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mais il paroît par Cicéron, qu’il ne devoit pas être âgé lorsqu’il parvint au gouvernement de la république sous Cassander, roi de Macédoine, la troisieme année de la 115e. olympiade.

Il fut non-seulement le disciple, mais encore l’ami intime de Théophraste ; sous un aussi savant maître, il perfectionna les talens naturels qu’il avoit pour l’éloquence, & se rendit encore habile dans la philosophie, la politique & l’histoire. On peut voir dans Diogene Laërce, le catalogue des ouvrages qu’il avoit composés sur différens genres de sciences. Il est le seul des Grecs, dit Cicéron, qui ait pris soin de cultiver en même tems la philosophie & l’éloquence ; & pour s’être attaché à traiter des matieres philosophiques, & l’avoir fait avec toute l’exactitude & la subtilité que demande ce genre d’écrire, il n’a pas laissé d’être orateur. Il est vrai, ajoute-t-il, qu’il n’est pas des plus véhémens ; cependant il a ses graces, & on reconnoît aisément en lui le génie de son maître Théophraste. Cette douceur, qui faisoit le caractere de ses ouvrages, étoit aussi celui de son esprit ; il étoit d’ailleurs très-bien fait de sa personne, & la beauté de ses sourcils, lui valut le nom de χαριτοϐλέφαρος.

Pendant les dix années qu’il gouverna sa patrie, il s’acquit tant de gloire, qu’il n’est pas facile, ajoute Cicéron, de trouver quelqu’un qui ait excellé comme lui tout ensemble dans l’art du gouvernement & dans les sciences. Il augmenta les revenus de l’état, & il embellit la ville d’Athenes d’édifices. Il diminua le luxe qui n’étoit que pour le faste, & laissa au peuple la liberté d’user de ses richesses pour les cérémonies religieuses, & les fêtes publiques que l’antiquité avoit consacrées. Il régla les mœurs, & les pauvres citoyens vertueux furent l’objet de ses attentions. C’est ainsi, dit Elien, que se passa glorieusement l’administration de ce grand homme, jusqu’à ce que l’envie si naturelle à ses compatriotes, l’obligea de sortir d’Athènes.

Au commencement de la seconde année de la cent dix-huitieme olympiade, Démétrius Poliorcetes vint aborder au port de Pyrée, avec une flotte de deux cent cinquante vaisseaux, annonçant aux Athéniens qu’il venoit pour rétablir chez eux les lois de la liberté ; & chasser de leurs villes les garnisons de Cassander. En vain Démétrius de Phalere représenta au peuple d’Athènes, que le fils d’Antigonas ne feroit rien de ce qu’il promettoit, ils n’écouterent point leur archonte, qui prit le parti de se retirer de la ville, & de demander à ce prince une escorte pour le conduire à Thèbes. Démétrius Poliorcetes lui accorda sa demande, respectant, dit Plutarque, sa réputation & sa vertu.

Bientôt les Athéniens renverserent les 360 statues qu’ils avoient élevées à sa gloire, & l’accusant d’avoir fait beaucoup de choses contre les lois pendant son gouvernement, il fut condamné à mort ; ceux qui avoient eu une étroite liaison avec lui, furent inquiétés ; & peu s’en fallut que le poëte Menandre ne fût appellé en jugement, pour la seule raison qu’il avoit été de ses amis.

Démétrius de Phalere après avoir reste quelque-tems à Thèbes, se retira vers Ptolomée Soter, la premiere année de la cent vingtieme olympiade. Ce prince, recommandable par sa libéralité, la noblesse de ses sentimens, & sa débonnaireté à l’égard de ses amis, étoit le réfuge de tous les malheureux. Démétrius en fut bien reçu ; &, selon Elien, Ptolomée lui donna la fonction de veiller à l’observation des lois de l’état. Il tint le premier rang parmi les amis de ce roi ; il vécut dans l’abondance de toutes choses, & se trouva en état d’envoyer des présens à ses amis d’Athènes : c’étoit de ces véritables amis, dont Démétrius disoit, « qu’ils ne venoient dans la prospéri-

té, qu’après qu’on les avoit mandés ; mais que dans l’adversité ils se présentoient toujours sans qu’on les eût priés ».

Il s’occupa pendant son exil à composer plusieurs ouvrages sur le gouvernement, sur les devoirs de la vie civile ; & cette occupation étoit pour son esprit une espece de nourriture, qui entretenoit en lui le goût de l’urbanité attique. Mais un ouvrage dont plusieurs auteurs lui font honneur, c’est l’établissement de la fameuse bibliotheque d’Alexandrie.

Aristée, Aristobule, philosophe péripatéticien, juif, Josephe, Tertullien, Clément d’Alexandrie, S. Cyrille de Jérusalem, S. Epiphane, S. Jerome, S. Augustin, & plusieurs autres écrivains chrétiens, qui ont parlé de cette bibliotheque, & de la traduction des septante, disent tous que cet établissement fut commis aux soins de Démétrius de Phalere. Les auteurs payens ont à la vérité parlé de la bibliotheque d’Alexandrie, mais ils ne font point mention de Démétrius. Joseph Scaliger s’est déclaré ouvertement contre le sentiment des auteurs chrétiens, fondé sur ce que Démétrius ayant été l’objet de la haine de Ptolémée Philadelphe, il n’avoit pu être l’instrument dont ce prince s’étoit servi pour cet établissement.

Quoi qu’il en soit, Démétrius de Phalere vécut paisiblement en Egypte pendant dix-neuf ou vingt ans, sous le gouvernement tranquile de Ptolémée Soter. Ce prince, deux ans avant sa mort, prit la résolution d’abdiquer la royauté, & de la céder à Ptolomée Philadelphe, malgré les raisons qu’employa Démétrius pour l’en dissuader ; bien-tôt après, il eut tout lieu de se repentir de ses avis ; car Soter étant mort l’année suivante, Ptolémée Philadelphe, instruit du conseil que Démétrius avoit donné à son pere, le rélegua dans une province, où il mena une vie fort triste, & mourut enfin de la piquure d’un aspic, âgé d’environ 67 ans, dans la troisieme ou quatrieme année de la cent vingt-quatrieme olympiade. Ciceron nous apprend qu’il mourut volontairement, & de la même maniere que Cléopatre se fit mourir depuis. Video, dit-il, (Orat. pro Rabirio) Demetrium, & ex republicâ Atheniensium, quam optimè digesserat, & ex doctrina nobilem & clarum, qui Phalereus vocitatus est, in eodem isto Ægyptii regno, aspide ad corpus admotâ, vitâ esse privatum. Il fut enterré près de Diospolis dans le canton de Busiris. Extrait des mém. de littérat. t. VIII. in-4o.

2°. Phalerum est encore le nom d’une ville de Thessalie, selon Suidas & Etienne le géographe. Les habitans de cette ville sont appellés Phalerenses par Strabon. Le Chevalier de Jaucourt.

PHALEUCE, ou PHALEUQUE, s. m. (Belles lettres.) dans la poésie grecque & latine. C’est une sorte de vers de cinq piés, dont le premier est un spondée, le second un dactyle, & les trois derniers sont des trochées : on l’appelle aussi hendecassyllabe, parce qu’il est composé d’onze syllabes, comme

Numquam divitias deos rogavi,
Contentus modicis, meoque lætus
. Martial.


Ce vers est très-propre pour l’épigramme & pour les poésies légeres. Catulle y excelloit. On prétend qu’il a tiré son nom de Phaleucus, qui l’inventa.

PHALLIQUES, (Antiq. grecq.) fêtes que l’on célebroit à Athenes en l’honneur de Bacchus. Elles furent instituées par un habitant d’Eleuthere nommé Pégase, à l’occasion qu’on va dire. Pégase ayant porté des images de Bacchus à Athènes, s’attira la risée & le mépris des Athéniens. Peu après ils furent frappés d’une maladie épidémique, qu’ils regarderent comme une vengeance que le dieu tiroit d’eux. Il envoyerent aussi-tôt à l’oracle pour avoit le remede au mal présent, & pour réparer l’injure qu’ils avoient faite à Bacchus. On leur répondit, qu’ils devoient