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l’air est nécessaire, ou qu’il est de beaucoup préférable au vif-argent pour faire des préparations seches de l’œsophage, de l’estomac, des intestins, de la vésicule du fiel avec les conduits biliaires, & de la vessie avec les ureteres ; d’un autre côté, il est également visible que le péricarde & l’utérus ne peuvent conserver leur forme naturelle que par le moyen du vif-argent. Ce fluide est encore préférable lorsqu’il faut dessécher & distendre le cœur & ses vaisseaux sanguins, & le bassinet du rein avec l’uretere, parce que toutes ces parties ont de petites ouvertures par lesquelles s’échappe l’air, qui ne sauroit d’ailleurs résister à la forte contraction de leurs fibres.

Les corps caverneux de la verge & les vésicules séminales, retiennent également l’air & le vif-argent ; mais ce dernier laisse dans les corps caverneux quelque chose de luisant qui empêche qu’on ne puisse voir à souhait leur structure interne & leurs vaisseaux.

On a aussi quelque difficulté à l’introduire dans les vésicules séminales, parce qu’on ne sauroit l’injecter par les ouvertures qui se trouvent dans le canal de l’uretre, au véru-montanum, & lorsqu’on le pousse par l’un des vaisseaux déférens, l’humidité de ce conduit étroit est propre à l’arrêter dans son passage. D’ailleurs, supposé qu’on vienne à bout de l’introduire dans ce vaisseau, il forcera par son poids l’ouverture d’un petit conduit commun au vaisseau déférent & à la vésicule séminale, appellé conduit éjaculateur, de sorte qu’il ne passera pas dans la vésicule séminale qu’il n’ait auparavant rempli la cavité de l’uretre. Au lieu que la contraction naturelle de l’extrémité du conduit éjaculateur s’oppose à la sortie de l’air lorsqu’on soufle tout doucement, de maniere qu’il passe alors plus librement dans le tissu cellulaire de la vésicule séminale. Il résulte de toutes ces raisons que lorsqu’on veut préparer les corps caverneux & les vésicules séminales, l’air est préférable au vif-argent.

On rencontre rarement des sujets dont les poumons & la rate retiennent l’air, & ce fluide s’échappe ordinairement lorsqu’on l’introduit dans le tissu spongieux du gland ; c’est pourquoi on est obligé pour l’ordinaire de se servir du vif-argent pour la préparation de ces parties. Ce fluide cependant les gâte ordinairement, mais sur-tout les poumons & le gland, dont les cellules sont plus petites que celles de la rate.

Quand on est déterminé par les regles précédentes sur le choix de l’un ou de l’autre de ces deux fluides, il faut exprimer tout le sang de la partie qu’on se propose de préparer, & ensuite en lier toutes les ouvertures, excepté celle par laquelle on doit introduire le fluide nécessaire pour la distendre ; & si on en découvre quelqu’une par laquelle l’air ou le vif-argent s’échappe dans le tems qu’on pousse l’un ou l’autre dans la partie, on y fait une ligature.

Il faut toujours se servir d’un tuyau lorsqu’on veut pousser de l’air dans quelque partie. Le meilleur à cet usage, est celui à la petite extrémité duquel il y a une coche ou entaillure, & un robinet un peu au-dessus. Il faut introduire le petit bout du tuyau dans un conduit propre à le recevoir, & lier ce conduit sur le tuyau avec un fil ciré qui doit entrer dans l’entaillure. Dès qu’on s’apperçoit que le viscere est suffisamment distendu, on tourne le robinet pour empêcher que l’air n’en sorte ; s’il vient à s’en échapper quelque peu, on y supplée facilement en soufflant dans le tuyau qui doit être soutenu par quelque corde, afin d’empêcher qu’il ne presse ou ne tiraille la partie préparée dans le tems qu’elle seche.

Lorsqu’on se sert du mercure, il faut que l’ouverture par laquelle on l’introduit soit plus élevée qu’aucune autre partie de la préparation ; & lorsque cette ouverture est petite, il faut y ajuster un petit tuyau

ou un entonnoir de verre. Ce tuyau doit être long dans le cas où l’on ne sauroit avoir une colonne de mercure assez haute pour que le poids le fasse pénétrer jusque dans les plus petits vaisseaux, si la partie préparée le permet ; il faut lier fortement le canal par lequel on a introduit le vif-argent ; ou autrement, avant que d’y en verser une goutte, il faut que l’ouverture par laquelle on le fera entrer soit assurée, de maniere qu’elle se trouve toujours en haut pendant tout le tems que la préparation sera à sécher.

Les regles qu’on vient de donner serviront pour préparer la plupart des visceres ; mais les poumons & la rate dont les membranes retiennent difficilement le vif-argent ou l’air, & sur tout ce dernier, demandent plus de soin. Il ne faut pas prendre ces visceres indifféremment dans toutes sortes de sujets ; on doit toujours choisir ceux dont les membranes extérieures sont fortes & épaisses.

Dès qu’on les a soufflés de la maniere qu’il a été dit ci-dessus, il faut les exposer au soleil, ou les tenir auprès du feu, afin de les faire sécher promptement, & introduire de tems à autre de nouvel air, pour suppléer à celui qu’ils perdent en peu de tems. Lorsque la surface extérieure sera seche, on les trempera dans un fort vernis de térébenthine, de maniere que toute leur surface en soit couverte, parce qu’après cette préparation l’air s’en échappera bien plus difficilement : on continuera à les exposer dans un endroit où ils puissent sécher le plus promptement que faire se pourra, en observant de passer du vernis avec une plume aux endroits où il en manquera, & de continuer à y pousser de nouveau vent à mesure qu’ils s’affaisseront.

Lorsqu’on est parvenu à avoir la rate humaine distendue par le moyen du vif-argent ou de l’air, jusqu’à ce qu’elle soit desséchée, elle paroît entierement formée de cellules qui communiquent les unes avec les autres, & sur les parois desquelles on voit un grand nombre de ramifications d’arteres, si on les a auparavant injectées.

Il me reste à parler des moyens de conserver les parties préparées ; c’est de les exposer à l’air, jusqu’à ce que toute leur humidité soit dissipée ; & alors elles deviennent seches, dures & ne sont pas sujettes à se corrompre, ou bien il faut les plonger dans une liqueur propre à les conserver. Il faut encore, principalement lorsque les parties préparées sont épaisses & grosses, & que le tems est chaud, empêcher les mouches d’en approcher & d’y déposer leurs œufs, qui transformés en peu de tems en vers, y attireroient la corruption & les détruiroient. On peut enfin les préserver des souris & des insectes, si l’on trempe la préparation quelque tems avant que de la mettre sécher, dans une dissolution de sublimé corrosif, faite avec l’esprit-de-vin ; & dans le tems qu’elle seche, il faut la mouiller de tems en tems avec la même liqueur. On peut par ce moyen, & sans craindre aucun inconvénient, faire dessécher des cadavres disséqués d’enfans assez grands, dans le milieu de l’été, pendant lequel les préparations sechent en bien moins de tems que dans l’hiver.

Lorsque la préparation est seche, elle est encore exposée à se réduire en poudre, à devenir cassante, à se gerser, & à avoir une surface inégale ; c’est pourquoi il est nécessaire de la couvrir par-tout d’un vernis épais, dont on mettra autant de couches qu’il faudra pour qu’elle soit luisante : il faut toujours aussi la préserver de la poussiere & de l’humidité.

Les préparations seches sont utiles en plusieurs cas, mais il y en a beaucoup d’autres où il est nécessaire que les préparations anatomiques soient flexibles, & plus approchantes de l’état naturel que ne le sont ces premieres. La difficulté a été jusqu’à présent de trouver une liqueur qui puisse les conserver dans cet état approchant du naturel.