une infinité de difficultés à combattre, & telles qu’elles auroient rebuté tout autre que lui. Il les surmonta à la fin, & il entreprit à l’âge de 50 ans cette heureuse & singuliere expédition, à laquelle on doit la découverte de l’Amérique.

Ferdinand & Isabelle qui régnoient en Espagne, goûtant foiblement son projet, ne lui accorderent que trois vaisseaux. Il partit du port de Palos en Andalousie le 11 Octobre 1492, & aborda la même année à Guanahani, l’une des Lukayes. Les insulaires, à la vûe de ces trois gros bâtimens, se sauverent sur les montagnes, & on ne put prendre que peu d’habitans auxquels Colomb donna du pain, du vin, des confitures & quelques bijoux. Ce traitement humain fit revenir les naturels de leur frayeur, & le cacique du pays permit par reconnoissance à Colomb de bâtir un fort de bois sur le bord de la mer : mais la jalousie, cette passion des ames basses, excita contre lui les plus violentes persécutions. Il revint en Espagne chargé de fers, & traité comme un criminel d’état. Il est vrai que la reine de Castille avertie de son retour lui rendit la liberté, le combla d’honneur, & déposa le gouverneur d’Hispagniola qui s’étoit porté contre lui à ces affreuses extrémités. Il fut si sensible à la mort de cette princesse, qu’il ne lui survécut pas long-tems ; il ordonna tranquillement ses obséques, & les fers qu’il avoit

portés furent placés dans son cercueil. Ce grand homme finit sa carriere à Valladolid en 1506 à 64 ans.

Les Espagnols dûrent à cet illustre étranger & à Vespucci (Americo) florentin, la découverte de la partie du monde qui porte le nom de ce dernier, au lieu que la nation portugaise ne doit qu’à elle seule le passage du cap de Bonne-Espérance.

Vespuce étoit un homme de génie, patient, courageux & entreprenant. Après avoir été élevé dans le commerce, il eut occasion de voyager en Espagne, & s’embarqua en qualité de marchand en 1497 sur la petite flotte d’Ojeda, que Ferdinand & Isabelle envoyoient dans le Nouveau-monde. Il découvrit le premier la terre-ferme qui est au-delà de la ligne ; & par un honneur que n’ont pu obtenir tous les rois du monde, il donna son nom à ces grands pays des Indes occidentales, non-seulement à la partie septentrionale ou méxiquaine, mais encore à la méridionale ou péruane, qui ne fut découverte qu’en 1525 par Pizaro. Un an après ce premier voyage, il en fit en chef un second, commanda six vaisseaux, pénétra jusques sur la côte de Guayane & de Venezuela, & revint à Séville.

Eprouvant à son retour peu de reconnoissance de toutes ses peines, il se rendit auprès d’Emmanuel, roi de Portugal, qui lui donna trois vaisseaux pour entreprendre un troisieme voyage aux Indes. C’est ainsi qu’il partit de Lisbonne le 13 Mai de l’an 1501, parcourut la côte d’Angola, passa le long de celle du Brésil qu’il découvrit toute entiere jusques par-delà la riviere de la Plata, d’où il revint à Lisbonne le 7 Septembre de l’an 1502.

Il en repartit l’année suivante avec le commandement de six vaisseaux, & dans le dessein de découvrir un passage pour aller par l’occident dans les Moluques, il fut à la baie de tous les Saints jusqu’à la riviere de Curabado. Enfin manquant de provisions, il arriva en Portugal le 18 Juin de l’an 1504. où il fut reçu avec d’autant plus de joie qu’il y apporta quantité de bois de Brésil & d’autres marchandises précieuses. Ce fut alors qu’Américo Vespucci écrivit une relation de ses quatre voyages, qu’il dédia à René II. duc de Lorraine. Il mourut en 1509, comblé de gloire & d’honneurs.

Pizaro (François), né en Espagne, découvrit le Pérou en 1525, se joignit à dom Diégo Almagro ; & après avoir conquis cette vaste région, ils y exercerent des cruautés inouies sur les Indiens ; mais s’étant divisés pour le partage du butin, Ferdinand frere de Pizare tua Almagro, & un fils de celui-ci tua François Pizaro.

Pour ce qui regarde Cortès (Fernand) qui conquit le Mexique, & qui y exerça tant de ravages, j’en ai déja fait mention à l’article de Médellin sa patrie.

Les navigateurs, dont on a parlé jusqu’ici, ne sont pas les seuls dont la mémoire soit célebre ; les Hollandois en ont produit d’illustres, qui, soutenus des forces de la nation lorsqu’elle rachetoit sa liberté, ont établi son empire au cap dans l’île de Java, & ont servi à conquérir les îles Moluques sur les Portugais mêmes. On sait aussi que Jacques le Maire étant parti du Texel avec deux vaisseaux, découvrit en 1616 vers la pointe méridionale de l’Amérique le détroit qui porte son nom. La relation détaillée de son voyage est imprimée.

Mais la grande Bretagne s’est encore plus éminemment distinguée par les actions hardies de ses illustres navigateurs ; & ce pays continue toujours de faire éclore dans son sein les premiers hommes de mer qu’il y ait au monde.

Bien de gens savent que Christophe Colomb avoit proposé son entreprise de l’Amérique par son frere