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crétion artérielle immédiate, quoiqu’elle se fasse peut-être de cette maniere comme dans les intestins, dont la seule analogie rend cette conjecture probable. En effet, si l’on injecte la carotide d’un fœtus, on voit sortir des narines un mucus rougeâtre, écumeux, mêlé avec l’eau injectée. Le mucus des narines se filtre donc sans la médiation d’aucun crypte, autrement cet écoulement ne se feroit pas si vîte. Outre cette secrétion artérielle, il en est une autre glanduleuse, qui donne d’abord une humeur aussi claire que celle de la sécrétion artérielle ; les glandes qui la filtrent reçoivent de très-petites arteres dispersées sur la surface de la membrane pituitaire.

Cette humeur venant de cette double source, s’amasse dans les sinus frontaux, sphénoïdes, maxillaires, & de-là coule dans les narines, suivant les diverses positions du corps. Si le sinus frontal est presque toujours vuide, c’est que le plus souvent on a la tête droite : on en trouve toujours au contraire dans le sinus maxillaire & sphénoïdal, parce qu’ils peuvent rarement se vuider ; le mucus coulant de tous ces sinus va vernir toute l’expansion des nerfs olfactifs, & les conserve comme le vernis de blanc d’œufs conserve les couleurs.

Cependant, de peur que cette liqueur, qui se métamorphose aisément en tophus, ne vînt à s’épaissir trop, à s’accumuler à force de croupir dans ses réservoirs, & qu’ainsi elle ne pût désormais en couler, la nature y a distribué des rameaux de nerfs, qui étant irrités produisent l’éternuement, au moyen duquel l’air poussé impétueusement par toutes les cavités des narines, balaye toute la mucosité qu’il trouve dans son passage.

S’il est certain que les polypes sont quelquefois formés dans le nez par la membrane pituitaire, lorsqu’elle se boursouffle, sort des sinus, & prend un accroissement des os spongieux ; il n’est pas moins vrai que ces corps naissent quelquefois de l’épaississement & de la concrétion de la mucosité dans quelques sinus, qui ne pouvant se vuider, s’en remplit tout-à-fait, & le passage de l’air se trouve ainsi bouché par le polype éminent, formé de mucosité & de membrane ; c’est comme un morceau de chair, qui pend dans le gosier ou dans le nez, & qu’il faut emporter suivant les regles de l’art.

En été, la partie la plus liquide de la mucosité du nez se dissipe par la chaleur, ce qui la rend plus épaisse. En hiver elle coule naturellement & est claire comme des larmes, qui la délayent & qui la disposent à ses excrétions ; car les larmes coulent dans le nez par le canal nazal, que Salomon Alberti a le premier décrit.

Nous venons de voir que le principal usage de la membrane pituitaire est la filtration d’une liqueur lubrique, sans goût & sans odeur, qui se mêle facilement avec l’eau, qui se change en une espece de plâtre quand on la fait secher, & qui rend la surface interne du nez fort glissante.

Si la membrane pituitaire est parsemée de glandes & de vaisseaux sanguins, pour filtrer la mucosité dont nous venons de parler ; elle reçoit aussi, comme nous l’avons dit, les nerfs olfactifs lubrifiés par cette mucosité. C’est par les trous de l’os ethmoïde que descendent du cerveau ces filamens nerveux, qui après avoir pénétré les gaînes que leur fournit la dure-mere, vont se répandre par toute l’étendue de la membrane schneidérienne, en suivent tous les replis, & produisent la sensation que nous nommons odorat. Voyez Odorat. (D. J.)

PITUITE, s. f. (Médec.) Toute humeur amassée dans quelque partie, qui y circule lentement, & qui est d’une couleur pâle, opaque, ou transparente sans force, devenue liquide par un excès de chaleur, &

par les fonctions vitales dont le ralentissement lui a donné naissance, incapable d’acquérir de la concrescibilité à l’approche du feu, s’appelle pituite.

Elle est produite 1°. par les alimens muqueux, glutineux, farineux, qui n’ont point été assez divisés, par le défaut de saponacité dans les humeurs, & la foiblesse des fonctions vitales ; 2°. par la mucosité des humeurs des premieres voies ; 3°. par celles qui sont gélatineuses, mucilagineuses, albumineuses, & par la graisse elle-même dont le caractere a dégénéré par le défaut d’exercice du corps.

La pituite est encore produite par sa disposition naturelle à dégénérer, laquelle doit sa naissance & son accroissement au défaut d’humeurs savonneuses, dans les premieres voies, au ralentissement d’action de l’organe du chyle, à la diminution de la circulation du sang, & à la foiblesse des poumons, au relâchement des solides, à un sommeil trop long, au repos excessif du corps, à la tristesse de l’esprit, aux inquiétudes, à une trop grande application ; elle attaque les vieillards & les enfans dans l’hiver ; elle attaque aussi ceux qui habitent des lieux humides & froids, qui sont malades depuis long-tems, & sujets à de fréquentes hémorrhagies.

La pituite retenue long-tems dans le corps, ou 1°. elle devient d’abord liquide sans acrimonie, lorsqu’on l’appelle limphe ; ou, en second lieu, elle devient liquide avec acrimonie, on la nomme alors pituite salée ou humeur catharreuse ; ou troisiemement enfin, elle acquiert une concrescibilité vitreuse, gypseuse, & devient une matiere écrouelleuse, avec ou sans acrimonie.

Lorsque la pituite conserve sa qualité ordinaire, elle diminue la circulation, elle engendre des tumeurs molles, froides, le froid, la pâleur, la lassitude, le ralentissement du pouls, la laxité, la paralysie, la foiblesse, l’excrétion d’humeurs pituiteuses, la diminution d’urine quelquefois pâle, quelquefois visqueuse, la difficulté de respirer sur-tout après qu’on a mis en action les muscles du corps, des stagnations fréquentes suivies d’obstruction. Ces accidens varient suivant qu’une partie est plus ou moins attaquée ; il en arrive un grand nombre d’autres après leur métamorphose.

Il faut éviter les causes rapportées ci-dessus ; faire usage d’alimens fermentés & assaisonnés ; habiter des lieux secs, exposés au soleil, élevés & sablonneux ; exercer le corps par de fréquentes promenades à pié, à cheval, en voitures rudes, & se faire des frictions. Il convient de recourir à des remedes échauffans, aromatiques, stimulans, excitans, résineux, saponacés, alkalins, fixes & volatils ; après que la pituite a perdu sa qualité naturelle, il faut varier la cure suivant la différence des changemens qui arrivent. (D. J.)

Pituite des yeux, (Médec.) c’est une vieille fluxion qui rend les yeux tendres, chassieux & rouges, & qui a obligé les anciens à tenter toutes sortes de remedes pour se délivrer de cette maladie ; Hippocrate propose dans ses ouvrages divers moyens pour la guérir, & entr’autres les cauteres & les incisions à la tête. Celse traite aussi de la pituite des yeux avec beaucoup d’exactitude. Il la regarde comme la vraie cause de la chassie, & la nomme pituita oculorum, l. VII. c. vij. sect. 15.

Ce passage sert à expliquer un vers d’Horace, qui est à la fin d’une de ses épîtres à Mécenas :

Ad summum sapiens uno minor ex Jove, dives,
Liber, honoratus, pulcher, rex denique regum,
Præcipuè sanus, nisi cum pituita molesta est.

La pituite dont il veut parler est celle qui tombe sur les yeux. Ainsi l’on doit traduire le dernier vers : « enfin le sage se porte toujours bien, pourvû qu’il ne soit pas attaqué d’une chassie fâcheuse ».