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soient petites, on peut cependant en 3 ans leur faire prendre de belles têtes, & les amener à fruit en les conduisant avec soin. Dans le choix de ces arbres, il faut préférer ceux qui ont de beaux écussons ; car ceux qui n’en ont qu’un forment rarement une tête réguliere. Il faut d’ailleurs que les tiges soient droites, les branches fraîches, l’écorce pleine & vive. On doit les mettre dans l’eau environ jusqu’à mi-tige ; les y laisser 2 ou 3 jours selon qu’on les verra se gonfler ; ensuite nettoyer leurs racines de la moisissure ; retrancher celles qui sont séches, rompues ou meurtries ; rafraîchir celles qui sont saines ; ôter tout le chevelu qui se trouve toujours desséché par la longueur du trajet ; frotter les tiges avec une brosse de crin, puis avec un morceau de drap plus doux ; & enfin couper les branches à environ 6 pouces de la tige. On se servira pour planter ces arbres d’une bonne terre neuve, mêlée avec du fumier de vache bien pourri ; mais il ne faut pas les mettre dans de grands pots, il suffit pour cette premiere transplantation de les prendre de grandeur à pouvoir contenir les racines. On n’oubliera pas de mettre dans le fond des tuilots ou pierres plates, pour donner passage à l’eau. Ensuite on plongera les pots dans une couche tannée d’une chaleur modérée ; on les arrosera largement pour affermir la terre autour des racines ; on répétera les arrosemens aussi souvent que la saison l’exigera, & on aura soin de faire de l’ombre sur les chassis de la couche pour la garantir de la trop grande ardeur du soleil.

Si les arbres poussent aussi bien qu’on doit s’y attendre avec les soins que l’on vient d’indiquer, ils auront au commencement de Juin des rejettons vigoureux. Il faudra les arrêter alors pour faire garnir les têtes ; on leur donnera aussi beaucoup d’air, & on commencera à ne les plus délicater à la mi-Juillet, en les mettant cependant à une exposition chaude, mais à l’abri du grand soleil & des vents ; on ne les y laissera que jusqu’à la fin de Septembre : il faudra les mettre alors dans l’orangerie près des fenêtres que l’on tiendra ouvertes toutes les fois que la saison le permettra. Mais à la fin d’Octobre il faudra leur donner la place la plus chaude de l’orangerie ; les arroser souvent & bien légérement pendant l’hiver, & surtout avoir grand soin de les garantir de la gelée.

Lorsqu’au printems suivant on sortira de l’orangerie les arbrisseaux les moins délicats, comme les grenadiers, &c. on fera bien de laver & de nettoyer les feuilles & les tiges des orangers ; d’enlever la terre du dessus les pots pour en substituer de la nouvelle ; de la couvrir d’une couche de fumier de vache bien pourri, & d’avoir grande attention que ce fumier ne touche pas la tige de l’arbre. Comme l’orangerie se trouve alors moins embarrassée, il sera très-à-propos d’éloigner les orangers les uns des autres, afin de faciliter la circulation de l’air qu’on laissera entrer plus ou moins selon la température de la saison. Mais il ne faudra les sortir que vers le milieu du mois de Mai, qu’on peut regarder comme le tems où la belle saison est assurée. Il arrive souvent quand on se presse de sortir ces arbres, que les matinées froides leur font un grand mal. Il faut les placer pour passer l’été, à une situation également à l’abri des grands vents & de l’ardeur du soleil : ces deux inconvéniens sont très-contraires aux orangers. A mesure que ces arbres pousseront il faudra arrêter leurs rejettons vigoureux qui poussent irrégulierement, afin que les têtes se garnissent ; mais notre auteur ne conseille pas de pincer le sommet de toutes les branches, comme quelques-uns le pratiquent, cela fait pousser une quantité de petits rejettons trop foibles pour porter du fruit. En s’attachant à donner de la régularité à la tête, il faut

ménager les branches vigoureuses, & ne pas craindre de supprimer les menus rejettons qui nuisent ou qui croissent, ou qui se chiffonnent.

Les orangers veulent être arrosés souvent & largement dans les grandes sécheresses de l’été, surtout lorsque les arbres sont formés. Il faut que l’eau ait été exposée au soleil, qu’elle soit douce & sans aucun mélange d’égoût de fumier ; cette pratique, malgré la recommandation de quelques gens, est pernicieuse à ces arbres, ainsi qu’à quantité d’autres. Il en est de ceci comme des liqueurs spiritueuses qui, lorsqu’on en boit, semblent donner de la vigueur pour le moment présent, mais qui ne manquent jamais d’affoiblir ensuite.

Les orangers veulent être dépotés tous les ans. On préparera de la bonne terre pour cela, un an avant que de s’en servir, afin qu’elle soit bien mêlée & bien pourrie. La fin d’Avril est le tems le plus convenable pour cette opération, afin que les arbres puissent faire de nouvelles racines avant qu’on les sorte de la serre : il faudra même les y laisser quinze jours de plus qu’à l’ordinaire pour qu’ils aient le tems de se bien affermir.

Quand on dépote les orangers il faut y donner des soins, couper toutes les racines qui excedent la motte, rechercher celles qui sont moisies, puis avec un instrument de fer pointu, on tirera d’entre les racines toute la vieille terre qu’on en pourra ôter, sans les rompre ni endommager ; puis mettre le pié des arbres dans l’eau pendant un quart d’heure, pour pénétrer d’humidité la partie inférieure de la motte. Ensuite on frottera la tige avec une brosse de crin ; on nettoyera les têtes avec un morceau de drap & de l’eau. Puis les pots se trouvant préparés avec des pierres ou des tuilots au fond, on mettra dans chacun environ deux pouces de haut de nouvelle terre, sur laquelle on placera l’arbre bien dans le milieu du pot, que l’on achevera d’emplir avec de la bonne terre en la pressant fortement avec les mains : après quoi on arrosera l’arbre en forme de pluie par-dessus sa tête ; ce qu’il faudra toujours pratiquer dans la serre la premiere fois après que l’on aura lavé & nettoyé les arbres, cela leur fera pousser de nouvelles racines & rafraîchir beaucoup leur tête. Quand on sortira les orangers nouvellement empotés, il sera très-à-propos de les mettre à l’abri d’une haie, & d’appuyer leurs tiges avec de bons bâtons, pour empêcher que le vent ne les dérange. Son impétuosité renverse quelquefois les arbres récemment plantés, ou ébranle tout au moins les nouvelles racines.

Pour rétablir les vieux orangers qui ont été mal gouvernés, & dont les têtes sont chenues, la meilleure méthode est d’en couper la plus grande partie au mois de Mars ; de les arracher des caisses ; de secouer la terre qui tient aux racines ; de retrancher toutes celles qui sont moisies, & de couper tout le chevelu ; de nettoyer ensuite le reste des racines, ainsi que la tige & les branches : puis on les plantera dans des pots ou dans des caisses que l’on plongera dans une couche de tannée, en suivant ce qui a été dit pour les orangers venus de loin, & les gouverner de la même façon. Par ce moyen ils formeront de nouvelles têtes, & reprendront leur beauté en moins de deux ans. Si cependant les orangers qu’il est question de rétablir sont fort gros, & qu’ils aient été en caisse pendant plusieurs années, il vaut mieux les planter avec de la bonne terre dans des manequins qui soient plus petits que les caisses, & que l’on mettra dans la couche de tannée au commencement de Juillet ; lorsqu’ils auront bien poussé, on mettra les arbres avec leur manequin dans des caisses dont on remplira le vuide avec de la terre convenable. On évitera par ce moyen de mettre les caisses dans la