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L’autre, qui est de l’année suivante, concernant des mauvaises coutumes de la ville de Bourges, qui avoient été abolies, fait mention d’une ordonnance de Philippe-Auguste, qu’il qualifie in litteris suis. Louis VIII. ne désigne point celle-ci par le terme de stabilimentum ; mais il met à la fin la clause ordinaire ut autem hæc omnia stabilitatis robur obtineant, præfatam paginam sigilli nostri autoritate, &c. C’est le prince qui ordonne seul de l’avis toutefois de son conseil, magno nostrorum & prudentium consilio.

S. Louis, dans son ordonnance de 1228, se sert tantôt du terme ordinamus, & tantôt de ceux de statuimus ou mandamus.

Dans celle de 1230, il dit statuimus, & plus loin, hæc statuta faciamus servari ; & vers la fin il ajoute hæc voluimus & juravimus. Cette ordonnance est faite par le roi, de sincerâ voluntate nostrâ & de communi consilio baronum : le roi ordonne tant pour ses domaines que pour les barons ; cette ordonnance n’est pourtant pas qualifiée d’établissement : les réglemens qu’elle contient ne sont qualifiés que de statuts ; mais le roi déclare qu’il veut qu’elle soit gardée par ses héritiers, & par ses barons & leurs héritiers, & l’ordonnance est signée par sept barons différens, lesquels mettent chacun ego.. T... eadem volui, consului & juravi.

Son ordonnance de 1230 commence par anno domini institutum est à Ludovico, &c. Le premier article porte sciendum est, & les suivans commencent par præceptum est.

Celle qu’il fit en 1235 commence par ordinatum fuit : il y a lieu de croire qu’elle fut faite dans un parlement, attendu que cette forme annonce un procès-verbal plutôt que des lettres du prince.

Mais ce qui mérite plus d’être remarqué, c’est que les lettres ou ordonnances de ce prince du mois de Juin 1248, par lesquelles il laisse la régence à la reine sa mere pendant son absence, sont émanées de lui seul.

On en rapporte une autre faite par ce prince en 1245, avec la traduction françoise à côté ; le tout est tiré d’une ordonnance du roi Jean, où celle-ci est rapportée, & la traduction paroît être du tems de S. Louis, tant l’ouvrage en est barbare.

Ses lettres du mois d’Avril 1250, contenant plusieurs réglemens pour le Languedoc, sont proprement un rescrit : en effet, il s’y exprime en ces termes, consultationibus vestris duximus respondendum taliter, & ailleurs on trouve encore le terme de respondemus.

L’ordonnance qu’il fit en 1254 pour la réformation des mœurs dans le Languedoc, & dans le Languedoil, est intitulée dans les conciles de la Gaule narbonoise de M. Baluze, hæc stabilimenta per dominum regem Franciæ, &c. Au commencement de la piece saint Louis dit subscripta duximus ordinanda ; & plus loin, en parlant d’une ordonnance qui avoit été faite pour les Juifs, il la qualifie d’ordinationem.

Dans une autre, du mois de Février de la même année, il dit ordinavimus, & ailleurs ordinamus & præcipimus ; & à la fin, enjoint de mettre cette ordonnance avec les autres, inter alias ordinationes prædictas conscribi volumus, ce qui fait connoître qu’il y avoit dès-lors un livre où l’on transcrivoit toutes les ordonnances.

Il en fit une françoise en 1256 pour l’utilité du royaume, laquelle commence par ces mots : Nous établissons que, &c. Ces termes sont encore répétés dans un autre endroit ; & ailleurs il dit : nous voulons, nous commandons, nous défendons ; celle-ci ne paroît qu’une traduction de celle de 1254, avec néanmoins quelques changemens & modifications ; mais ce qui est certain, c’est que le texte de cette ordonnance françoise n’a point été composé tel qu’il

est rapporté, le langage françois que l’on parloit du tems de saint Louis étant presque inintelligible aujourd’hui sans le secours d’un glossaire.

Quoique saint Louis se servît volontiers du terme d’établissement, ce style n’étoit pourtant pas uniforme pour toutes les ordonnances ; car celle qu’il fit dans la même année touchant les mairies, commence par nous ordonnons, & ce terme y est répété à chaque article.

De même, dans celle qu’il fit touchant l’élection des maires de Normandie, il commence par ces mots, nos ordinavimus, & à chaque article il dit, nos ordinamus.

On s’exprimoit souvent encore autrement, par exemple, l’ordonnance que saint Louis fit en 1262 pour les monnoies, commence ainsi, il est égardé, comme qui diroit on aura égard ou attention de ne pas faire telle chose : ce réglement avoit pourtant bien le caractere d’ordonnance, car il est dit à la fin facta fuit hæc ordinatio, &c.

Un autre réglement qu’il fit en 1265, aussi touchant les monnoies, commence par l’attirement que le roi a fait des monnoies est tiex (tel) ; on entendoit par attirement une ordonnance par laquelle le roi attiroit à ses hôtels les monnoies à refondre ou à réformer, ou plûtôt par laquelle il remettoit ou attiroit les monnoies affoiblies à leur juste valeur : peut-être attirement se disoit-il par corruption pour attitrement, comme qui diroit un réglement qui mettoit les monnoies à leur juste titre ; & ce qui justifie bien que cet attirement étoit une ordonnance, c’est que le roi l’a qualifié lui-même ainsi. Il veut & commande que cet ordennement soit tenu dans toute sa terre & ès terres de ceux qui n’ont point de propre monnoie, & même dans les terres de ceux qui ont propre monnoie, sauf l’exception qui est marquée, & il veut que cet attirement soit ainsi tenu par tout son royaume.

Il fit encore dans la même année une ordonnance pour la cour des esterlins, laquelle commence par ces mots, il est ordonné, & à la fin il est dit, facta fuit hæc ordinatio in parlamento, &c.

Quand le roi donnoit un simple mandement, on ne le qualifioit que de lettres, quoiqu’il contînt quelqu’injonction qui dût servir de regle. C’est ainsi qu’à la fin des lettres de saint Louis du mois de Janvier 1268 il y a, istæ litteræ missæ fuerunt clausæ omnibus baillivis.

Quelquefois les nouvelles lois étoient qualifiées d’édits ; on en a déja fait mention d’un de Louis-le-Gros en 1118. Saint-Louis en fit aussi un au mois de Mars 1268, qu’il qualifie d’edicto consultissimo ; cet édit ou ordonnance est ce qu’on appelle communément la pragmatique de saint Louis.

On voit par les observations précédentes que les ordonnances recevoient différens noms, selon leur objet, & aussi selon la maniere dont elles étoient formées. Quand nos rois faisoient des ordonnances pour les pays de leur domaine, ils n’employoient que leur seule autorité ; quand ils en faisoient qui regardoient le pays des barons ou de leurs vassaux, elles étoient ordinairement faites de concert avec eux, ou scellées ou souscrites d’eux ; autrement les barons ne recevoient ces ordonnances qu’autant qu’ils y trouvoient leur avantage. Les arriere-vassaux en usoient de même avec les grands vassaux ; & il paroît que l’on appelloit établissement les ordonnances les plus considérables & qui étoient concertées avec les barons dans des assemblées de notables personnages.

La derniere ordonnance connue sous le nom d’établissement, est celle de saint Louis en 1270. Elle est intitulée les établissemens selon l’usage de Paris & de cour de baronnie : dans quelques manuscrits