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mort, avoit déposé entre les mains de Me Pillon ; on prétendoit que le legs étoit de valeur de plus 150000 liv. Après la prononciation de l’arrêt, M. le premier président de Harlay dit que la cour avertissoit le barreau, qu’en confirmant la disposition faite au profit de Pillon, elle n’entendoit point autoriser les donations faites au profit de personnes qui ont l’administration des affaires d’autrui ; que la décision de ces causes dépend des circonstances du fait ; que ce qui déterminoit la cour dans l’espece particuliere à confirmer le legs, étoit la probité & le désintéressement de François Pillon reconnus dans le public.

Les procureurs font en certains cas des fonctions qui approchent beaucoup de celles des juges, comme quand ils taxent les dépens en qualité de tiers, & qu’ils reglent les difficultés qui se présentent à ce sujet en la chambre des tiers.

Ils exercent une jurisdiction en leur chambre de la postulation contre ceux qui sans qualité s’ingerent de faire la fonction de procureur.

Ils ont aussi une supériorité sur le tribunal de la basoche, les procureurs de communauté étant appellés pour juger les requêtes en cassation qui sont présentées contre les arrêts de ce tribunal.

La cour leur fait souvent l’honneur de renvoyer devant eux des incidens de procédure pour donner leur avis, auquel cas cet avis est ordinairement reçu par forme d’appointement.

Enfin, ils exercent entre eux une espece de jurisdiction économique pour maintenir une bonne discipline dans le palais ; cette jurisdiction est ce que l’on appelle au palais, la communauté des avocats & procucureurs, voyez Communauté, &c.

La profession de procureur demande donc beaucoup de droiture & de savoir ; elle est importante par elle-même ; & loin que les fonctions de procureur ayent quelque chose de vil, elles n’ont rien que d’honorable, puisque l’emploi des procureurs est de défendre en justice les droits de leur cliens, de soutenir la vérité & l’innocence, & d’instruire la religion des juges.

Les princes & princesses du sang ont admis dans leurs conseils plusieurs procureurs.

Defunt Me Jean-Baptiste Vernier étoit procureur de S. A. R. M. le duc d’Orléans, régent du royaume ; il étoit aussi l’un des conseillers du conseil de S. A. R. & de feu S. A. S. M. le duc d’Orléans son fils ; ce sont des titres avec provisions du prince, & scellées en sa chancellerie, avec prestation de serment entre les mains de son chancelier.

Le même Me Vernier, après le décès de M. le duc d’Orléans régent, eut l’honneur d’être nommé par arrêt du parlement, tuteur des princesses ses filles.

Feu M. le duc de Bourbon, par son testament, a nommé Me Jean-Baptiste Maupassant, son procureur au parlement, l’un des conseillers de la tutelle de M. le prince de Condé son fils.

Me Louis Formé, procureur au parlement, & de S. A. S. monseigneur le duc d’Orléans, premier prince du sang, a aussi l’honneur d’être l’un des conseillers au conseil de S. A. S. avec provisions scellées en sa chancellerie, & prestation de serment entre les mains de son chancelier ; & pour cet office il est employé sur l’état du roi à la cour des aides, comme les commensaux de la maison du roi ; il a aussi l’honneur d’être admis aux conseils de leurs AA. SS. monseigneur le comte de Clermont, de monseigneur le prince de Conti, de madame la princesse de Conti, de mademoiselle de Charolois & de mademoiselle de Sens, princes & princesses du sang.

On ne conçoit pas comment quelques auteurs ont avancé que la profession des procureurs dérogeoit à la

noblesse. Il est évident qu’ils se sont fondés sur ce qui est dit en droit que la profession des procureurs est vile ; mais il n’est question en cet endroit que des procureurs ad negotia, de simples agens ou solliciteurs, lesquels, comme on l’a déja observé, étoient ordinairement des esclaves & des mercenaires ; ce qui n’a rien de commun avec les procureurs ad lites, que les lois appellent cognitores juris, domini litium, titres qui suffisent seuls pour justifier que l’on avoit de ces procureurs une idée toute différente de celle que l’on avoit des procureurs ad negotia ou gens d’affaires.

On doit sur-tout distinguer les procureurs des cours souveraines, de ceux qui exercent dans les jurisdictions inférieures.

L’article 15 du réglement du 18 Décembre 1537, défend aux procureurs au parlement de faire commerce, de tenir hôtellerie, ni de faire aucun acte dérogeant à l’état & office de procureur en cour souveraine, mais de préférer l’honneur de leur état à leur profit particulier ; prohibition qui est commune à tous ceux qui vivent noblement.

Les ordonnances leur donnent droit de committimus.

Ils ont été appellés par la cour aux cérémonies publiques après les avocats, notamment en 1463, au convoi de Marie d’Anjou, femme de Charles VII. Le 2 Juin 1483, la cour les manda avec les avocats pour l’accompagner en habit décent, & aller au-devant de madame la dauphine. Le 26 du même mois, à la procession qui se fit pendant trois jours à Saint-Denis. Le 30 Juin 1498, & le 13 Novembre 1504, aux entrées de Louis XII. & d’Anne de Bretagne, sa femme, à Paris. Les 8 & 12 Février 1513, quand la cour alla recevoir le corps d’Anne de Bretagne qu’on apportoit de Blois à Paris, ils assisterent aussi aux funérailles. Le 16 Mars 1530, à l’entrée d’Eléonore d’Autriche, seconde femme de François I. Le 18 Août 1534, à la procession que la cour fit pour la santé de Clément VII. Le 12 Novembre 1537, à celle que la cour fit faire pour la prospérité de François I. Le 5 Juin 1538, ils allerent avec la cour à la procession de la sainte-Chapelle à Notre-Dame. Le premier Janvier 1539, ils allerent avec les avocats à cheval à la suite de la cour, qui vint saluer & haranguer Charles-Quint, arrivant à Paris. La Rocheflavin dit qu’aux entrées & obseques des rois, les procureurs, comme membres & officiers du parlement, y assistent avec leurs robes & chaperons après les avocats, & qu’ils sont placés comme eux par les huissiers. Il rapporte à ce sujet deux délibérations de la cour, l’une de 1533, sur l’ordre qui devoit être observé à l’entrée de François I. l’autre du 4 Avril 1541, pour les obseques de ce prince. En 1559, pareil arrêt pour les funérailles d’Henri II. Les procureurs étoient immédiatement après les avocats. Le même ordre fut observé aux obseques de Charles IX. Henri III. & Henri IV. Le 12 Juillet 1562, les procureurs eurent rang à la procession que la cour fit à S. Médard. On en usa de même à leur égard aux parlemens de Toulouse & de Bordeaux, aux entrées de Charles IX. & de la reine sa mere, en 1564 & 1565 ; les procureurs y étoient en robe & chaperon à bourrelet. L’édit du mois de Mai 1639, leur donne rang immédiatement après les avocats.

Enfin nos meilleurs auteurs tiennent tous que les procureurs des cours souveraines ne dérogent pas.

Tel est le sentiment de Balde & de Budée, de Tiraqueau, de Pithou, sur la coutume de Troyes, de Loisel en ses mémoires.

Tel est aussi le sentiment de Zypaeus, en sa notice du droit belgique, n°. 4 ; de Christinœus, vol. II. décis. cxviij. n°. 8 ; de Ghewiet, en son institution au droit belgique, p. 453.

Guypape est de même avis ; & Ferrerius sur cet