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dans le droit & possession de créer des pensions réelles sur les cures & autres bénéfices de son diocèse, pourvû qu’il y ait juste cause de le faire.

Les causes légitimes admises en France pour la création des pensions sont,

1°. Pour que le résignant ne souffre pas un préjudice notable.

2°. Pour le bien de la paix, c’est-à-dire, dans le cas d’un bénéfice en litige ; mais il faut que ce soit sans fraude.

3°. Dans le cas de permutation, pour compenser l’inégalité des bénéfices.

4°. Lorsqu’on donne un coadjuteur à un bénéficier infirme.

Il y a néanmoins une autre espece de pension, que l’on appelle pension sans cause, pour la validité de laquelle il faut obtenir d’abord un brevet du roi, & le faire enregistrer du consentement du bénéficier sur lequel la pension est assignée ; ensuite se pourvoir à Rome pour y faire admettre la pension, en payant le droit de componende.

Les bénéfices qui sont à la collation du roi, ne peuvent être chargés de pensions, si ce n’est en vertu d’un brevet du roi, ou autres lettres émanées de lui.

Anciennement lorsque le roi pendant la régale, admettoit une résignation en faveur faite entre ses mains, sous la réserve d’une pension, on n’avoit pas besoin de se pourvoir à Rome pour faire autoriser cette pension ; mais le garde des sceaux du Vair introduisit l’usage de renvoyer à Rome pour faire créer & autoriser la pension. Le pape n’admet point la pension, à-moins que l’on ne fasse une nouvelle résignation entre ses mains ; mais pour ne pas préjudicier à la provision du roi, on met dans la procuration ad resignandum, que c’est à l’effet de faire créer la pension en cour de Rome ; & néanmoins la pension a lieu du jour du brevet du roi, lorsque cela est ainsi porté par le brevet.

On ne peut créer une pension au profit d’un tiers qui n’a aucun droit au bénéfice, si ce n’est du consentement du roi ; ce qui ne se pratique ordinairement que sur des bénéfices consistoriaux, & quand la pension est créée dans un tems postérieur à l’admission de la nomination ; en ce cas, il faut payer à la chambre apostolique un droit de componende.

En France on peut, du consentement du roi, & de l’autorité du pape, réserver au lieu de pension sur les bénéfices consistoriaux, la collation des bénéfices qui en dépendent.

En réservant une pension, on ne peut pas stipuler qu’elle cessera d’être payée lorsque le résignant aura fait avoir au résignataire un bénéfice de valeur égale à la pension.

Le collateur ni le patron ne peuvent pas se réserver une pension sur le bénéfice qu’ils donnent.

Il n’est pas permis non plus de réserver une pension sur un bénéfice dont on se démet pour cause d’incompatibilité, sur-tout lorsque le bénéfice que l’on garde est suffisant pour la subsistance du titulaire.

Une pension ne peut être permutée contre un bénéfice ; & en cas de permutation d’un bénéfice contre un autre, on ne peut réserver de pension que sur le bénéfice qui se permute.

Les deux permutans ne peuvent pas créer une pension dont la jouissance ne doive commencer qu’au profit du survivant.

Mais quand le bénéfice est déja chargé d’une pension telle qu’il la peut supporter, le résignant peut se réserver une pension de même valeur, à condition qu’elle ne sera payable qu’après l’extinction de la premiere.

Un bénéfice peut être chargé d’une double pension, pourvu que les deux pensions jointes ensemble n’excedent pas le tiers du revenu, non compris le casuel & les autres obventions.

Il y auroit subreption, si l’on n’exprimoit pas la premiere pension dont le bénéfice est chargé, ou si celui qui a déja une pension sur un autre bénéfice, ne le déclaroit pas.

Lorsque celui qui a une pension sur un prieuré dépendant d’une abbaye, est ensuite pourvu de cette abbaye, il ne conserve plus la pension qu’il avoit.

On ne peut pas réserver de pension sur une commanderie de l’ordre de Malte ou de celui de saint Lazare, parce que ces commanderies ne sont pas des bénéfices.

Il en est de même des hôpitaux, à-moins qu’ils ne soient érigés en titre de bénéfice.

Les bénéfices en patronage laïc, ne peuvent pas non plus être grevés de pension, si ce n’est du consentement du patron laïc, & si c’est un patronage mixte, & que le bénéfice vienne à vaquer dans le tour du patron laïc, la pension demeure éteinte.

Les pensions ne peuvent pas être transférées d’une personne à une autre, même du consentement des parties intéressées.

Le pape ne peut pas admettre la résignation & rejetter la pension ; car l’acte ne se divise pas.

On peut insérer dans le rescrit de Rome, que la pension sera payée franche & quitte de décimes & de toutes autres charges ordinaires, à l’exception du don gratuit, à la contribution duquel on ne peut déroger par aucune clause ; mais les curés qui ont résigné sous pension après quinze années de service, ou même plutôt à cause de quelque notable infirmité, sont ordinairement déchargés des décimes par les contrats passés entre le roi & le clergé ; & même en général tous pensionnaires ne sont point taxés pour les décimes ordinaires & anciennes ; mais on les fait contribuer aux dons gratuits à proportion de leurs pensions.

On peut donner une caution pour le payement de la pension ; cependant au grand conseil on n’admet point les stipulations de cautions.

Quand la pension excede le tiers des revenus du bénéfice, elle est réductible ad legitimum modum. Le grand conseil excepte les pensions réservées sur les bénéfices qui sont à la nomination du roi, lesquelles, suivant la jurisprudence de ce tribunal, ne sont réductibles qu’au cas seulement où il ne resteroit pas au titulaire de quoi soutenir la dignité de ses fonctions.

Le résignataire d’un bénéfice simple à charge de pension, & celui qui lui succede par résignation en faveur ou permutation, ne peuvent pas demander la réduction de la pension ; mais le pourvu per obitum, le peut faire ; & même si c’est une cure ou autre bénéfice à résidence, le résignataire lui-même peut demander la réduction de la pension au tiers, ou quand elle n’excéderoit pas le tiers ; il peut encore la faire réduire, s’il ne lui reste pas 300 livres les charges payées.

Les pensions sont aussi sujettes à diminution pour les mêmes causes pour lesquelles on accorde une diminution au fermier ; mais cette diminution momentanée cesse quand la cause a cessé.

Dans le cas d’union du bénéfice, la pension qui est créée n’est pas réductible.

La minorité du bénéficier qui s’est chargé de payer la pension, n’est pas un moyen de restitution.

Enfin, quelque excessive que soit la pension, cela ne rend pas la résignation nulle.

Une pension ne peut être vendue ; il y auroit simonie.

Il n’est pas permis de stipuler que le résignant rentrera dans son bénéfice, faute de payement de la pension. Cependant à défaut de payement, le résignant peut user du regrès, qu’on appelle regrès de droit ; & pour cet effet, il doit obtenir sentence.