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duit la liberté des républiques, exclut les graces ; & comme la vertu qui en est le principe, est étroitement liée à l’amour de la liberté, ces gouvernemens ne comportent qu’une seule espece de grace, celle d’être nourri & enterré aux dépens du public, ou de recevoir des dons du fisc. En effet, que manque-t-il à un homme vertueux ? que donneroient des hommes libres à un homme libre comme eux ? Le citoyen qui avoit sauvé la vie à un citoyen avoit droit à la couronne civique ; le soldat qui avoit monté le premier à l’assaut d’une ville ennemie avoit droit à la couronne murale, &c. Ces récompenses à Rome & dans la Grece n’avoient rien d’arbitraire, les services rendus avoient leur prix.

Dans les états despotiques les graces sont identifiées avec les charges ; il faut que le despote choisisse un esclave pour gouverner d’autres esclaves, & il l’appellera visir ou bacha : comme la nature de ce gouvernement exclut les droits, il faut que son principe établisse les graces que la nature de ce gouvernement exige : elles ne peuvent pas devenir abusives, parce que ce gouvernement est lui-même l’excès de tous les abus.

C’est dans les monarchies que les graces sont plus intimement liées avec le principe de ce gouvernement ; l’honneur est relatif ; il suppose donc des distinctions : la vertu, principe des républiques, les exclut, pour ainsi dire ; l’honneur en exige, mais il en dédaigne plusieurs : il faut aussi que la nature des graces suive la marche de l’honneur, sans quoi l’enchantement de ce gouvernement ne subsistera plus, l’opinion seroit détruite. Un roi peut établir, par exemple, un ordre dans son royaume ; c’est l’opinion des hommes susceptibles de cet honneur qui a rendu cette marque distinctive plus ou moins désirable : mais elle la rend toujours l’objet de l’ambition la plus déréglée, parce qu’elle donne aux hommes une grandeur plus idéale, & par conséquent plus éloignée de celle qu’ils partageront avec leurs égaux. Dans cet état tous les ordres qui le composent tendent vers le monarque ; il est élevé au sommet de la pyramide, sa base moyennant cela n’est pas écrasée ; mais aussi les malheurs qui peuvent renverser l’édifice monarchique sont peut être innombrables. Je vais jetter seulement ici un regard sur les malheurs & sur le bien que peuvent produire les graces.

Nous avons dit qu’il n’étoit point d’honneur sans distinctions, & moyennant cela, qu’il falloit que les distinctions suivissent la marche de l’honneur ; en effet, si elles le dénaturent, le gouvernement sera bouleversé ; les distinctions renferment toutes les graces possibles, les biens, les charges qui en rapportent, & auxquelles sont joints des honneurs, les places du royaume, & les marques honorables sans biens. Tant que le luxe n’aura point corrompu les ames, l’aisance sera générale, au moins il y aura une proportion établie dans la fortune des particuliers ; alors les hommes auront encore cette force élastique qui les fera remonter où ils étoient avant d’être pliés. L’ordre de l’Etoile fut-il avili, il fallut créer celui de S. Michel ; celui-ci fut-il prostitué, il fallut qu’Henri III. créât celui du Saint-Esprit. Ce qui peut introduire inévitablement le luxe, & pis encore, la soif de l’or, dans un état monarchique, c’est la distribution des graces & leur nature. Si l’on ne distingue pas les bienfaits, les dons, les récompenses, les graces proprement dites, par lesquelles je n’entends désormais que les marques purement honorables, tout sera perdu. Louis XIV. a senti une partie de ce que je dis : il répandoit ses bienfaits, ils tiennent à la générosité ; il accorda des dons à ceux qui étoient attachés au service de sa personne, cela tient à la reconnoissance ; récompensa les artistes célebres & les gens de lettres illustres, cela tient à la

gloire ; fit des graces aux seigneurs de sa cour, cela tient à la dignité : il eût tout fait s’il n’avoit pas attaché au bonheur de lui plaire des graces que partageoient ceux qui avoient l’honneur de servir dans ses armées, & qu’il n’eût pas donné à ses courtisans des biens immenses qui les rendoient l’objet de la jalousie de ceux dont à leur tour ils envioient les grades. Le danger de ce mal étoit moins voisin, que s’il eût tout confondu ; il en étoit presque le maître : mais ce mal devoit jetter des racines profondes, & qui ébranleroient la machine si on vouloit les déraciner. C’est le luxe qu’il devoit produire ; quand il sera poussé à l’excès, on demandera les charges pour jouir de leurs émolumens. Alors on pourra prostituer les honneurs ; on les desirera ces honneurs, & on les partagera avec des gens qui les dégradent, parce que le tems sera venu de demander combien avez-vous d’argent ? quia tanti scis, quantum habeas. C’étoit-là le beau siecle d’Auguste. Il est pourtant un moyen de reculer ces tems détestables, c’est de n’attacher aux grades, aux marques, aux places honorifiques nul revenu ; cela arrêteroit le luxe ; on ne se ruineroit plus pour avoir un gouvernement, mais on feroit un bon usage de son bien pour se rendre digne de commander une province. Sed tandem sit finis quærendi.

Politiques, s. m. pl. (Hist. mod.) nom d’un parti qui se forma en France pendant la ligue en 1574. C’étoient des catholiques mécontens, qui sans toucher à la religion, protestoient qu’ils ne prenoient les armes que pour le bien public, pour le soulagement du peuple, & pour réformer les désordres qui s’étoient glissés dans l’état par la trop grande puissance de ceux qui abusoient de l’autorité royale ; on les nomma aussi royalistes, quoique dans le fond ils ne fussent pas trop soumis au souverain. Ils se joignirent aux Huguenots, sous la conduite d’Henri de Montmorenci, maréchal de Dam-Ville & gouverneur de Languedoc, qui pour se maintenir dans sa place avoit formé ce parti, & y avoit attiré le vicomte de Turenne son neveu, qui fut depuis duc de Bouillon.

POLITORIUM, (Géog. anc.) ville d’Italie dans le Latium, & selon Pline, liv. III. ch. v. dans la premiere région. Tite-Live, liv. I. ch. xxxiij. dit que cette ville fut prise par le roi Ancus. On ne sait point aujourd’hui sa position.

POLIUM, s. m. (Hist. nat. Botan.) genre de plante à fleur monopétale & labiée ; les étamines se trouvent sur la levre supérieure ; la levre d’en-bas est divisée en cinq parties comme dans les fleurs de la germandrée. Le pistil sort du calice, il est attaché comme un clou à la partie postérieure de la fleur, & entouré de quatre embryons qui deviennent dans la suite autant de semences renfermées dans une capsule qui a servi de calice à la fleur. Ajoutez aux caracteres de ce genre que les fleurs naissent sur les branches & sur les tiges, & qu’elles sont réunies en forme de tête. Tournefort, Institut. rei herbar. Voyez Plante.

Ce genre de plante, en anglois the montain-poley, est bien nombreux en especes. Tournefort en compte trente-sept ; il y en a deux employées principalement en Médecine, le jaune & le blanc.

Le polium jaune, polium montanum, luteum, I. R. H. 206. a la racine ligneuse, garnie de quelques fibres. Elle pousse plusieurs tiges grêles, dures, hautes d’environ un demi-pié, cotonneuses, dont les unes se tiennent couchées sur terre, & les autres redressées, Ses feuilles sont petites, oblongues, épaisses, dentelées sur leurs bords, garnies en-dessus & en-dessous d’un duvet ou coton blanchâtre.

Ses fleurs naissent au sommet des tiges & des branches ; elles sont formées en gueules, petites, ramassées plusieurs ensemble en maniere de tête, de couleur jaune comme de l’or, d’une odeur pénétrante &