Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 13.djvu/339

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

on réduisit le nombre à dix. Auguste créa encore dix autres préteurs, & ils furent ensuite au nombre de seize, auxquels l’empereur Claude en ajouta deux, pour juger en dernier ressort des fidei-commis jusqu’à une certaine somme limitée, à ce qu’il paroît. Quand la somme excédoit, on en appelloit au consul. L’empereur Titus n’en retrancha qu’un, qui fut rétabli par Nerva, pour juger des affaires entre le fisc & les particuliers. Marc Aurele Antonin institua un préteur pour les affaires de tutelle. Lorsque l’étendue de l’empire eut été diminuée, le nombre des préteurs le fut aussi ; ensorte que sous les empereurs Valentinien & Marcien, il n’y en avoit que trois. Enfin vers le tems de Justinien, la préture fut entierement abolie.

Les marques de la dignité du préteur étoient 1°. six licteurs avec des faisceaux, au moins hors de la ville. Quelques-uns ne lui en donnent que deux, c’est-à-dire qu’au moins il en avoit toujours deux qui l’accompagnoient par-tout : 2°. il portoit la robe prétexte, qu’il prenoit comme les consuls dans le capitole le jour qu’il étoit installé, après avoir fait les vœux ordinaires dans le temple : 3°. il avoit la chaise curule : 4°. il avoit un tribunal qui étoit un lieu élevé en forme de demi-cercle, sur lequel étoit placée la chaise curule ; car les magistrats & juges inférieurs n’étoient assis que sur des bancs : 5°. il avoit la lance qui marquoit sa jurisdiction, & l’épée qui marquoit le droit de question.

Les fonctions du préteur étoient 1°. de donner des jeux, sur-tout les jeux du cirque, tels que ceux qu’on appelloit les grands jeux floraux, & autres ; ce qui se faisoit avec beaucoup de pompe & de somptuosité. Il avoit pour cette raison une espece d’inspection sur les comédiens & autres gens de cette sorte, au moins du tems des empereurs. Durant la vacance de la censure, il avoit droit d’ordonner la réparation des édifices publics ; mais il falloit y joindre un decret du sénat. 3°. Dans l’absence des consuls, il faisoit leurs fonctions ; il assembloit le sénat ; il falloit cependant que ce fût pour quelque affaire nouvelle : il demandoit les avis des sénateurs, tenoit les comices, & haranguoit le peuple. De sorte que lorsque le consul étoit absent, il étoit véritablement le premier magistrat de Rome. Il pouvoit empêcher tout magistrat, excepté les consuls, de tenir les comices & de haranguer. Cependant il paroît que quelques-unes de ces prérogatives ne concernoient que le préteur de la ville.

La principale fonction du préteur étoit ce qui regardoit sa jurisdiction, comme s’exprime Cicéron, de leg. l. III. c. iij. Cette jurisdiction étoit si étendue, & l’occupoit tellement, qu’il lui étoit impossible d’être hors de Rome plus de dix jours. Pour savoir en quoi consistoit cette jurisdiction, il est nécessaire de dire ici quelque chose de la forme des jugemens chez les Romains.

Tous les jugemens regardoient ou les affaires des particuliers, ou celles de l’état : à l’égard des premieres, qui étoient proprement l’objet de la jurisdiction de la préture ; c’étoient les deux préteurs qui présidoient ; mais pour ce qui est des affaires d’état qu’on appelloit les recherches, quæstiones, elles étoient d’abord dévolues au peuple, qui établissoit à cet effet des commissaires nommés quæstores, ou bien il créoit un dictateur. Les procès des esclaves & de la populace étoient jugés par les triumvirs capitaux. Les édiles jugeoient des affaires qui avoient rapport à l’exercice de leurs charges. Mais l’abondance & la prospérité ayant fait commettre dans Rome, comme il arrive ordinairement, toutes sortes de crimes, il fut réglé que les deux premiers préteurs auroient toujours la même jurisdiction par rapport aux procès des particuliers, & que les quatre autres feroient les re-

cherches que le sénat auroit ordonné suivant les conjonctures

pour les crimes capitaux & d’état. Les recherches ou inquisitions furent appellées quæstiones perpetuæ, soit parce qu’elles avoient une forme prescrite qui étoit certaine & invariable ; ensorte qu’elles n’avoient pas besoin d’une nouvelle loi, comme autrefois ; soit parce que les préteurs faisoient ces recherches perpétuellement & durant toute l’année de leur exercice, & que le peuple, comme ci-devant, ne nommoit plus des édiles pour faire ces sortes d’informations.

L’objet des premieres recherches perpétuelles furent les concussions, les crimes d’ambition, ceux d’état & de péculat. Sylla y ajouta le crime de faux, ce qui renfermoit le crime de fabrication de fausse monnoie, le parricide, l’assassinat, l’empoisonnement ; on y ajouta encore comme une suite, la prévarication des juges, & les violences publiques & particulieres. Cependant le peuple, & même le sénat, connoissoient quelquefois par extraordinaire, de ces crimes, & nommoient des commissaires pour informer ; ainsi qu’il arriva dans le procès de Silanus, accusé de concussion ; dans l’affaire de Milon touchant le meurtre de Clodius ; & dans celle de ce Clodius même, qui avoit profané le culte de la bonne déesse. On ordonnoit alors une information de pollutis sacris, surtout lorsqu’il s’agissoit d’une vestale accusée d’avoir eu commerce avec un homme, & d’autres crimes semblables. A l’égard de l’assassinat, le peuple, comme nous avons dit, faisoit le procès aux coupables dans les comices assemblés par centuries.

Lorsque le sénat avoit ordonné les informations, les préteurs tiroient entr’eux au sort le procès qui devoit leur échoir ; car les comices ne fixoient point l’attribution des causes. Quelquefois les deux préteurs travailloient au même procès, sur-tout quand il s’agissoit d’un grand nombre de complices. Quelquefois un seul préteur connoissoit de deux affaires. Le préteur étranger connut pendant un certain tems du crime de concussion ; & même le préteur de la ville, par un decret du sénat, informoit sur les affaires d’état : cependant cela est douteux ; car Verrés contrevint aux lois, lorsque dans sa préture, il voulut juger d’un crime d’état. Enfin on vit quelquefois les deux préteurs joints ensemble pour juger de la même affaire.

J’ai dit que le préteur de la ville étoit d’un rang fort au-dessus de l’autre ; on l’appelloit même honoré par excellence ; il étoit regardé comme le conservateur du droit des Romains ; & c’étoit sur ses ordonnances que le préteur étranger, c’est-à-dire le second préteur (Sigonius cependant en doute), & les préteurs des provinces, formoient les leurs. Delà vient qu’on l’appelloit aussi le grand préteur, prætor maximus. Au commencement de la magistrature, il publioit un édit concernant la formule ou la méthode suivant laquelle il rendroit durant l’année la justice, touchant les affaires de son ressort. Les préteurs avoient introduit cet usage pour avoir lieu d’interpréter à leur gré & de corriger le droit civil, dans les choses qui concernoient les particuliers. Le préteur ne manquoit jamais tous les ans de renouveller cet édit lorsqu’il entroit en charge ; & c’est ce que Cicéron appelle la loi annuelle, lex annua ; aussi les actions prétoriennes, c’est-à-dire les procédures faites sous un préteur, ne subsistoient ordinairement que durant l’année de son exercice. Mais les préteurs étant souvent guidés dans leurs jugemens par l’ambition & la faveur, & jugeant peu conformément à leurs propres édits, C. Cornélius, tribun du peuple l’an 686, porta une loi appellée la loi cornelia, par laquelle on obligea les préteurs de suivre exactement leurs édits dans leurs jugemens. Sous l’empereur Adrien, & par son ordre, Salvius Julianus, bisayeul de l’empereur Julien, & grand jurisconsulte, recueillit tous les édits des pré-