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aussi prendre les voitures nécessaires, à condition qu’on ne les retiendroit qu’un jour, & que l’on payeroit le lendemain au plûtard le juste prix de ce qui auroit été pris.

Par la même ordonnance il autorisa ceux sur qui on voudroit faire des prises, à les empecher par voie de fait, & à employer la force pour reprendre ce qu’on leur auroit enlevé ; & s’ils n’étoient pas assez forts, ils pouvoient appeller à leur secours leurs voisins & les habitans des villes prochaines, lesquels pouvoient s’assembler par cri ou autrement, mais sans son de cloche ; & néanmoins depuis, cela même fut autorisé.

Il étoit permis de conduire les preneurs en prison, & de les poursuivre en justice civilement ; & en ce cas ils étoient condamnés à rendre le quadruple de ce qu’ils avoient voulu prendre : on pouvoit même les poursuivre criminellement, comme voleurs publics.

Ces preneurs ne pouvoient être mis hors de prison en alléguant qu’ils avoient agi par ordre de quelque seigneur, ni en faisant cession de bien. On ne les laissoit sortir de prison qu’après qu’ils avoient restitué ce qu’ils avoient pris, & qu’ils avoient payé l’amende à laquelle ils étoient condamnés.

On faisoit le procès aux preneurs devant les juges ordinaires des plaignans, & le procureur du roi faisoit serment de poursuivre d’office les preneurs qui venoient à sa connoissance.

Il fut encore ordonné par le roi Jean dans la même année, que tandis que l’aide accordée par les trois états d’Auvergne auroit cours, il ne seroit point fait de prise dans le pays, ni pour l’hôtel du roi, ni pour celui de la reine, ni pour le connétable ou autres officiers. Ainsi l’aide étoit accordée pour se rédimer du droit de prise.

Les gens des hôtels du roi, de la reine, de leurs enfans, & des autres personnes qui avoient droit de prise, connoissoient des contestations qui arrivoient à ce sujet.

Présentement le roi & les princes de sa maison sont les seuls qui puissent user du droit de prise, encore n’en usent-ils pas ordinairement, si ce n’est en cas de nécessité, & pour obliger de fournir des chevaux & charrois nécessaires pour leur service. Voyez ce qui est dit du droit de prise, dans le recueil des ordonnances de la troisieme race. (A)

Prise a partie est un recours extraordinaire accordé à une partie contre son juge, dans les cas portés par l’ordonnance, à l’effet de le rendre responsable de son mal-jugé, & de tous dépens, dommages & intérêts.

On appelle aussi ce recours intimation contre le juge, parce que pour prendre le juge à partie il faut l’intimer sur l’appel de sa sentence.

Chez les Romains un juge ne pouvoit être pris à partie que quand il avoit fait un grief irréparable par la voie de l’appel.

Parmi nous, l’usage des prises à partie paroît venir de la loi salique, & de la loi des ripuaires, suivant lesquelles les juges nommés rachimbourgs qui avoient jugé contre la loi, se rendoient par cette faute amendables d’une certaine somme envers la partie qui se plaignoit de leur jugement.

Du tems de S. Louis, suivant ses établissemens, on en usoit encore de même : on pouvoit se pourvoir contre un jugement par voie de plainte ou par fausser le jugement. Tous juges, tant royaux que subalternes, pouvoient être intimés sur l’appel de leurs jugemens : on intimoit le juge, on ajournoit la partie.

Mais cela est demeuré abrogé par un usage contraire, sur-tout depuis l’ordonnance de Roussillon, article xxxvij. laquelle porte que les hauts-justiciers

ressortissans nuement au parlement, seront condamnés suivant l’ancienne ordonnance en 60 livres parisis, pour le mal-jugé de leurs juges.

Il est seulement resté de cet ancien usage, que le prevôt de Paris, & autres officiers du châtelet, sont obligés d’assister en l’audience de la grand’chambre à l’ouverture du rôle de Paris.

Du reste, il n’est plus permis d’intimer & prendre à partie aucun juge, soit royal ou subalterne, à-moins qu’il ne soit dans quelqu’un des cas portés par l’ordonnance, & dans ces cas même il faut être autorisé par arrêt à prendre le juge à partie, lequel arrêt ne s’accorde qu’en connoissance de cause, & sur les conclusions du procureur général.

L’ordonnance de 1667 enjoint à tous juges de procéder incessamment au jugement des causes, instances & procès qui seront en état de juger, à peine de répondre en leur nom des dépens, dommages & intérêts des parties.

Quand des juges dont il y a appel refusent ou sont négligens de juger une cause, instance ou procès qui est en état, on peut leur faire deux sommations par le ministere d’un huissier ; ces sommations doivent leur être faites à domicile, ou au greffe de leur jurisdiction, en parlant au greffier ou aux commis des greffes.

Après deux sommations de huitaine en huitaine pour les juges ressortissans nuement à quelque cour supérieure, & de trois jours en trois jours pour les autres siéges, la partie peut appeller comme de deni de justice, & faire intimer en son nom le rapporteur s’il y en a un, sinon celui qui devra présider, lesquels sont condamnés aux dépens en leur nom, au cas qu’ils soient déclarés bien intimés.

Le juge qui a été intimé ne peut être juge du différend, à peine de nullité, & de tous dépens, dommages & intérêts des parties, si ce n’est qu’il ait été follement intimé, ou que les deux parties consentent qu’il demeure juge ; il doit être procédé au jugement par autre des juges & praticiens du siége, non suspect, suivant l’ordre du tableau, si mieux n’aime l’autre partie attendre que l’intimation soit jugée.

Il y a lieu à la prise à partie toutes les fois que le juge a agi dans un procès par dol ou fraude, par faveur ou par argent, & qu’il a commis quelque concussion.

Il y a encore plusieurs autres cas où la prise à partie a lieu suivant l’ordonnance ; savoir,

1°. Lorsque le juge a jugé contre la disposition des nouvelles ordonnances.

2°. Quand il refuse de juger un procès qui est en état ; mais on ne peut prendre à partie les juges souverains pour un simple deni de justice, il n’y a que la voie d’en porter sa plainte verbale à M. le chancelier. On peut aussi se pourvoir au conseil du roi, pour y obtenir la permission de les prendre à partie après que leur arrêt a été cassé, au cas qu’il y ait une iniquité évidente.

3°. Quand le juge a fait acte de jurisdiction, quoiqu’il fût notoirement incompétent ; comme quand il évoque une instance dont la connoissance ne lui appartient pas.

4°. Quand il évoque une instance pendante au siége inférieur, sous prétexte d’appel ou de connexité, & qu’il ne la juge pas définitivement à l’audience.

5°. Lorsqu’une demande originaire n’étant formée que pour traduire le garant hors de sa jurisdiction, le juge néanmoins la retient au lieu de la renvoyer par-devant ceux qui en doivent connoître.

6°. Quand il juge nonobstant une récusation formée contre lui, sans l’avoir fait décider.

7°. S’il ordonne quelque chose sans être requis par l’une ou l’autre des parties.