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au grand feu du fourneau. On la cuit ainsi toute blanche, ou pour la conserver dans cette couleur, ou bien pour la dorer & la peindre de différentes couleurs, & ensuite la recuire. Mais quand on veut peindre la porcelaine en bleu, & que la couleur paroisse après la cuite, il ne faut méler que sept tasses de peyeou avec une tasse de vernis, ou de la mixtion de chaux & de cendres de fougere.

Il est bon d’observer encore en général, que la porcelaine dont le vernis porte beaucoup de cendres de fougere, doit être cuite à l’endroit tempéré du fourneau, c’est-à-dire ou après trois premiers rangs, ou dans le bas à la hauteur d’un pié ou d’un pié & demi. Si elle étoit cuite au haut du fourneau, la cendre se fondroit avec précipitation, & couleroit au bas de la porcelaine.

Quand on veut que le bleu couvre entierement le vase, on se sert d’asur préparé & délayé dans de l’eau à une juste consistence, & on y plonge le vase. Pour ce qui est du bleu soufflé, on y emploie le plus bel asur préparé de la maniere qu’on l’a expliqué ; on le souffle sur le vase, & quand il est sec, on donne le vernis ordinaire.

Il y a des ouvriers, lesquels sur cet asur, soit qu’il soit soufflé ou non, tracent des figures avec la pointe d’une longue aiguille : l’aiguille leve autant de petits points de l’asur sec qu’il est nécessaire pour représenter la figure, puis ils donnent le vernis : quand la porcelaine est cuite, les figures paroissent peintes en miniature.

Il n’y a point tant de travail qu’on pourroit se l’imaginer, aux porcelaines sur lesquelles on voit en bosses des fleurs, des dragons, & de semblables figures ; on les trace d’abord avec le burin sur le corps du vase, ensuite on fait aux environs de légeres entaillures qui leur donnent du relief, après quoi on donne le vernis.

Porcelaine particuliere. Il y a une espece de porcelaine qui se fait de la maniere suivante : on lui donne le vernis ordinaire ; on la fait cuire, ensuite on la peint de diverses couleurs, & on la cuit de nouveau. C’est quelquefois à dessein qu’on réserve la peinture après la premiere cuisson ; quelquefois aussi on n’a recours à cette seconde cuisson, que pour cacher les défauts de la porcelaine, en appliquant des couleurs dans les endroits défectueux. Cette porcelaine, qui est chargée des couleurs, ne laisse pas d’être au goût de bien des gens.

Il arrive d’ordinaire qu’on sent des inégalités sur ces sortes de porcelaine, soit que cela vienne du peu d’habileté de l’ouvrier, soit que cela ait été nécessaire pour suppléer aux ombres de la peinture, ou bien qu’on ait voulu couvrir les défauts du corps de la porcelaine. Quand la peinture est seche aussi-bien que la dorure, s’il y en a, on fait des piles de ces porcelaines, & mettant les petites dans les grandes, on les range dans le fourneau.

Des fourneaux pour cuire la porcelaine. Ces sortes de fourneaux peuvent être de fer, quand ils sont petits : mais d’ordinaire ils sont de terre, quelquefois de quatre à cinq piés de haut, & presque aussi larges que nos tonneaux de vin. Ils sont faits de plusieurs pieces de la matiere même des caisses de porcelaine : ce sont de grands quartiers épais d’un travers de doigt, hauts d’un pié, & longs d’un pié & demi. Avant que de les cuire, on leur donne une figure propre à s’arrondir : on les place bien cimentés les uns sur les autres ; le fond du fourneau est élevé de terre d’un demi-pié, & placé sur deux ou trois rangs de briques ; au tour du fourneau est une enceinte de briques bien maçonnées, laquelle a en bas trois ou quatre soupiraux, qui sont comme les soufflets du foyer.

On doit bien prendre garde dans l’arrangement des pieces de porcelaine, qu’elles ne se touchent les unes

les autres par les endroits qui sont peints ; car ce seroit autant de pieces perdues. On peut bien appuyer le bas d’une tasse sur le fond d’une autre, quoiqu’il soit peint, parce que les bords du fond de la tasse emboitée n’ont point de peinture ; mais il ne faut pas que le côté d’une tasse touche le côté de l’autre. Ainsi, quand on a des porcelaines qui ne peuvent pas aisément s’emboiter les unes dans les autres, les ouvriers les rangent de la maniere suivante.

Sur un lit de ces porcelaines qui garnit le fond du fourneau, on met une couverture ou des plaques faites de la terre dont on construit les fourneaux, ou même des pieces de caisses de porcelaines ; car à la Chine tout se met à profit. Sur cette couverture on dispose un lit de ces porcelaines, & on continue de les placer de la sorte jusqu’au haut du fourneau.

Quand tout cela est fait, on couvre le haut du fourneau des pieces de poterie semblables à celles du côté du fourneau ; ces pieces qui enjambent les unes dans les autres, s’unissent étroitement avec du mortier ou de la terre détrempée. On laisse seulement au milieu une ouverture pour observer quand la porcelaine est cuite. On allume ensuite quantité de charbon sous le fourneau, & on en allume pareillement sur la couverture, d’où l’on en jette des monceaux dans l’espace qui est entre l’enceinte de brique & le fourneau ; l’ouverture qui est au-dessus du fourneau se couvre d’une piece de pot cassé. Quand le feu est ardent, on regarde de tems en tems par cette ouverture ; & lorsque la porcelaine paroît éclatante & peinte de couleurs vives & animées, on retire le brasier, & ensuite la porcelaine.

Application de l’huile sur la porcelaine. Au reste, il y a beaucoup d’art dans la maniere dont l’huile se donne à la porcelaine, soit pour n’en pas mettre plus qu’il ne faut, soit pour la répandre également de tous côtés. A la porcelaine qui est fort mince & fort déliée, on donne à deux fois deux couches légeres d’huile ; si ces couches étoient trop épaisses, les foibles parois de la tasse ne pourroient les porter, & ils plieroient sur le champ. Ces deux couches valent autant qu’une couche ordinaire d’huile, telle qu’on la donne à la porcelaine fine qui est plus robuste. Elles se mettent, l’une par aspersion, & l’autre par immersion. D’abord on prend d’une main la tasse par le dehors, & la tenant de biais sur l’urne où est le vernis, de l’autre main on jette dedans autant qu’il faut de vernis pour l’arroser par-tout ; cela se fait de suite à un grand nombre de tasses. Les premieres se trouvant seches en-de dans, on leur donne l’huile dehors de la maniere suivante ; on tient une main dans la tasse, & la soutenant avec un petit bâton sous le milieu de son pié, on la plonge dans le vase plein de vernis, d’où on la retire aussi-tôt.

J’ai dit que le pié de la porcelaine demeuroit massif ; en effet, ce n’est qu’après qu’elle a reçu l’huile, & qu’elle est seche, qu’on la met sur le tour pour creuser le pié, après quoi on y peint un petit cercle, & souvent une lettre chinoise. Quand cette peinture est seche, on vernit le creux qu’on vient de faire sous la tasse, & c’est la derniere main qu’on lui donne ; car aussi-tôt après, elle se porte du laboratoire au fourneau pour y être cuite.

Préparatif pour la cuisson. L’endroit où sont les fourneaux présente une autre scene ; dans une espece de vestibule qui précéde le fourneau, on voit des tas de caisses & d’étuis faits de terre, & destinés à renfermer la porcelaine. Chaque piece de porcelaine pour peu qu’elle soit considérable, a son étui, les porcelaines qui ont des couvercles, comme celles qui n’en ont pas. Ces couvercles qui ne s’attachent que foiblement à la partie d’en bas durant la cuisson, s’en détachent aisément par un petit coup qu’on leur donne. Pour ce qui est des petites porcelaines, com-