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culté, comme celle de se défaire d’une longue habitude. Ainsi on nomme moralement nécessaire ce dont le contraire est moralement impossible, c’est-à-dire, sauf la rectitude de l’action ; au lieu que la nécessité physique est fondée sur les facultés & sur les forces du corps. Un enfant, par exemple, ne sauroit lever un poids de deux cens livres, cela est physiquement impossible ; au lieu que la nécessité morale n’empêche point qu’on ne puisse agir physiquement d’une maniere contraire. Elle n’est déterminée que par les idées de la rectitude des actions. Un homme à son aise entend les gémissemens d’un pauvre qui implore son assistance. Si le riche a l’idée de la bonne action qu’il fera, en lui donnant l’aumône, je dis qu’il est moralement impossible qu’il la lui refuse, ou moralement nécessaire qu’il la lui donne.

Nécessité simple est celle qui ne dépend point d’un certain état, d’une conjoncture, ou d’une situation particuliere des choses, mais qui a lieu par-tout & dans toutes les circonstances dans lesquelles un agent peut se trouver. Ainsi c’est une nécessité pour un aveugle de ne pouvoir distinguer les couleurs.

Nécessité relative est celle qui met un homme dans l’incapacité d’agir ou de ne pas agir en certaines circonstances ou situations dans lesquelles il se trouve, quoiqu’il fût capable d’agir ou de ne pas agir dans une situation différente.

Telle est, dans le système des Jansénistes, la nécessité où se trouve un homme de faire le mal lorsqu’il n’a qu’une foible grace pour y résister, ou la nécessité de faire le bien dans un homme qui, ayant sept ou huit degrés de grace, n’en a que deux ou trois de concupiscence.

Nécessité, (Mythol.) divinité allégorique qui tenoit tout l’univers, les dieux, & Jupiter même asservis sous son empire. De-là vient qu’elle est souvent prise chez les poëtes pour le destin à qui tout obéit ; c’est en ce sens qu’ils ont dit que les Parques étoient les filles de la fatale Nécessité. Pausanias rapporte qu’il y avoit dans la citadelle de Corinthe un petit temple dédié à la Nécessité & à la Violence, dans lequel il n’étoit permis à personne d’entrer qu’aux. prêtres de ces déesses. On représentoit la Nécessité accompagnée de la fortune, ayant des mains de bronze dans lesquelles elle tenoit des chevilles & des coins. (D. J.)

NECHIASEN, (Médecine.) C’est un terme paracelsique dont la signification n’est pas bien déterminée : le sentiment le plus reçu est que Paracelse donnoit ce nom à des particules salines, corrosives, & qui s’étendoient en rongeant. Il paroît qu’il l’emploie dans ce sens : de ulcer. apostem. sironib. & nod. lib. I. cap. v. On trouve assez souvent dans cet auteur de ces termes ou nouveaux, ou étrangers dans sa langue, par le moyen desquels il se rend inintelligible. C’est un reste du langage mystérieux familier aux Alchimistes ; les commentateurs sont fort embarrassés à deviner le sens de la plûpart de ces mots bisarres, tels que nesder, necro-astral, nedeon, &c. &c. Dornæus, un des plus célebres, avoue ingénuement là-dessus son insuffisance. Voyez ses notes sur le Dictionnaire de Roland. Castellus croit que le mot nedeon signifie dans Paracelse la propriété essentielle, spécifique de chaque être naturel.

NECHILOTH, (Critiq. sacrée.) ce terme hébreu signifie danse. Il se trouve à la tête du cinquieme pseaume. Il est adressé au maître qui présidoit ou sur les danses qu’on faisoit chez les Juifs dans certaines cérémonies religieuses, ou à la bande des musiciens qui jouoient de la flûte. (D. J.)

NECIUM, (Géog. anc.) c’est un des noms latins que l’on donne à la ville d’Anneoi dans les états du roi de Sardaigne.

NECKER ou NECKAR, (Géog.) les François

disent Nècre ; grande riviere d’Allemagne qui en reçoit plusieurs autres dans son cours : elle a sa source dans la Forêt-noire, & se jette dans le Rhin au-dessous de Manheim.

NECKERS-GEMUND, (Géog.) petite ville d’Allemagne dans le Palatinat du Rhin, sur le Neeker. Long. 27. 30. lat. 49. 26.

NECKERSULM, (Géog.) petite ville d’Allemagne en Franconie, sur le Necker, entre Hailbron & Wimpfen. Elle appartient au grand-maître de l’ordre teutonique. Long. 26. 40. lat. 49. 26. (D. J.)

NECROLOGE, s. m. (Hist. mod.) livre mortuaire dans lequel on écrit les noms des morts. Ce mot est formé du grec νεϰρος, mort, & de λογος, discours. Les premiers chrétiens avoient dans chaque église leur necrologe, où ils marquoient soigneusement le jour de la mort de leurs évêques. Les moines en ont eu & en ont encore dans leur monastere. On a donné aussi le nom de necrologe aux catalogues des saints, où le jour de leur mort & de leur mémoire est marqué ; &, à parler exactement, ce nom leur convient mieux que celui de martyrologe qu’on donne communément à ces sortes de recueils, puisque tous ceux dont il y est fait mention ne sont pas morts martyrs. Il faut cependant croire que la dénomination de martyrologe a prévalu, parce que dans les premiers tems les Chrétiens n’inscrivoient sur ces registres que les noms de ceux qui étoient morts pour la foi ; & que, dans la collection qui en a été faite depuis, on y a ajouté ceux des autres personnages qui s’étoient distingués par la sainteté de leur vie. (G)

NÉCROMANCIE, s. f. sorte de divination, par laquelle on prétendoit évoquer les morts pour les consulter sur l’avenir, par le ministere des démons qui faisoient rentrer les ames des morts dans leurs cadavres, ou faisoient apparoître à ceux qui les consultoient leur ombre ou simulacre. L’histoire de Saül si connue prouve l’existence & la réalité de la nécromancie. Elle étoit fort en usage chez les Grecs & surtout chez les Thessaliens. Ils arrosoient de sang chaud le cadavre d’un mort, & prétendoient qu’ensuite il leur donnoit des réponses certaines sur l’avenir. Ceux qui les consultoient devoient auparavant avoir fait les expiations prescrites par le magicien qui présidoit à cette cérémonie, & sur-tout avoir appaisé par quelque sacrifice les mânes du défunt qui, sans ces préparatifs, demeuroit constamment sourd à toutes les questions qu’on pouvoit lui faire. On sent assez par tous ces préliminaires combien de ressources & de subterfuges se préparoient les imposteurs qui abusoient de la crédulité du peuple.

Delrio qui a traité fort au long de cette matiere, distingue deux sortes de nécromancie. L’une qui étoit en usage chez les Thébains, & qui consistoit simplement dans un sacrifice & un charme, ou enchantement, incantatio. On en attribue l’origine à Tirésias. L’autre étoit pratiquée par les Thessaliens avec des ossemens, des cadavres, & un appareil tout-à-fait formidable. Lucain, liv. VI. en a donné une description fort étendue, dans-laquelle on compte trente-deux cérémonies requises pour l’évocation d’un mort. Les anciens ne condamnoient d’abord qu’à l’exil ceux qui exerçoient cette partie de la magie ; mais Constantin décerna contre eux peine de mort. Tertullien, dans son livre de l’ame, dit qu’il ne faut pas s’imaginer que les magiciens évoquâssent réellement les ames des morts, mais qu’ils faisoient voir à ceux qui les consultoient des spectres ou des prestiges, ce qui se faisoit par la seule invocation ; ou que les démons paroissoient sous la forme des personnes qu’on desiroit de voir, & cette sorte de nécromancie ne se faisoit point sans effusion de sang. D’au-