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chats ; savoir, le patriarchat de Rome, le patriarchat de Constantinople, le patriarchat d’Aléxandrie, le patriarchat d’Antioche, & le patriarchat de Jérusalem. (D. J.)

PATRIARCHAL, en terme de Blason, une croix patriarchale est une croix dont la fleche ou le fût est traversé deux fois, les traverses où les bras inférieurs étant plus courts que les supérieurs. Les croix de cette espece appartiennent aux patriarches, comme la triple croix au pape.

PATRIARCHAT, étendue de pays soumise à la jurisdiction d’un patriarche. Voyez Patriarche.

Ce nom a été donné à ce qu’on appelloit anciennement diocèse, c’est-à-dire plusieurs provinces qui ne faisoient qu’un corps sous une ville plus considérable qui étoit gouvernée par un même vicaire. L’Eglise s’étant établie suivant la forme de l’empire, a de même fait un corps des églises de ces provinces sous la jurisdiction de l’évêque de la principale ville, appellé exarque ou patriarche. Voyez Exarque & Patriarche.

Il y avoit en Orient cinq dioceses de cette nature : l’Egypte sous l’evêque d’Alexandrie, l’Orient proprement dit sous celui d’Antioche, l’Asie sous celui d’Ephese ; le Pont & la Thrace qui, dans les premiers tems, n’avoient pas d’evêques qui eussent une jurisdiction sur tout le diocese. Depuis la ville de Bysance ayant été érigée en ville royale, & nommée Constantinople, devint la capitale d’abord du diocese de Thrace, ensuite du Pont & de l’Asie même ; & on attribua aussi à l’évêque de Jérusalem, par honneur pour la ville qui avoit été le berceau de la religion chrétienne, quelques provinces de la Palestine. Ensorte qu’il y eut quatre patriarchats en Orient : celui de Constantinople qui eut le second rang, celui d’Alexandrie, celui d’Antioche & celui de Jérusalem. En Occident, il n’y avoit que celui de Rome qui, selon Ruffin, s’étendoit sur les provinces suburbicaires, c’est-à-dire sur dix provinces du continent d’Italie & de quelques îles adjacentes, depuis il s’étendit sur l’Illyrie, la Macedoine, & quelques parties de l’Occident, mais jamais il ne s’est étendu sur tout l’Occident ; car le primat de Carthage qui avoit sous lui plus de 500 chaires épiscopales, étoit regardé comme le patriarche de toute l’Afrique.

Le patriarchat d’Alexandrie avoit sous lui les provinces de l’Egypte, de la Pentapole, de la Lybie & de la Marmarique. On ne sait sur quel fondement le P. Morin y ajoute toute l’Afrique, ni pourquoi M. de Valois en retranche la Pentapole qui faisoit partie de l’Egypte, sur laquelle le second concile general étend & fixe la jurisdiction du patriarche d’Alexandrie, solam Ægyptum regat.

Celui d’Antioche ne s’étendoit pas sur toute l’Asie, comme l’a prétendu le P. Morin, mais dans son origine il étoit borné à la seule ville d’Antioche, ensuite sur la Cilicie, & enfin sur les quinze provinces qui formoient l’Orient proprement die : on voit par les actes du second concile œcuménique, tenu à Constantinople, que l’église d’Antioche n’avoit sous sa jurisdiction ni le Pont, ni l’Asie, ni la Thrace. C’est encore sans raison que M. de Valois soustrait à la jurisdiction du patriarchat d’Antioche quelques-unes des quinze provinces, qui composoient le comte d’Orient, par exemple, la Phénicie, la Palestine, la Cilicie & l’île de Chypre : il est constant par l’histoire ecclésiastique que l’évêque d’Antioche étoit patriarche de toutes ces provinces.

Baronius prétend que l’église de Jérusalem ne fut érigée en patriarchat qu’au cinquieme concile général en 549, mais il est constant que ce fut au concile de Chalcédoine en 451, où Maxime d’Antioche & Juvenal de Jérusalem ayant eu une vive dispute sur l’étendue de leur jurisdiction respective, les peres

du concile déciderent ainsi : Antiochiensium sanctissima ecclesia duas Phenicias & Arabiam sub propria potestate habeat. Sanctissima vero Christi resurrectio ibidem tres Palestinas habeat. Jusqu’aux croisades, le patriarchat de Jérusalem ne fut composé que des trois Palestines, & des métropoles de Césarée, de Scythoples & de Petra ; & depuis les croisades, le pape Innocent II. y ajouta la premiere Phénicie, au lieu de la troisieme Palestine qu’on n’avoit pu reconquérir sur les Sarrasins.

Le patriarchat de Constantinople ne comprenoit d’abord que la Thrace & le Pont, mais la faveur des empereurs, jointe à l’ambition des évêques, en étendit bientôt la jurisdiction au-delà de ses bornes, tant en Europe qu’en Asie, car il se soumit la Thessalie, la Macédoine, la Grece, l’Epire, l’Illyrie, la Bulgarie, & presque tout ce qui étoit en Europe de l’empire d’Orient. Les papes reclamerent souvent contre ces innovations & ces démembremens, mais presque toujours sans succès, & ç’a été un des principaux sujets de division entre l’Eglise latine & l’Eglise greque.

Au reste, quoique ces cinq grands patriarchats s’étendissent sur un grand nombre de provinces, tant en Orient qu’en Occident, il ne faut pas croire que toutes les églises du monde dépendissent de leur jurisdiction, puisqu’il y en avoit plusieurs qui étoient autocéphales, qui se gouvernoient par leurs conciles principaux ou nationaux, & dont les métropolitains étoient ordonnes par les évêques de la province.

Enfin l’établissement du plus ancien des patriarchats ne remonte pas plus haut que la fin du iij. siecle : car les actes du premier concile de Nicée, tenu en 325, sont le premier monument où il soit fait mention du patriarchat de Rome, & l’institution de tous les autres est certainement postérieure. Thomassin, discipline de l’Eglise, Dupin, de antiq. eccles. discipl.

PATRIARCHE, s. m. (Hist. & Théolog.) chez les Hébreux, on donne ce nom aux premiers hommes qui ont vécu, tant avant qu’après le déluge, auparavant Moise, comme Adam, Enoch, Noé, Abraham, Isaac, Jacob, Juda, Lévi, Simon & les autres fils de Jacob, & les chefs des douze tribus. Les Hébreux les nomment princes des tributs ou chefs des peres, Rosché abot.

Ce nom vient du grec πατριάρχης, qui signifie chef de famille. La longue vie & le grand nombre d’enfans étoient une des benédictions que Dieu répandoit sur les patriarches.

Depuis la destruction de Jérusalem, les juifs dispersés ont encore conservé ce titre parmi eux ; du-moins ceux de Judée dans les premiers tems l’ont donné au chef qu’ils élurent, ceux d’au-delà de l’Euphrate ayant donné au leur celui de prince de la captivité. Le premier gouvernoit les juifs qui demeuroient en Judée, en Syrie, en Egypte, en Italie & dans les provinces de l’empire romain. Le second avoit sous sa conduite ceux qui habitoient la Babylonie, la Chaldée, l’Assyrie & la Perse.

Ils mettent une grande différence entre les patriarches de la Judée & les princes de la captivité de Babylone, appellant ceux-ci rabbana & les autres rabban, nom qui n’est qu’un diminutif du premier. Ils soutiennent que les princes de la captivité descendoient de David en ligne masculine, au lieu que les patriarches n’en sortoient que par les femmes, & qu’au reste, ceux-ci ont commencé cent ans avant la ruine du temple, & qu’ils ont toujours joui d’une grande autorité, même pour le civil. Mais outre que les Ammoréens, princes très-jaloux de leur pouvoir, ne l’auroient pas souffert, Joseph & Philon ne disent mot de ces prétendus patriarches ; les rabbins eux-mêmes sont partagés sur le nombre de ces patriarches dont la dignité fut abolie dans le cinquieme siecle ; ensorte que presque tout ce qu’ils en racontent est destitué de preuves solides. Basnage, Hist. des Juifs,