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une armée, ne dédaignoient pas quelquefois de servir dans la même armée en qualité de lieutenans. 5°. On laissoit aussi le titre de proconsul à ceux qui n’étoient point rentrés dans Rome depuis qu’ils en avoient été revêtus.

Le sénat nommoit autant de sujets qu’il avoit de provinces à donner, & dans ces élections on avoit beaucoup d’égards à l’ancienneté ; les sujets élus tiroient au sort, & partageoient ainsi les provinces ; mais l’Asie & l’Afrique faisoient une classe à part. De droit, elles étoient dévolues aux deux consulaires les plus anciens ; c’étoit encore le sort qui décidoit entr’eux, mais il leur livroit nécessairement l’une ou l’autre.

L’ancienne république ne donnoit rien aux gouverneurs des provinces ; Auguste, comme je l’ai dit, pour prévenir les tentations auxquelles les exposoit ce service gratuit, leur assigna des appointemens. Les gouverneurs des provinces du sénat, étoient payés sur l’ærarium, & ceux des provinces impériales sur le fisc. Si pour des raisons légitimes & approuvées, quelqu’un ne pouvoit accepter le proconsulat, on lui en offroit d’ordinaire les appointemens ; lorsque Tacite dit que Domitien les avoit donnés à quelqu’un, il faut entendre que ce prince avoit proposé qu’on les lui donnât.

On ne sait pas communément, que dès le tems de la république, les provinces ont célébré des fêtes, élevé des autels, & bâti des temples à leurs proconsuls, qu’ils ont associés à tous les honneurs qu’on rendoit aux dieux ; rien cependant n’est plus vrai.

La coutume de bâtir des temples aux proconsuls, ne s’établit que par degrés. On commença par leur dresser des monumens & des édifices publics, qui jusques-là ne l’avoient été qu’à des dieux ; ensuite on leur bâtit exprès des temples. Suétone dit expressément que c’étoit l’usage sur la fin de la république, de bâtir des temples aux gouverneurs des provinces, templa proconsulibus decerni solere, quoiqu’il y en eût souvent que les peuples ne pouvoient guere regarder comme des dieux tutélaires, mais bien comme de mauvais génies, qu’il falloit tâcher d’appaiser par des sacrifices. Cette coutume de bâtir des temples aux gouverneurs des provinces, n’étoit pas seulement tolérée, elle étoit même autorisée par les lois. C’étoit comme des monumens publics de l’assujettissement des provinces conquises ; car les Romains savoient qu’il n’y a point de plus grandes marques de servitude, que l’excès de la flatterie.

Pour ce qui est des statues, les provinces, dans le tems de la république, consacroient non les personnes, mais leurs vertus ; c’étoit une sorte d’adoucissement à la flatterie. Le culte s’adressoit directement aux vertus déja divisées, & ne tomboit qu’indirectement sur le proconsul.

Enfin, les fêtes & les jeux que l’on célébroit dans toutes les provinces en l’honneur des empereurs, & que l’on appelloit de leur nom, comme, par exemple, augusteia, commodeia, étoient absolument la même chose que les fêtes & les jeux qu’on célébroit en l’honneur des proconsuls, appellées aussi de leurs noms, Luccullia, Marcellia, &c. Il y a plus, c’est que tous les titres qu’on a donnés aux empereurs, & même tous les honneurs divins qu’on leur a décernés pendant leur vie, avoient été rendus avant eux aux gouverneurs des provinces.

Il ne faut pas s’en étonner ; tant que Rome ne domina que dans l’Italie, dit M. de Montesquieu, les peuples furent gouvernés comme des confédérés ; on suivoit les lois de chaque pays ; mais lorsqu’elle conquit plus loin, que le sénat n’eut pas immédiatement l’œil sur les provinces, que les magistrats qui étoient à Rome ne purent plus gouverner l’empire, il fallut envoyer des préteurs & des proconsuls, &

bientôt après il n’y eut plus que tyrannie, que brigandage, & que despotisme. Ceux qu’on envoyoit, avoient une puissance qui rassembloit celle de toutes les magistratures romaines : que dis-je, celle même du sénat, celle même du peuple ; en un mot, c’étoient des magistrats qui réunissoient les trois pouvoirs ; ils étoient, si l’on n’ose se servir de ce terme, les bachas de l’empire ; & en pillant les provinces, ils souffroient encore qu’on bâtît des temples à leur gloire. Voilà pourquoi Mithridate disoit : « toute l’Asie m’attend, comme son libérateur, tant ont excité de haine contre les Romains les rapines des proconsuls, les exécutions des gens d’affaires, & les calomnies des jugemens ». (Le Chevalier de Jaucourt.

PROCONSULAIRE, empire, (Hist. rom.) l’empereur Auguste voulant se rendre maître absolu du gouvernement sans néanmoins le paroître, apporta quelques changemens dans l’ordre qu’on avoit suivi pour les gouverneurs de provinces pendant la république. Ce prince pour y parvenir fit un partage de l’administration de l’empire entre lui, le sénat, & le peuple ; & dans ce partage, il se reserva les provinces des frontieres où étoient toutes les armées. Ce fut ce trait de politique qui affermit le gouvernement monarchique, & ôta tout moyen de faire revivre la république. Il distingua par ce partage toutes les provinces de l’empire en trois especes ; savoir, proconsulaires, prétoriales, & présidiales. Il voulut que le sénat pourvût aux gouvernemens proconsulaires, le peuple à ceux des prétoriales, & se réserva le soin du reste. Lorsque Tibere fut associé au gouvernement par Auguste, il lui fit donner la charge de censeur, & un pouvoir égal au sien dans toutes les provinces, & c’est ce qu’on appelloit empire proconsulaire. (D. J.)

PROCRÉATION, s. f. (Jurisp.) est la génération des enfans ; c’est un acte qui est du droit naturel, & qui est commun aux hommes avec tous les autres animaux. Voyez le Tit. 2. des institut. de Justinien, in principio. (A)

PROCURATEUR, s. m. (Hist. rom.) ministre des empereurs, assez semblable à ce que sont aujourd’hui nos intendans. Ils transportoient tout ce qu’ils pouvoient dans les coffres du prince, & ne laissoient rien au peuple.

Auguste s’étant emparé de la puissance souveraine, & fait, pour ainsi dire, un partage avec les Romains de toutes les provinces qui leur étoient soumises, il forma pour lui un trésor particulier & séparé de celui de l’état, sous le nom de fisc, & il créa en même tems des officiers qu’il nomma procurateurs de l’empereur, procuratores Cesaris, qu’il envoyoit dans ses provinces & dans celles du sénat, & les chargea de faire le recouvrement des sommes destinées à ce trésor, & nommées deniers fiscaux ; mais tous n’avoient pas la même autorité & les mêmes fonctions.

Ceux que l’empereur envoyoit dans les provinces du sénat, étoient déjà dans leur origine les moins puissans ; ils étoient seulement employés à régir les terres que le prince y possédoit comme particulier, ou celles qui par des confiscations avoient été réunies au domaine impérial. Les riches citoyens de Rome avoient des terres en différentes provinces, & les dépouilles de ceux que l’on condamnoit pour crime d’état, ne manquoient guere d’être adjugées au trésor impérial.

Tôt ou tard, & peut-être dès le tems d’Auguste, l’empereur eut par-tout des procurateurs, même dans les provinces du sénat. Selon les anciennes mœurs romaines, ces intendans ne devoient être que pour des affranchis, parce qu’ils n’avoient point d’autorité ni de considération publique. Mais tout ce qui donne des relations avec le prince, paroît honora-