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Les trois angles internes d’un triangle sont égaux à deux angles droits.

Dans un triangle rectangle, le quarré du côté opposé à l’angle droit est égal au quarré des deux autres côtés.

On dit que Pythagore immola aux muses une hécatombe, pour les remercier de la découverte de ce dernier théoreme, ce qui prouve qu’il en connut toute la fécondité.

Astronomie de Pythagore. Il y a dans le ciel la sphere fixe ou le firmament ; la distance du firmament à la lune, & la distance de la lune à la terre. Ces trois espaces constituent l’univers.

Il y a dix spheres celestes. Nous n’en voyons que neuf, celles des étoiles fixes, des sept planetes & de la terre. La dixieme, qui se dérobe à nos yeux, est opposée à notre terre.

Pythagore appelle cette derniere l’anthictone.

Le feu occupe le centre du monde. Le reste se meut autour.

La terre n’est point immobile. Elle n’est point au centre. Elle est suspendue dans son lieu. Elle se meut sur elle-même. Ce mouvement est la cause du jour & de la nuit.

La révolution de Saturne est la grande année du monde ; elle s’acheve en trente ans. Celle de Jupiter en vingt. Celle de Mars en deux. Celle du Soleil en un. La révolution de Mercure, de Vénus & de la Lune est d’un mois.

Les planetes se meuvent de mouvemens qui sont entr’eux, comme les intervalles harmoniques.

Vénus, Hesper & Phosphorus sont un même astre.

La Lune & les autres planetes sont habitables.

Il y a des antipodes.

De la philosophie de Pythagore en général. La sagesse & la Philosophie sont deux choses fort différentes.

La sagesse est la science réelle.

La science réelle est celle des choses immortelles, éternelles, efficientes par elles-mêmes.

Les êtres qui participent seulement de ces premiers, qui ne sont appellés êtres qu’en conséquence de cette participation, qui sont matériels, corporels, sujets à génération & à corruption, ne sont pas proprement des êtres, ne peuvent être ni bien connus, ni bien définis, parce qu’ils sont infinis & momentanés dans leurs états, & il n’y a point de sagesse relative à eux.

La science des êtres réels entraîne nécessairement la science des êtres équivoques. Celui qui travaille à acquérir la premiere, s’appellera philosophe.

Le philosophe n’est pas celui qui est sage, mais celui qui est ami de la sagesse.

La Philosophie s’occupe donc de la connoissance de tous les êtres, entre lesquels les uns s’observent en tout & partout ; les autres souvent, certains seulement en des cas particuliers. Les premiers sont l’objet de la science générale ou philosophie premiere ; les seconds sont l’objet des sciences particulieres.

Celui qui sait résoudre tous les êtres en un seul & même principe, & tirer alternativement de ce principe un & seul, tout ce qui est, est le vrai sage, le sage par excellence.

La fin de la Philosophie est d’élever l’ame de la terre vers le ciel, de connoître Dieu, & de lui ressembler.

On parvient à cette fin par la vérité, ou l’étude des êtres éternels, vrais & immuables.

Elle exige encore que l’ame soit affranchie & purgée, qu’elle s’amende, qu’elle aspire aux choses utiles & divines, que la jouissance lui en soit accordée, qu’elle ne craigne point la dissolution du corps, que l’éclat des incorporels ne l’éblouisse pas, qu’elle n’en détourne pas sa vue, qu’elle ne se laisse pas enchaî-

ner

par les liens des passions, qu’elle lutte contre tout ce qui tend à la déprimer, & à la ramener vers les choses corruptibles & de néant, & qu’elle soit infatigable & immuable dans sa lutte.

On n’obtiendra ce degré de perfection que par la mort philosophique, ou la cessation du commerce de l’ame avec le corps, état qui suppose qu’on se connoit soi-même, qu’on est convaincu que l’esprit est détenu dans une demeure qui lui est étrangere, que sa demeure & lui sont des êtres distincts, qu’il est d’une nature tout-à-fait diverse ; qu’on s’exerce à se recueillir, ou à séparer son ame de son corps, à l’affranchir de ses affections & de ses sensations, à l’élever au-dessus de la douleur, de la colere, de la crainte, de la cupidité, des besoins, des appetits, & à l’accoutumer tellement aux choses analogues à sa nature, qu’elle agisse, pour ainsi dire, séparément du corps, l’ame étant toute à son objet, & le corps se portant d’un mouvement automate & méchanique sans la participation de l’ame ; l’ame ne consentant ni ne se refusant à aucun de ses mouvemens vers les choses qui lui sont propres.

Cette mort philosophique n’est point une chimere. Les hommes accoutumés à une forte contemplation l’éprouvent pendant des intervalles assez longs. Alors ils ne sentent point l’existence de leur corps ; ils peuvent être blessés sans s’en appercevoir ; ils ont bû & mangé sans le savoir ; ils ont vécu dans un oubli profond de leur corps & de tout ce qui l’environnoit, & qui l’eût affecté dans une situation diverse.

L’ame affranchie par cet exercice habituel existera en elle ; elle s’élevera vers Dieu ; elle sera toute à la contemplation des choses éternelles & divines.

Il paroît par cet axiome que Pythagore, Socrate, & les autres contemplateurs anciens, comparoient le géometre, le moraliste, le philosophe profondement occupé de ses idées, &, pour ainsi dire, hors de ce monde, à Dieu dans son immensité ; avec cette seule différence, que les concepts du philosophe s’éteignoient en lui, & que ceux de Dieu se réalisoient hors de lui.

On ne s’éleve point au-dessus de soi, sans le secours de Dieu & des bons génies.

Il faut les prier ; il faut les invoquer, sur-tout son génie tutélaire.

Celui qu’ils auront exaucé ne s’étonnera de rien ; il aura remonté jusque aux formes & aux causes essentielles des choses.

Le philosophe s’occupe ou des vérités à découvrir, ou des actions à faire, & sa science est ou théorique, ou pratique.

Il faut commencer par la pratique des vertus. L’action doit précéder la contemplation.

La contemplation suppose l’oubli & l’abstraction parfaite des choses de la terre.

Le philosophe ne se déterminera pas inconsidérément à se mêler des affaires civiles.

La Philosophie considerée relativement à ses éleves est ou exotérique, ou esotérique : L’exotérique propose les vérités sous des symboles, les enveloppe, ne les démontre point. L’ésotérique les dépouille du voile, & les montre nues à ceux dont les yeux ont été disposés à les regarder.

Philosophie pratique de Pythagore. Il y a deux sortes de vertus. Des vertus privées qui sont relatives à nous-mêmes ; des vertus publiques qui sont relatives aux autres.

Ainsi, la Philosophie morale est pédeutique ou politique.

La pédeutique forme l’homme à la vertu, par l’étude, le silence, l’abstinence des viandes, le courage, la tempérance & la sagacité.

L’occupation véritable de l’homme est la perfection de la nature humaine en lui.