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de cette vis, & le mulet q, fig. 2. & 3. contre le mouton. Le coffre restant vuide depuis le mulet jusqu’au dossier, sera rempli de la vendange, & du vin même de la cuve ou des tonneaux. Il aura soin, à mesure qu’il versera la vendange, de la fouler avec une pilette quarrée, pour y en faire tenir le plus qu’il lui sera possible. S’il n’a pas suffisamment de vendange pour emplir ce coffre, c’est à lui de juger de la quantité qu’il en aura : si cette quantité est petite, il avancera le mulet vers le dossier autant qu’il le croira nécessaire, & placera entre le mouton & la vis autant de coins E, qu’il en sera besoin. Le coffre rempli de vendange jusqu’au haut des flasques, il rangera sur le marc des planches à couteaux GG, autant qu’il en faudra, les extrémités vers les flasques, les couvrant environ de 2 à 3 pouces l’une sur l’autre ; ensuite il placera sur les planches en travers les mouleaux 10, suivant la longueur du marc, & d’une longueur convenable. Enfin il posera en travers de ces mouleaux, une, deux, ou trois pieces de bois rr, qu’on nomme brebis, sous les chaînes qui se trouvent au-dessus des flasques, & emmanchées dans les jumelles, de façon qu’on puisse les retirer quand il est nécessaire, pour donner plus d’aisance à verser la vendange dans ce coffre.

Toutes ces différentes pieces dont je viens de parler, doivent se trouver à la main du pressureur, de façon qu’il ne soit pas obligé de les chercher, ce qui lui feroit perdre du tems. C’est pourquoi il aura toujours soin, en les retirant du pressoir, de les placer à sa portée, sur un petit échafaud placé à côté de ce pressoir.

Cette manœuvre faite, il dégagera la grande roue de l’axe de la moyenne. Son compagnon & lui tourneront d’abord cette roue à la main, & ensuite au pié en montant dessus, jusqu’à ce qu’elle résiste à leur effort : pour lors ils descendront l’axe de la moyenne roue, pour la faire engrener avec la grande roue, & remettront les boulons à leurs places pour empêcher cet axe de s’élever par les efforts de cette grande roue, & l’un d’eux fera marcher la manivelle ; qui donnera le mouvement aux trois roues & à la vis, qui poussera le mouton, les coins & le mulet contre le marc.

Le maître pressureur aura soin de ne point trop laisser sortir la vis de son écrou, de peur qu’elle ne torde : c’est une précaution qu’il faut avoir pour toutes sortes de pressoirs. Quand il verra que la grande roue approchera des extrémités des flasques de quelques pouces, il détournera cette roue après l’avoir dégagée de l’axe de la moyenne roue, de la façon que nous l’avons dejà dit. Il remettra encore quelques coins, & ayant remis l’axe en sa place ordinaire, il tournera la roue & ensuite la manivelle. De cette seule serre, il tirera du marc tout le vin qui doit composer la cuvée, qu’il renfermera à-part dans une cuve ou grand barlon, dont je parlerai à la suite de cet article, & de la façon que je le dirai.

Cette serre finie, il desserrera le pressoir, ôtera un coin, reculera le mulet de l’épaisseur de ce coin, & fera par ce moyen un vuide entre le mulet & le marc, ce qui s’appelle faire la chambrée ; il retirera les brebis, les mouleaux & les planches à couteau, après quoi il levera avec une griffe de fer à trois dents, la superficie du marc à quelques pouces d’épaisseur qu’il rejettera dans la chambrée, & qu’il y entassera avec une petite pilette de 4 pouces d’épaisseur sur autant de largeur, & sur 8 pouces de longueur : il emplira cette chambrée au niveau du marc, ensuite de quoi il le recouvrira comme ci-devant, des planches à couteaux, des mouleaux & des brebis, & donnera la seconde serre comme la premiere. Trois ou quatre serres données ainsi, suffisent pour dessécher le marc entierement.

Le marc ainsi pressé dans les six parties de son cube, le vin s’écoule par les trous 14. 14. des flasques & du plancher, se repandant sur les mayes, & ensuite par la goulette, sous laquelle on aura placé un petit barlon Q, pour le recevoir.

Pour empêcher le vin qui passe par les trous des flasques, de rejaillir plus loin que le bassin, & le pressureur de salir de la boue qu’il peut apporter avec ses piés, le vin qui coule sur le bassin, on pourra se servir d’un tablier fait de volille de bois blanc, comme le plus léger & le plus facile à manier, qu’on mettra contre les flasques devant & derriere le coffre, & qui couvrira le bassin.

Les deux ou trois dernieres serres donneront ce qu’on appelle le vin de taille & de pressoir, ou de derniere goutte ; il faut mettre à part ces deux ou trois especes de vins, pour être chacune entonnée séparément dans des poinçons.

Je préviens le maître pressureur, que quand il aura desserré son pressoir, il aura de la peine à faire sortir les brebis de leur place, à cause de la forte pression ; c’est pourquoi je lui conseille de se pourvoir d’une masse de fer X, pour les chasser & retirer. Le marc étant entierement desséché & découvert, on le retirera du coffre ; on se servira pour l’arracher d’un pié de fer, de la graisse dont j’ai dejà parlé, & de la pelle ferrée.

Supposé qu’on se serve de ce pressoir à coffre, on peut égrapper à fait les raisins dans les tonneaux ; ce qu’on ne peut faire en se servant des autres pressoirs, sur lesquels une partie des grappes est nécessaire pour lier le marc, qui, sans ce secours, s’échapperoit de toutes parts à la moindre compression.

En égrappant à fait ces raisins dans le tonneau ou dans la cuve, on pourroit les laisser cuver plus longtems : on n’auroit plus lieu de craindre que la chaleur de la cuve ou des tonneaux, emportant la liqueur acide & amere de la queue de la grappe, la communique au vin, ce qui rendroit le goût insupportable.

Toute espece de vin, sur-tout le gris, demande d’être fait avec beaucoup de promptitude & de propreté, ce qui ne se peut facilement faire sur tous les pressoirs dont il est parlé ci-devant, les Pressureurs amenant avec le pié beaucoup de saleté & de boue qui se répandent dans le vin ; ce qui y cause un dommage plus considérable qu’on ne pense, sur-tout pour le marchand qui l’achete sur la lie, comme les vins blancs de la riviere de Marne, où ce défaut a plus lieu que par-tout ailleurs.

Les forains ou vignerons de la riviere de Marne diront tant qu’il leur plaira, que le vin, trois ou quatre jours après qu’il est entonné, jettera en bouillant ce qu’il renferme d’impur. Ils ne persuaderont pas les personnes les plus expérimentées dans l’art de faire du vin, qu’il puisse rejetter cette boue, la partie la plus pesante & la plus dangereuse de son impureté : cela est impossible.

Peut-être ceux d’entre eux qui se flattent & se vantent de mieux composer & façonner leur vin, repliqueront-ils qu’ils mettent à part la premiere goutte qui coule depuis le moment qu’ils ont fait mettre le vin sur le pressoir, jusqu’à l’instant auquel on donne la premiere serre, & qu’ils ne souffrent pas que cette premiere goutte entre dans leur cuvée. On veut bien les croire ; mais combien y a-t-il de gens qui prennent cette sage & prudente précaution ?

On évite ce danger, cet embarras, cette perte presque totale de la premiere goutte de ce vin, qui ne doit dans ce cas trouver place que dans les vins de détour, en se servant du pressoir à coffre. Il est encore d’une très-grande utilité pour les vins blancs : quoi de plus commode ? On apporte les raisins dans le coffre avec les paniers ou barillets ; on n’en foule aucuns au pié, on les range avec la main. On pose