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par elle-même, qui puisse arrêter l’inconstance de nos idées en matiere de religion.

Mithras est un & triple ; on retrouve dans ce triple Mithras des vestiges de la trinité de Platon & de la nôtre.

Orosmade ou Horsmidas est l’auteur du bien ; Arimane est l’auteur du mal : écoutons Leibnitz sur ces dieux. Si l’on considere, dit le philosophe de Leipsick, que tous les potentats d’Asie se sont appellés Horsmidas, qu’Irmen ou Hermen est le nom d’un dieu ou d’un héros celto-scythe, on sera porté à croire que l’Arimane des Perses fut quelque conquérant d’occident, tels que furent dans la suite Gengis-Chan & Tamerlan, qui passa de la Germanie & de la Sarmatie dans l’Asie, à-travers les contrées des Alains & des Massagetes, & qui fondit dans les états d’un Horsmidas, qui gouvernoit paisiblement ses peuples fortunés, & qui les défendit constamment contre les entreprises du ravisseur. Avec le tems l’un fut un mauvais génie, l’autre un bon ; deux principes contraires qui sont perpétuellement en guerre, qui se défendent & se battent bien, & dont l’un n’obtient jamais une entiere supériorité sur l’autre. Ils se partagent l’empire du monde, & le gouvernent, ainsi que Zoroastre l’établit dans sa chronologie. Ajoutez à cela, qu’en effet au tems de Cyaxare, roi des Medes, les Scythes se répandirent en Asie.

Mais comment un trait historique si simple, devient-il à la longue une fable si compliquée ? C’est qu’on transporta dans la suite, au culte, aux dieux, aux statues, aux symboles religieux, aux cérémonies, tout ce qui appartenoit aux sciences, à l’Astronomie, à la Physique, à la Chimie, à la Métaphysique & à l’histoire naturelle. La langue religieuse resta la même ; mais toutes les idées changerent. Le peuple avoit une religion & le prêtre une autre.

Principes du système de Zoroastre. Il ne faut pas confondre ce système, renouvellé avec l’ancien ; celui des premiers mages étoit fort simple ; celui de Zoroastre se compliqua.

1. Il ne se fait rien de rien.

2. Il y a donc un premier principe, infini, éternel, de qui tout ce qui a été & tout ce qui est, est émané.

3. Cette émanation a été très-parfaite & très-pure. Il faut la regarder comme la cause du mouvement, de la chaleur & de la vie.

4. Le feu intellectuel, très-parfait, très-pur, dont le soleil est le symbole, est le principe de cette émanation.

5. Tous les êtres sont sortis de ce feu, & les matériels & les immatériels. Il est absolu, nécessaire, infini ; il se meut lui-même ; il meut & anime tout ce qui est.

6. Mais la matiere & l’esprit étant deux natures diamétralement opposées, il est donc émané du feu originel & divin, deux principes subordonnés, ennemis l’un de l’autre, l’esprit & la matiere, Orosmade & Arimane.

7. L’esprit plus voisin de sa source, plus pur, engendre l’esprit, comme la lumiere, la lumiere : telle est l’origine des dieux.

8. Les esprits émanés de l’océan infini de la lumiere intellectuelle, depuis Orosmade, jusqu’au dernier, sont & doivent être regardés comme des natures lucides & ignées.

9. En qualité de natures lucides & ignées, ils ont la force de mouvoir, d’entretenir, d’échauffer, de perfectionner ; & ils sont bons. Orosmade est le premier d’entr’eux ; ils viennent d’Orosmade : Orosmade est la cause de toute perfection.

10. Le soleil, symbole de ses propriétés, est son trône, & le lieu principal de sa lumiere divine.

11. Plus les esprits émanés d’Orosmane s’éloignent de leur source, moins ils ont de pureté, de lu-

miere, de chaleur & de force motrice.

12. La matiere n’a ni lumiere, ni chaleur, ni force motrice ; c’est la derniere émanation du feu éternel & premier. Sa distance en est infinie, aussi est-elle ténébreuse, inerte, solide & immobile par elle-même.

13. Ce n’est pas à ce principe de son émanation, mais à la nature nécessaire de son émanation, à sa distance du principe, qu’il faut attribuer ses défauts. Ce sont ces défauts, suite nécessaire de l’ordre des émanations, qui en font l’origine du mal.

14. Quoiqu’Arimane ne soit pas moins qu’Orosmade, une émanation du feu éternel, ou de Dieu, on ne peut attribuer à Dieu ni le mal, ni les ténebres de ce principe.

15. Le mouvement est éternel & très-parfait dans le feu intellectuel & divin ; d’où il s’ensuit qu’il y aura une période à la fin de laquelle tout y retournera. Cet océan reprendra tout ce qui en est émané, tout, excepté la matiere.

16. La matiere ténébreuse, froide, immobile, ne sera point reçue à cette source de lumiere & de chaleur très-pure, elle restera, elle se mouvra, sans cesse agitée par l’action du principe lumineux ; le principe lumineux attaquera sans cesser ses ténebres, qui lui résisteront, & qu’elle affoiblira peu-à-peu, jusqu’à ce qu’à la suite des siecles atténuée, divisée, éclairée autant qu’elle peut l’être, elle approche de la nature spirituelle.

17. Après un long combat, des alternatives infinies, les ténebres seront chassées de la matiere ; ses qualités mauvaises seront détruites ; la matiere même sera bonne, lucide, analogue à son principe qui la réabsorbera, & d’où elle émanera de rechef, pour remplir tout l’espace & se répandre dans l’univers. Ce sera le regne de la félicité parfaite.

Voilà le systême oriental, tel qu’il nous est parvenu après avoir passé, au sortir des mains des mages, entre celles de Zoroastre, & de celles-ci, entre les mains des Pythagoriciens, des Stoïciens & des Platoniciens, dont on y reconnoît le ton & les idées.

Ces philosophes le porterent à Cosroès. Auparavant la sainteté en avoit été constatée par des miracles à la cour de Sapor ; ce n’étoit alors qu’un manichéisme assez simple.

Le sadder, ouvrage où la doctrine zoroastrique est exposée, emploie d’autres expressions ; mais c’est le même fonds. Il y a un Dieu : il est un, très-saint : rien ne lui est égal : c’est le Dieu de puissance & de gloire. Il a créé dans le commencement un monde d’esprits purs & heureux ; au bout de trois mille ans, sa volonté, lumiere resplendissante, sous la forme de l’homme. Soixante & dix anges du premier ordre l’ont accompagnée ; & elle a créé le soleil, la lune, les étoiles & les ames des hommes. Après trois autres mille ans, Dieu créa au-dessous de la lune un monde inférieur, plein de matiere.

Des dieux & des temples. La doctrine de Zoroastre les rejettoit aussi. La premiere chose que Xerxès fit en Grece, ce fut de détruire les temples & les statues. Il satisfaisoit aux préceptes de sa religion ; & les Grecs le regardoient sans doute comme un impie. Xerxès en usoit ainsi, dit Cicéron, ut parietibus excluderentur dii, quibus esse deberent omnia patentia & libera : pour briser les prisons des dieux. Les sectateurs du culte des mages ont aujourd’hui la même aversion pour les idoles.

Abregé des prétendus oracles de Zoroastre. Il y a des dieux. Jupiter en est un. Il est très-bon. Il gouverne l’univers. Il est le premier des dieux. Il n’a point été engendré. Il existe de tous les tems. Il est le pere des autres dieux. C’est le grand, le vieil ouvrier.

Neptune est l’aîné de ses fils. Neptune n’a point eu de mere. Il gouverne sous Jupiter. Il a créé le ciel.

Neptune a eu des freres ; ces freres n’ont point eu de mere. Neptune est au-dessus d’eux.