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auteurs ; le second dans plusieurs ouvrages, & surtout dans celui qui porte pour titre, l’empire de la vertu.

2°. Machiavel a eu encore un adversaire redoutable dans un auteur anonyme qui nous a donné trois livres de commentaires pour apprendre à bien gouverner quelque état que ce soit, contre Machiavel. Ce livre fut imprimé à Lausane, & eut plusieurs éditions consécutives. On conjecture qu’il est de Vincent Gentillet, natif du Dauphiné.

Mais de tous les ouvrages qu’on a faits contre Machiavel, le plus estimable sans contredit, soit par la solidité, soit par le nom respectable de son auteur, c’est l’antimachiavel, qu’on attribue communément à un homme dont la moindre qualité est d’être monarque. Le but que nous nous proposons ici nous empêche de nous étendre sur le mérite de cet excellent ouvrage : nous dirons seulement avec Platon, heureux un état lorsque son roi sera philosophe, ou qu’un philosophe sera son roi !

Politique arithmétique ; c’est l’application des calculs arithmétiques aux sujets ou aux usages de la politique ; comme aux revenus publics, au nombre des habitans, à l’étendue & à la valeur des terres, aux taxes, aux arts, au commerce, aux manufactures ; à tout ce qui regarde la puissance, la force, les richesses, &c. de quelque nation ou république. Voyez Arithmétique.

Les principaux auteurs qui ont essayé des calculs de cette espece, sont M. Guillaume Petty, Mayor Grand, Halley, Davenant & King ; ce qu’ils ont principalement déterminé se réduit à ce qui suit.

Suivant les supputations de M. Guillaume Petty, quoique le territoire de Hollande & Zélande ne contienne pas plus de 1 000 000 d’acres, & que celui de France n’en contienne pas moins que 8 000 000, néanmoins la Hollande est presque un tiers aussi riche & aussi forte que la France. Il suit du même calcul que les rentes ou les revenus des terres en Hollande sont à celles de France, comme 7 ou 8 à 1 ; que le peuple d’Amsterdam est les de celui de Paris ou de Londres ; car à son compte, le peuple de Londres & celui de Paris ne different pas plus d’un vingtieme. Que la valeur des flotes de l’Europe monte à deux millions de tonneaux, dont l’Angleterre en a 500 000, la Hollande 900 000, la France 100 000. Hambourg, Danemarc, la Suede & Dantzick, 250 000 ; l’Espagne, le Portugal, l Italie, &c. environ autant. Que la valeur des marchandises que l’on exporte tous les ans de France dans toutes les parties du monde, est quadruple de celle que l’on exporte de France dans l’Angleterre seule, & par conséquent l’exportation en tout, monte à 5 000 000 liv. Que ce qui étoit alors exporté d’Hollande en Angleterre, montoit à 300 000 liv. & que ce qui en étoit exporté dans tout le monde alloit à 18 000 000 liv. Que l’argent levé tous les ans par le roi de France, est d’environ 6 millions de livres sterling. Que l’argent levé en Hollande & Zélande, est environ 2 100 000 liv. & dans toutes les provinces ensemble, environ 3 000 000 liv. Que le peuple d’Angleterre monte environ à six millions ; que leur subside à 7 liv. par tête chaque année, est de 42 000 000 liv. ou de 800 000 liv. la semaine. Que la rente des terres est d’environ 8 millions ; que les intérêts & les profits des biens mobiliaires vont à autant. Que la rente des maisons en Angleterre est de 4 000 000 liv. Que les revenus du travail de tout le peuple montent à 26 000 000 liv. par an. Qu’il y a environ en Irlande 1 200 000 ames. Que le grain dépensé en Angleterre à 5 s. le boisseau pour le froment, & à 2 s. 6 d. pour l’orge, monte à dix millions par an. Que de son tems, la marine d’Angleterre avoit besoin de 36 000 hommes pour monter ses vaisseaux ; que les autres métiers & la naviga-

tion en demandoient environ 48 000. Qu’en France,

toute la navigation en général n’employoit pas plus de 15 000 hommes. Que tout le peuple de France consiste environ en treize millions & demi d’hommes ; & celui d’Angleterre, d’Ecosse & d’Irlande ensemble, monte environ à neuf millions & demi. Que dans les trois royaumes d’Angleterre, il y a environ 20 mille prêtres, & en France environ 270 mille. Que dans toute l’étendue des états d’Angleterre, il y a environ 40 mille hommes de mer, & en France pas plus de 10 mille. Qu’en Angleterre, l’Ecosse & l’Irlande, & dans toutes les autres parties qui en dépendent, il y avoit alors environ 60 mille tonneaux d’embarquement ; ce qui fait environ la valeur de quatre millions & demi d’argent. Que le circuit de l’Angleterre, de l’Ecosse, de l’Irlande, & des îles adjacentes, est d’environ 3800 milles. Que dans tout le monde il y a environ 300 millions d’hommes, parmi lesquels ceux avec qui les Anglois & les Hollandois ont quelque commerce, ne vont pas à plus de 80 millions. Que la valeur des marchandises de négoce en tout, ne va pas au-dessus de 45 millions. Que les fabriques qu’on fait sortir d’Angleterre montent environ à 5 000 000 liv. par an. Le plomb, l’étain, le charbon de terre, est évalué 500000 liv. par an. Que la valeur des marchandises de France, que l’on apportoit alors en Angleterre, n’excédoit pas 1 200 000 liv. par an. Que toute la caisse d’Angleterre en monnoie courante, montoit de son tems environ à 6000000 liv. sterling.

M. Davenant donne de bonnes raisons par lesquelles il paroît que l’on ne doit pas compter entiérement sur tous les calculs de M. Guillaume Petty ; c’est pourquoi il en produit d’autres de son chef, fondées sur les observations de M. King.

Voici quelques-uns de ses calculs. Le territoire d’Angleterre contient 39 millions d’acres ; le nombre du peuple est d’environ 5 545 000 ames, l’augmentation qui s’en fait chaque année étant d’environ 9 000 hommes, sans compter ce qu’emporte la peste, la guerre, la navigation, les colonies, &c. Il évalue le peuple de Londres à 530 000 ; celui des autres cités & des villes où il y a marché, à 870 000 ; celui des villages & des hameaux, à 4 100 000. Il fait monter la rente annuelle des terres à 10 000 000 liv. celle des maisons & des édifices à 2 000 000 liv. par an. Il compte que le produit de toutes sortes de grains est de 9 075 000 liv. année commune. Que le revenu des terres à grain produit annuellement 2 000 000 liv. & que leurs bœufs produisent plus de 9 000 000 liv. que le revenu des pâturages, des prairies, des bois, des forêts, des communes, des bruyeres, &c. est de 7 000 000 liv. Il pense que le produit annuel des bestiaux, en beurre, en fromage, lait, est d’environ 2 500 000 liv. Que la valeur de la laine qu’on tire des animaux chaque année est d’environ 2 000 000 l. celle des chevaux que l’on y nourrit, est d’environ 250 000 liv. par an. Que la viande que l’on y dépense tous les ans pour la nourriture, monte environ à 3 350 000 liv. que la valeur des suifs & des cuirs est d’environ 600 000 liv. que celle du foin que les chevaux consomment tous les ans est d’environ 1 300 000 liv. que ce qui en est consommé par les autres bestiaux monte à 1 000 000 liv. Que la valeur du bois que l’on coupe tous les ans pour la construction des édifices est de 500 000 liv. celle du bois que l’on brûle, &c. est d’environ 500 000 liv. Que le terrein d’Angleterre par rapport à ses habitans, est à présent d’environ sept acres par tête, l’un portant l’autre. Que la valeur du froment, du seigle, de l’orge, nécessaires pour la subsistance de l’Angleterre, ne monte pas à moins que 6 000 000 liv. sterling par an. Que la valeur des manufactures de laine que l’on y fait, est d’environ 8 000 000 liv. par an ; que nos exportations de