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Quand on s’y sentoit entraîné par les piés, on étoit sans doute tiré par des cordes, & on n’avoit garde de s’en appercevoir en y portant les mains, puisqu’elles étoient embarrassées de ces compositions de miel qu’il ne falloit pas lâcher. Ces cavernes pouvoient être pleines de parfums & d’odeurs qui troubloient le cerveau ; ces eaux de Léthé & de Mnémosine pouvoient être aussi préparées pour le même effet. Je ne dis rien des spectacles & des bruits dont on pouvoit être épouvanté, & quand on sortoit de là tout hors de soi, on disoit ce qu’on avoit vû ou entendu, à des gens qui profitant de ce desordre, le recueilloient comme il leur plaisoit, y changeoient ce qu’ils vouloient, ou enfin en étoient toujours les interpretes ».

Oracle de Vénus Aphacite, (Théologie payenne.) Aphaca étoit un lieu de Phénicie, entre Héliopolis & Biblos : la forme de l’oracle qu’on y rendoit étoit assez singuliere ; voici comme parle Zozime, liv. I.

« Auprès du temple de Vénus est un lac semblable à une citerne. A de certaines assemblées que l’on y fait dans des tems reglés, on voit aux environs dans l’air des globes de feu, & ce prodige a été encore observé de nos jours. Ceux qui vont porter à la déesse des présens en or & en argent, en étoffes de lin, de soie & d’autres matieres précieuses les mettent sur le lac ; quand ils sont agréables à la déesse, ils vont au fond, au-lieu que quand ils lui déplaisent, ils surnagent malgré la pesanteur naturelle des metaux ». L’année qui précéda la ruine des Palmiréniens, leurs presens à Vénus Aphacitide allerent au fond, mais l’année suivante tout surnagea. Eusebe parle de ce temple comme d’un lieu consacré à l’impudicité. Constantin le fit abattre, & par conséquent l’oracle cessa. Socrate liv. I. chap. xviij. en faisant mention de ce fait, dit que le temple étoit sur le mont Liban. Lucien dit qu’il avoit été bâti par Cynire. (D. J.)

Oracles des Hébreux, (Critique sacrée.) ils avoient 1° le propitiatoire, qu’on appelloit dabir, l’oracle de vive voix, la parole articulée ; cet oracle se rendoit par l’Eternel à ses prophetes ; 2° un second oracle des Juifs étoit les songes prophetiques ; 3° les visions surnaturelles ; 4° l’oracle d’Urim & de Thummim. Ces manieres de consulter le Seigneur furent assez fréquentes depuis Josué jusqu’à l’érection du temple, où pour lors on consulta plus souvent les prophetes mêmes. Après les prophetes, les Juifs prétendent que Dieu leur donna ce qu’ils appellent bathkol, ou signe distinctif, lequel manifestoit sa volonté. Ce signe étoit une voix intérieure, ou une voix extérieure qui se faisoit entendre dans l’assemblée, comme celle qu’on entendit sur le Thabor, lors de la transfiguration du Sauveur.

Oracle se prend aussi pour le sanctuaire ou pour le lieu où étoit l’arche d’alliance. Ce mot désigne encore dans l’Ecriture les oracles des faux dieux. Ezéchiel, xxj. 23. dit que le roi de Babylone s’avançant vers la Judée, & se trouvant sur un chemin fourchu, consulta ses théréphins, pour savoir s’il marcheroit contre Jérusalem, & que les Juifs s’en moquoient, le regardant comme un homme qui consulte inutilement l’oracle. Mais le plus fameux de tous les faux-oracles de la Palestine étoit celui de Béelzébuth, dieu d’Accaron, que les Juifs alloient eux-mêmes consulter assez souvent. (D. J.)

ORAGE, s. m. (Gramm.) violente agitation de l’air, accompagnée de pluie & quelquefois de grêle, d’éclairs & de tonnerre.

Les grands vaisseaux ne craignent ni les vents, ni l’orage, mais seulement la terre & le feu.

Il se prend au figuré, le vaisseau de l’église est sans cesse battu de l’orage. Il n’y a point de maisons qui

ne soient troublées par quelques orages.

Orage, (Phys.) personne ne doute qu’il n’y ait une matiere extrémement agitée qui pénetre les corps même les plus durs, ébranle leurs petites parties, les sépare les unes des autres, les entraîne avec elle, & les répand çà & là dans le fluide qui les environne : aussi les voyons-nous tous, tant solides que liquides, se dissiper insensiblement, diminuer le volume, & enfin par le laps du tems s’évanouir & disparoître à nos yeux.

Il y a donc dans l’air des parties de tous les mixtes que nous voyons sur la terre, & de ceux même que nous ne voyons pas, & qu’elle renferme dans son sein.

Nous savons d’ailleurs que parmi ces mixtes il y en a dont le mêlange est toujours suivi d’un mouvement de fermentation. Il doit donc y avoir dans l’air des fermentations, dont les effets doivent varier selon la différente nature des principes qui les produisent, selon la différente combinaison de ces mêmes principes, & même selon la différente disposition du fluide dans lequel ils nagent.

Et voilà d’abord une idée générale de la cause qui produit les orages & les phénomenes qui les accompagnent ; mais entrons dans quelque détail, & voyons comment la fermentation opere tous ces prodiges.

Formation des orages. L’expérience nous apprend qu’il n’y a point de fermentation qui ne produise un mouvement expansif dans la matiere qui fermente : ainsi dès que les vapeurs & les exhalaisons qui forment un nuage, commencent à être agitées par la fermentation, il faut que ce nuage se dilate & qu’il occupe un plus grand espace, il faut donc aussi qu’il s’éleve ; car puisque son volume augmente, sa masse demeurant la même, il devient plus léger qu’un pareil volume d’air, ce qui suffit pour le faire monter suivant les lois invariables de l’Hydrostatique. Or il est aisé de comprendre que ce mouvement de bas-en-haut doit attirer les nuages qui se trouvent à une certaine distance du lieu abandonné par celui qui s’éleve ; car à mesure qu’il passe d’une couche d’air à une autre plus élevée, & par conséquent moins dense que la premiere, l’espace qu’il laisse après lui doit être occupé principalement par l’air collatéral, puisque c’est le seul qui ait la densité requise pour faire équilibre à cette hauteur. Donc la couche d’air qui répond à cette même hauteur, doit prendre une pente vers cet endroit, & en même tems y pousser les nuages voisins, lesquels se joignant au premier fermenteront avec lui, & en attireront d’autres de la même maniere qu’ils ont été attirés eux-mêmes.

Et je n’avance rien ici dont il ne soit aisé de se convaincre ; car d’où viennent ces mouvemens contraires & opposés, qu’on remarque toujours dans les nuages qui environnent un orage pendant qu’il se forme, & dont le vulgaire croit rendre raison en disant que les vents se battent ? N’est-il pas évident que l’exaltation de la matiere qui fermente attire les uns, tandis que son mouvement expansif du centre à la circonférence écarte les autres ?

Mais développons ceci encore mieux, s’il est possible.

Dès que la matiere qui forme un nuage commence à fermenter, il est certain que son expansion & le mouvement de chaleur qui se répand de tous côtés, doivent écarter l’air environnant, ensemble les nuages voisins dont cet air se trouve charge. Mais l’effet de cette chaleur & de cette force expansive, diminuera sans doute dans cette couche d’air à mesure que la matiere s’en éloignera en passant dans une autre plus élevée, dont ce même air d’abord écarté à droit & à gauche doit bientôt retomber par