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rêts & ceux du public. Princip. pour la lect. des poëtes, come II. pag. 33. & suiv.

PROTATIQUE, adj. (terme de Poésie greque & latine.) c’étoit un personnage qui ne paroissoit sur le théâtre qu’au commencement de la piece ; comme Sosie dans l’Andrienne de Térence. Vossius, Inst. poet. liv. II. ch. v.

Chez les anciens, ces personnages protatiques prenoient peu d’intérêt à l’action, & c’étoit un défaut. Les modernes n’en sont pas exempts, & on l’a justement reproché à Corneille, par le choix qu’il a fait dans Rodogune, & de Laonice & de son frere Timagene pour le récit des événemens antérieurs à l’action, récit qui se trouve interrompu par l’arrivée d’Antiochus, & dont Laonice a la complaisance de reprendre le fil dans la scène quatrieme du même acte, toujours pour instruire son frere Timagene, qui ne l’écoute que par curiosité & sans intérêt. Corneille est tombé plusieurs fois dans ce défaut, que Racine a toujours évité par le soin qu’il a pris de n’introduire que des personnages protatiques intéressans. Ainsi dans Iphigénie, c’est Agamemnon ; dans Athalie, Joad & Abner ; dans Britannicus, Agrippine & Burrhus ; c’est-à-dire, les personnages les plus distingués, & qui influeront le plus sur le reste de la piece, qui prennent soin d’instruire le spectateur de tout ce qui a précédé l’action. On sent combien cette différence est à l’avantage de Racine, & contribue à la régularité du spectacle. Car il est naturel de penser que ces principaux acteurs sont beaucoup mieux instruits des événemens, des intrigues d’une cour, & sentent la liaison qu’elle peut avoir avec l’événement qui va suivre, & qui fait le sujet de la piece, beaucoup mieux qu’une suivante ou un capitaine des gardes, qui dans une piece ne servent souvent qu’à faire nombre.

PROTE, (Géog. anc.) île de la mer Ionienne, proche de la côte de la Messénie, selon Ptolomée, liv. III. ch. xvij. Le manuscrit de la bibliotheque palatine porte prima insula, au-lieu de Prote, ce qui signifie la même chose. Pline, liv. IV. ch. xij. fait aussi mention de cette île. On la nomme aujourd’hui Prodeno.

Prote, s. m. (terme d’Imprimerie.) ce mot vient du grec πρõτος, primus, premier, & signifie le premier ouvrier d’une Imprimerie. Ses fonctions sont étendues, & demandent un grand soin. C’est lui qui, en l’absence du maître, entreprend les impressions, en fait le prix, & répond aux personnes qui ont affaire à l’Imprimerie. Il doit y maintenir le bon ordre & l’arrangement, afin que chaque ouvrier trouve sans peine ce qui lui est nécessaire. Il a soin des caracteres & des ustensiles. Il distribue l’ouvrage aux compositeurs, le dirige, leve les difficultés qui s’y rencontrent, aide à déchiffrer dans les manuscrits les endroits difficiles. Il impose la premiere feuille de chaque labeur, & doit bien proportionner la garniture au format de l’ouvrage & à la grandeur du papier. Voyez Imposer, Labeur, Garnitures, Format. Il doit lire sur la copie toutes les premieres épreuves (voyez Epreuves), les faire corriger par les compositeurs, & envoyer les secondes à l’auteur ou au correcteur : ensuite il doit avoir soin de faire redemander ces secondes épreuves, les revoir, les faire corriger, & en donner les formes aux Imprimeurs, voyez Formes, pour les mettre sous presse & les tirer. Il voit les tierces ; c’est-à-dire qu’il examine sur une premiere feuille tirée, après que l’imprimeur a mis sa forme en train (voyez Mettre en train), si toutes les fautes marquées par l’auteur sur la seconde épreuve, ont été exactement corrigées, & voir s’il n’y a point dans la forme de lettres mauvaises, tombées, dérangées, hautes ou basses, &c. Il doit plusieurs fois dans la journée visiter l’ou-

vrage des imprimeurs, & les avertir des défauts qu’il

y trouve. Il doit, sur toutes choses, avoir une singuliere attention à ce que les ouvriers soient occupés, & que personne ne perde son tems. Le samedi au soir, une heure ou deux avant de quitter l’ouvrage, il fait la banque ; c’est-à-dire qu’il détaille sur le registre de l’imprimerie le nombre de feuilles par signatures, qui ont été faites pendant la semaine sur chaque ouvrage, tant en composition qu’en impression, & en met le prix à la fin de chaque article. Il porte ensuite ce registre au maître, qui examine tous ces articles, en fait le montant & en donne l’argent au prote qui distribue à chaque ouvrier ce qui lui est dû. Comme dans les imprimeries où il y a beaucoup d’ouvriers, un prote seul ne pourroit pas suffire, le maître associe à la proterie une ou deux personnes capables pour aider le prote dans ses fonctions. Un prote devroit avoir l’intelligence du grec, du latin, de l’anglois, de l’italien, de l’espagnol & du portugais ; mais on ne demande à la plûpart que l’intelligence du latin & de savoir lire le grec. Cet article est de M. Brullé, prote de l’imprimerie de M. le Breton, & auteur du mot Imprimerie, &c.

PROTEA, s. f. (Botan.) genre de plante qui, dans le système de Linnæus, renferme en elle-même le lepidocarpodendron & le hypophyllocarpodendron de Boerhaave. Voici les caracteres de ce genre de plante. Le calice est une enveloppe commune, contenant plusieurs fleurs ; il est formé de plusieurs petits pétales, couchés lâchement les uns sur les autres ; mais les pétales intérieurs sont longs, déployés, colorés, & subsistent après que les fleurs sont tombées. La fleur est monopétale, faite en forme d’un simple tube, divisée au sommet en quatre segmens ; chacun desquels est aussi long que la partie tubulaire. Tous sont droits, obtus, & couchés en arriere. Les étamines sont quatre filets extrèmement courts, entés sur les segmens de la fleur, près de son sommet. Les bossettes sont couchées tout près par-dessus. Le germe du pistil est placé dessous le propre receptacle de la fleur. Le stile est long & délié ; le stigma est simple ; le fruit est applati & divisé par des écailles chevelues ; les semences sont uniques. Linnæi gen. plant. pag. 22.

PROTECTEUR, s. m. (Hist. mod.) celui qui prend en main la défense des foibles & des affligés. Voyez Protecteur, hist. d’Angl. & Patron.

Dieu & les magistrats sont les protecteurs de la veuve & de l’orphelin. Parmi les payens, Minerve étoit regardée comme la protectrice des beaux arts.

Chaque nation, chaque ordre de religieux a un cardinal-protecteur à Rome, que l’on appelle cardinal-protecteur. Voyez Cardinal.

On donne aussi quelquefois le nom de protecteur à celui qui gouverne un royaume pendant la minorité d’un prince. Cromwel prit le titre de protecteur de la république d’Angleterre.

C’est l’usage en Angleterre que le régent du royaume dans une minorité prenne le titre de protecteur. On en a un exemple sous la minorité d’Edouard VI.

Protecteur, (Hist. d’Angleterre.) c’est le titre qu’Olivier Cromwel s’appropria, & qui lui fut solemnellement accordé par l’Angleterre, l’Ecosse & l’Irlande. Pendant que Charles II. fugitif en France avec son frere & sa mere, y traînoit ses malheurs & ses espérances, Cromwel fut inauguré dans le poste de protecteur le 26 Juin 1657 à Westminster-hall, par le parlement pour lors assemblé, & l’orateur des communes, le chevalier Thomas Widdrington, en fit la cérémonie.

Un simple citoyen, dit M. de Voltaire, usurpateur du trône, & digne de régner, prit le nom de protecteur, & non celui de roi, parce que les Anglois savoient jusqu’où les droits de leurs rois devoient s’étendre, & ne connoissoient pas quelles étoient les