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Les baillis & sénéchaux avoient droit de se choisir des lieutenans, en cas de maladie ou d’absence ; mais les lois s’étant multipliées, & leur connoissance demandant une longue étude, il fut ordonné que les lieutenans des baillis & sénéchaux seroient licentiés en droit.

Tel étoit à peu près l’état de la police de France.

Ce royaume étoit divisé en un grand nombre de jurisdictions supérieures, subalternes, royales & seigneuriales ; & ce fut à-peu-près dans ces tems que le bon ordre pensa être entierement bouleversé par ceux qui manioient les revenus du roi. Leur avidité leur fit comprendre dans l’adjudication des domaines royaux, les bailliages & sénéchaussées. La prevôté de Paris n’en fut pas même exceptée.

Mais pour bien entendre le reste de notre police, & ses révolutions, il faudroit examiner comment les conflits perpétuels de ces jurisdictions donnerent lieu à la création des bourgeois intendans de police, & se jetter dans un dédale d’affaires dont on auroit bien de la peine à se tirer, & sur lequel on peut consulter l’excellent ouvrage de M. de la Mare. Il suffira seulement de suivre ce que devint la police dans la capitale, &c.

Elle étoit confiée en 275, sous l’empereur Aurélien, à un principal magistrat romain, sous le titre de præfectus urbis, qu’il changea par ostentation en celui de comte de Paris, comes parisiensis. Il se nommoit en cas de maladie ou d’absence, un vice-gérent, sous le titre de vicomte, vicecomes.

Hugues le Grand obtint en 554 de Charles le simple son pupile, l’inféodation du comté de Paris, à la charge de reversion au défaut d’hoirs mâles. En 1082 Odon, comte de Paris, mourut sans enfant mâle ; le comté de Paris revint à la couronne, & Falco fut le dernier vicomte de Paris. Le magistrat que la cour donna pour successeur à Falco, eut le titre de prevôt, avec toutes les fonctions des vicomtes dont le nom ne convenoit plus.

Saint Louis retira la prevôté de Paris d’entre les mains des fermiers, & la finance fut séparée de la magistrature dans la capitale. Philippe le Bel & Charles VII. acheverent la réforme dans le reste du royaume, en séparant des revenus royaux, les sénéchaussées, bailliages, prevôtés, & autres justices subalternes.

L’innovation utile de saint Louis donna lieu à la création d’un receveur du domaine, d’un scelleur & de soixante notaires. Originairement le nom de notaire ne signifioit point un officier, mais une personne gagée pour écrire les actes qui se passoient entre des particuliers. On ne trouve aucun acte passé par-devant notaire comme officier avant 1270 ; ces écritures étoient ensuite remises au magistrat, qui leur donnoit l’autorité publique en les recevant inter acta, & qui en délivroit aux parties des expéditions scellées.

La prevôté de Paris fut un poste important jusqu’à la création des gouverneurs. Louis XII. en avoit établi dans ses provinces. Francois I. en donna un à Paris ; & ce nouveau magistrat ne laissa bien-tôt au prevôt de toutes ses fonctions, que celle de convoquer & conduire l’arriere-ban ; ce fut un grand échec pour la jurisdiction du châtelet. Elle en souffrit un autre, ce fut la création d’un magistrat supérieur, sous le titre de bailli de Paris, à qui l’on donna un lieutenant conservateur, douze conseillers, un avocat, un procureur du Roi, un greffier & deux audienciers. Mais cet établissement ne dura que quatre ans, & le nouveau siége fut réuni à la prevôté de Paris.

Le prevôt de Paris, les baillis & les sénéchaux jugeoient autrefois en dernier ressort ; car le parlement alors ambulatoire, ne s’assembloit qu’une ou deux

fois l’année au lieu que le roi lui désignoit, & tenoit peu de jours. Il ne connoissoit que des grandes affaires ; mais la multitude des affaires obligea Philippe le Bel, par édit de 1302, de fixer ses séances, & d’établir en différens endroits de semblables cours, & l’usage des appels s’introduisit.

Le prevôt de Paris avec ses lieutenans, y exerçoient la jurisdiction civile & criminelle en 1400 ; mais il survint dans la suite des contestations entre les lieutenans même de ce magistrat, occasionnées par les ténebres qui couvrent les limites de leurs charges. Ces contestations durerent jusqu’en 1630, que la police fut conservée au tribunal civil du châtelet. Les choses demeurerent en cet état jusque sous le regne de Louis XIV. ce monarque reconnoissant le mauvais état de la police, s’appliqua à la réformer. Son premier pas fut de la séparer de la jurisdicton civile contentieuse, & de créer un magistrat exprès qui exerçât seul l’ancienne jurisdiction du prevôt de Paris. A cet effet l’office de lieutenant civil du prevôt de Paris fut éteint en 1667, & l’on créa deux offices de lieutenans du prevôt de Paris, dont l’un fut nommé & qualifié conseiller & lieutenant civil de ce prevôt, & l’autre conseiller & lieutenant du même prevôt pour la police. L’arrêt qui créa ces charges fut suivi d’un grand nombre d’autres, dont les uns fixent les fonctions, d’autres portent défenses aux baillis du palais de troubler les deux nouvelles jurisdictions du châtelet. Il y eut en 1674 réunion de l’office de lieutenant de police de 1667 avec celui de la même année 1674, en la personne de M. de la Reynie. Voilà donc un tribunal de police érigé dans la capitale, & isolé de tout autre.

Après avoir conduit les choses où elles sont, il nous reste un mot à dire des officiers qui doivent concourir avec ce premier magistrat, à la conservation du bon ordre.

Les premiers qui se présentent sont les commissaires ; on peut voir à l’article Commissaire & dans le traité de M. de la Mare, l’origine de cet office, & les révolutions qu’il a souffertes. Je dirai seulement que très-anciennement les commissaires assistoient les magistrats du châtelet dans l’exercice de la police ; qu’il y avoit 184 ans qu’ils étoient fixés au nombre de seize, par l’édit de Philippe de Valois, du 21 Avril 1337, lorsque François I. doubla ce nombre ; qu’on en augmenta encore le nombre ; que ce nombre fut ensuite réduit ; enfin qu’il fut fixé à 55. Je ne finirois point si j’entrois dans le détail de leurs fonctions : c’est ce qu’il faut voir dans le traité de M. de la Mare, pag. 220, tom. I. où cette énumération remplit plusieurs pages. On peut cependant les réduire à la conservation de la religion, à la pureté des mœurs, aux vivres & à la santé ; mais ces quatre tiges ont bien des branches.

Les commissaires sont aidés dans leurs fonctions par des inspecteurs, des exempts, des archers, &c. dont ont peut voir leurs fonctions aux articles de ce Dictionnaire qui les concernent.

Quelques personnes desireroient peut-être que nous entrassions dans la police des autres peuples de l’Europe. Mais outre que cet examen nous méneroit trop loin, on y verroit à-peu-près les mêmes officiers sous des noms différens ; la même attention pour la tranquillité & la commodité de la vie des citoyens ; mais on ne la verroit nulle part peut-être poussée aussi loin que dans la capitale de ce royaume.

Je suis toutefois bien éloigné de penser qu’elle soit dans un état de perfection. Ce n’est pas assez que d’avoir connu les desordres, que d’en avoir imaginé les remedes ; il faut encore veiller à ce que ces remedes soient appliqués ; & c’est là la partie du problème qu’il semble qu’on ait négligée ; cependant sans elle, les autres ne sont rien.