Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 13.djvu/410

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ble, & devient un objet d’ambition, les chevaliers romains briguant ces places avec avidité ; & lorsque l’empereur y nommoit quelqu’un de ses affranchis, il le mettoit, ce semble, au nombre des chevaliers.

Le procurateur de l’empereur demeuroit en place, autant que le prince jugeoit à propos ; & cela seul lui donnoit un grand avantage sur les proconsuls, qui n’étant que pour un an dans chaque province, n’avoient pas le tems de s’y faire, comme lui, des créatures, & devoient être moins jaloux d’une autorité prête à s’échapper de leurs mains. La politique les obligeoit de conniver aux usurpations d’un homme qui dans le fond étoit charmé d’épier leur conduite, autant que de faire valoir les terres de son maître. Enfin le pouvoir du procurateur de l’empereur devint si considérable, que pendant la vacance du proconsulat, il faisoit les fonctions proconsulaires.

La plûpart des procurateurs impériaux abusant de la confiance du prince, des droits de leur place, & des ménagemens du gouvernement romain, exerçoient dans les provinces impériales d’horribles véxations. L’histoire romaine & principalement la vie d’Agricola donnent une étrange idée de leur conduite. L’empereur Alexandre Severe, qui les tenoit fort bas, les appelloit un mal nécessaire. Les mauvais princes leur donnoient presque toujours raison.

Il faut regarder l’avidité de ces officiers comme un des principes de destruction que l’empire portoit dans son sein ; & leur dureté pour les provinces nouvellement conquises, comme une des causes qui rendoient plus rares, plus lentes, moins solides les conquêtes que les Romains faisoient sous les empereurs.

Il y avoit une autre classe de procurateurs. C’étoient ceux que l’empereur envoyoit en quelques provinces du département impérial, qu’il ne jugeoit pas assez considérables pour y commettre un lieutenant. Telles étoient la Judée, les deux Mauritanies, la Rhétie, la Norique, la Thrace, & d’autres encore. Le prince les faisoit gouverner par un procurateur chargé tout ensemble de la justice, des finances & des troupes, mais quelquefois subordonné, du moins à certains égards, au lieutenant consulaire de la province impériale voisine.

Ces sortes d’intendances, quoique plus lucratives & plus indépendantes que les autres, ne se donnoient non plus qu’à des chevaliers ou à des affranchis, qui d’ordinaire s’y conduisoient avec une hauteur & une insolence proportionnée à leur pouvoir & à la bassesse de leur origine. Ce n’est, selon Juste-Lipse, qu’à cette troisieme classe de procurateurs qu’il faut rapporter le senatus-consulte, par lequel l’empereur Claude, esclave de ses affranchis, fit ordonner que les jugemens des procurateurs seroient exécutés comme les jugemens de l’empereur même.

Tous les différends qui naissoient au sujet du fisc, étoient portés au tribunal des procurateurs qui en étoient les juges dans leur province. Cette charge, qui étoit un démembrement de celle de questeur, servit de frein à l’avidité des gouverneurs, qui n’oserent plus faire des concussions aussi violentes qu’auparavant, dans la crainte que l’empereur n’en fût informé par ces nouveaux officiers. (D. J.)

Procurateur de S. Marc, (Hist. de Venise.) la dignité du procurateur de S. Marc, celle de grand chancelier, & celle de doge, sont les seules qui se donnent à vie. Un noble vénitien ne peut prétendre à l’honneur de la veste au défaut d’argent, que par ses services à la république, ou dans des ambassades, ou dans le commandement des armées de mer, ou dans un long exercice des premieres charges de l’état.

Cette dignité donne entrée au sénat, & le pas au-

dessus de toute la noblesse vénitienne, parce que les

procurateurs sont censés les premiers sénateurs, & en cette qualité, ils sont exempts de toutes les charges publiques couteuses, excepté des ambassades extraordinaires, & autres commissions importantes.

Cette charge subsistoit déja il y a près de 700 ans. Il y avoit alors un procurateur de S. Marc, qui prenoit soin du bâtiment de cette église en administroit le revenu, & en étoit comme le grand marguillier. La république créa un second procurateur de S. Marc un siecle après ; & comme dans la suite du tems les biens de cette église s’accrurent beaucoup, on fit trois procurateurs, à chacun desquels on donna deux collegues, de sorte qu’il y a plus de deux siecles, que le nombre fut fixé à neuf, divisé en trois procuraties, ou chambres, dont les membres sont les tuteurs des orphelins, & les protecteurs des veuves.

Le rang que cette dignité donne dans la république a toujours été si recherché de la noblesse vénitienne, que dans le besoin, le sénat s’en fait une puissance ressource, en vendant la veste de procurateur, en sorte que pendant la guerre de Candie, on en comptoit 35 de vivans.

Mais ceux qui remplissent les neufs places des anciens procurateurs, & qu’on appelle procurateurs par mérite, sont distingués des autres qui ont acheté cette dignité. Ils jouissent néanmoins tous des mêmes privileges, sinon que lorsqu’un procurateur par mérite meurt, le grand conseil en élit un autre, avant que le défunt soit en terre, & qu’on remplace rarement ceux qui le sont par argent, afin de les réduire avec le tems au nombre de leur fixation.

Les nobles qui ont accepté la robe de procurateur, l’ont payée 30 mille ducats ; mais ceux qui après avoir accepté la noblesse, veulent encore monter à ce degré d’honneur, payent deux fois davantage.

Tous les procurateurs portent la veste ducale, c’est-à-dire, à grandes manches jusqu’à terre ; & suivant le rang de leur ancienneté, ils ont leur demeure dans les procuraties neuves. Mais comme la bibliotheque de S. Marc, dont ils sont maîtres, la chambre des archives de la république, dont ils sont les gardiens, & celle où ils tiennent ordinairement leurs conseils trois fois la semaine, occupent une partie de ce bâtiment, il n’y reste de logement que pour six procurateurs, & la république donne aux autres une médiocre pension, jusqu’à ce qu’ils entrent dans les procuraties : ils ont l’administration de l’église de S. Marc, celle du bien des orphelins, & de ceux qui meurent ab intestat, & sans laisser d’enfans. (D. J.)

PROCURATION, MANDAT ou MANDEMENT, s. f. (Jurisprudence.) est un acte par lequel celui qui ne peut vaquer lui-même à ses affaires, soit pour cause d’absence, indisposition ou autre empêchement, donne pouvoir à un autre de le faire pour lui, comme s’il étoit lui-même présent.

On appelle mandataire ou procureur constitué celui qui est fondé de la procuration d’un autre pour faire quelqu’affaire pour lui.

L’engagement du mandataire ou procurateur se forme par l’acceptation ou par l’exécution qu’il fait de la procuration, & de ce jour il y a hypothèque sur ses biens, pour sûreté de ce qu’il pourra devoir par la suite.

On peut donner pouvoir à quelqu’un, soit par une procuration en forme, soit par une simple lettre ou billet, ou par une personne tierce, qui fasse savoir l’ordre, mandement ou commission que l’on donne au mandataire.

La procuration peut être pure & simple, & contenir un pouvoir indéfini, ou bien elle peut être conditionnelle, & donnée seulement avec de certaines restrictions, & le pouvoir du mandataire limité.

Il y a des procurations générales, d’autres spécia-