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mi d’envergure. Ordinairement les oiseaux qui ont de longues jambes, ont aussi le cou long ; cependant dans celui-ci le cou étoit court & gros, il n’avoit que 3 pouces & demi de longueur, tandis que les jambes avoient 9 pouces depuis terre jusqu’au ventre. Le pié étoit très-long, car il avoit 7 pouces de longueur depuis l’extrémité de l’ongle des plus grands doigts, jusqu’au bout du doigt postérieur. Cet oiseau se servoit de son pié comme les perroquets, pour prendre sa nourriture : son plumage étoit de cinq couleurs ; savoir, le bleu, le violet, le vert, le gris brun & le blanc. Il y avoit autour des yeux, sur le devant de la tête & au-dessous du cou, du bleu qui se changeoit insensiblement en violet sur le ventre & sur le derriere du cou. Le dessous & le derriere de la tête étoient d’un violet sale & tirant sur le gris brun ; le ventre & les cuisses avoient une couleur grise brune : le dos étoit vert, & les extrémités des petites plumes avoient une couleur mêlée de vert & de bleu, ce qui étoit cause que le dos paroissoit tantôt vert & tantôt bleu, parce que selon les différens aspects, il n’y avoit que l’une ou l’autre de ces couleurs qui fût apparente. La face supérieure des aîles étoit violette, & l’inférieure d’un gris brun ; les grandes plumes avoient les barbes intérieures noires ; cette couleur ne paroissoit que lorsqu’on étendoit les aîles. La queue étoit blanche en dessous, & d’un gris brun mêlé de noir en dessus. Le bec avoit une couleur rouge ; il étoit gros, long, pointu & un peu crochu à l’extrémité : la piece supérieure avoit à sa racine un long prolongement qui s’étendoit jusqu’au-dessus de la tête, où il s’élargissoit en ovale d’un pouce de longueur, sur six lignes de largeur ; les jambes étoient rouges, & couvertes d’écailles toutes en forme de table ; il y avoit quatre doigts à chaque pié, trois en avant & un en arriere ; & ses ongles étoient longs, pointus & médiocrement crochus. Mémoires pour servir à l’histoire nat. des animaux, par M. Perrault, tom. III. part. III. Voyez Oiseau.

Poule, cul de poule, farcin cul de poule, (Maréchal.) est une espece de farcin qui vient aux chevaux, & auquel on a donné ce nom à cause de sa figure. Voyez Farcin.

Poule, au jeu de l’Ambigu, signifie les jettons que l’on a mis au jeu avant de faire pour la premiere fois.

Poule, en terme de jeu du Reversis, c’est les jettons que chaque joueur a mis dans un corbillon ou sur le tapis, dans un ou plusieurs tours.

POULETS, four à, (Invent. égypt.) c’est en Egypte un bâtiment construit dans un lieu enfoncé en terre, & en forme de dortoir ; l’allée qui est au milieu a 4 ou 5 chambres à ses côtés de part & d’autre.

La porte de l’allée est fort basse & fort étroite : elle est bouchée avec de l’étoupe, pour conserver une chaleur continuelle dans toute l’étendue du four.

La largeur des chambres est de 4 ou 5 piés, & la longueur en a trois fois autant.

Les chambres ont double étage : celui d’en bas est à rez de chaussée ; celui d’en haut a son plancher inférieur, & ce plancher a une ouverture ronde au milieu : le plancher supérieur est voûté en dôme & pareillement ouvert.

Au lieu de porte, chaque étage a une petite fenêtre d’un pié & demi en rond.

L’étage inférieur est rempli de 4 ou 5 mille œufs, & même plus ; car plus il y en a, & mieux l’entrepreneur y trouve son compte. D’ailleurs, cette multitude d’œufs contribue à entretenir la chaleur, qui se communique à tous les œufs accumulés les uns sur les autres.

L’étage supérieur est pour le feu. Il y est allumé durant 8 jours, mais non pas de suite, car la chaleur en seroit excessive & nuisible. On l’allume seulement

une heure le matin & autant le soir ; c’est ce qu’on appelle le diner & le souper des poulets. Ce feu se fait avec de la bouze de vache, ou avec de la fiente d’autres animaux, séchée & mêlée avec de la paille : on en exclud le bois & le charbon qui feroient un feu trop violent.

La fumée sort par l’ouverture de l’étage supérieur ; mais il faut remarquer que pendant que cet étage supérieur demeure ouvert, on ferme exactement avec de l’étoupe la petite fenêtre de l’étage inférieur, & le trou rond du dôme, afin que la chaleur se communique par l’ouverture du plancher dans cet étage d’en bas où sont les œufs.

Le huitieme jour passé la scene change. On supprime le feu : l’étage où il étoit se trouvant vuide, est rempli d’une partie des œufs qu’on tire d’en bas, pour les mettre au large & les distribuer également dans les deux étages ; les portes ou petites fenêtres de ces deux étages qui avoient été ouvertes, se serment, & on ouvre à demi le trou du dôme pour donner de l’air.

Cet état des œufs sans feu, est aidé seulement d’une chaleur douce & concentrée durant 13 jours ; car ces 13 jours joints aux 8 premiers, sont 21 jours. C’est environ au dix-huitieme qu’un esprit vivifique commence à remuer le blanc de l’œuf, & son germe déjà formé : on le voit à-travers la coque s’agiter & se nourrir du jaune qu’il suce par le nombril.

Deux jours après, c’est-à-dire le vingtieme, le poussin applique son bec à la coque & la fend ; l’ouvrier avec son ongle élargit tant soit peu la breche, pour aider les foibles efforts du poussin.

Le vingt-unieme après midi, ou le vingt-deuxieme au matin, toutes les coques se rompent ; une armée de petites volatiles s’élance & se dégage chacune de sa prison : le spectacle en est ravissant. Les chambres du four paroissoient hier couvertes de coquilles inanimées, & on les voit remplies de presque autant d’oiseaux vivans ; je dis presque, car le nombre des coques excede le nombre des poussins. Le directeur du four ne répond que des deux tiers des œufs ; ainsi l’entrepreneur remettant, par exemple, six mille œufs entre les mains de l’ouvrier, n’exige de lui que quatre mille poussins à la fin de l’opération : le reste est abandonné au hasard, & il en périt près d’un quart.

Mais comme il arrive presque toujours que les œufs réussissent au-delà des deux tiers, tout le profit n’est pas uniquement pour l’ouvrier ; l’entrepreneur y a sa bonne part. L’ouvrier est obligé de rendre à celui-ci pour six médins chaque centaine de poussins éclos au-delà des deux tiers ; & il faut observer que l’entrepreneur vendra les cent poussins tout au moins 30 médins.

Ce qui doit paroître surprenant, c’est que dans ce grand nombre d’hommes qui habitent l’Egypte, où il y a trois à quatre cent fours à poulets, il n’y ait que les seuls habitans du village de Bermé, situé dans le Delta, qui ayent l’industrie héréditaire de diriger ces fours ; le reste des Egyptiens l’ignorent entierement : si on en veut savoir la raison, la voici.

On ne travaille à l’opération des fours que durant les six mois d’automne & d’hiver, les autres saisons du printems & de l’été étant trop chaudes & contraires à ce travail. Lorsque l’automne approche, on voit trois ou quatre cent berméens quitter les lieux où ils se sont établis, & se mettre en chemin pour aller prendre la direction des fours à poulets, construits en différens bourgs de ce royaume. Ils y sont nécessairement employés, parce qu’ils sont les seuls qui aient l’intelligence de cet art ; soit qu’ils aient l’industrie de le tenir secret, soit que nul autre égyptien ne veuille se donner la peine de l’apprendre & de l’exercer.