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& de vie de toute substance créée, de sujet rempli & impregné de toutes les influences, opérations & facultés des corps célestes & terrestres ; de théâtre de tous les secrets de la nature, de miracle de la nature universelle, de quintessence de la machine humaine, de monde régénéré dans lequel est caché le trésor de toute la nature ; de fils du soleil & de la lune, &c. Mais quelle est la composition de ce divin remede ? c’est-là le point principal & malheureusement ignoré ; c’est la même préparation qui peut transformer les métaux en or en purifiant ceux qui sont imparfaits de toutes leurs impuretés, qui peut, disent-ils, en même-tems rétablir l’humide radical dissipé, temperer l’aridité de la vieillesse, cette ennemie naturelle, substituer aux sucs dépravés des humeurs salutaires, suppléer enfin tout ce qui paroît manquer pour produire une santé perpétuelle, le rajeunissement & la guérison de toutes les maladies. Ce secret précieux toujours voilé par les alchimistes jaloux, sous les figures, les emblèmes, les énigmes, les allégories, les hiéroglyphes, les allusions continuelles à la fable ou à l’Ecriture sainte, & sous une variété innombrable de noms, a été perdu avec leurs inventeurs.

On ne sauroit douter que quelques chimistes n’aient découvert la pierre philosophale, voyez ce mot, c’est-à-dire le secret de la transmutation des métaux en or, il ne paroît pas qu’on puisse se refuser à l’authenticité de plusieurs faits rapportés par des témoins irréprochables ; mais il s’en faut bien que la propriété qu’on lui attribue de rajeunir soit aussi solidement constatée. Nous n’entrerons pas dans l’examen critique des observations qui paroissent étayer cette prétention, nous laissons au lecteur curieux & oisif le soin de ces recherches intéressantes ; nous nous contenterons de remarquer que les exemples tirés du prétendu rajeunissement des animaux, pour en démontrer la possibilité, ne sont rien moins que concluans : il en résulte seulement que ces animaux changent de peau ou de plumes ; qu’après cette opération, dont les apprêts sont une espece de maladie, ils sont plus agiles & plus vigoureux parce qu’ils sont déchargés d’un fardeau qui les incommodoit ; mais ils ne perdent pas pour cela une seule année, ils n’en éprouvent pas moins dans la suite les langueurs de la vieillesse, & enfin ils ne succombent pas moins à la mort inévitable qui en est le dernier degré & la fatale terminaison : ajoutez à cela que la plûpart des exemples rapportés sont destitués de preuves suffisantes, & le plus souvent hasardés.

Mais pour se convaincre combien peu le rajeunissement est praticable, qu’on se retrace le tableau de l’homme vivant, qu’on y examine les phénomenes & les effets de la vie, on verra que chaque instant de la vie est un pas vers la vieillesse & la mort ; que telle est la structure de notre machine, que chaque mouvement qui entretient la vie est une cause qui en prépare de loin le ralentissement & la cessation ; & plus exercice des fonctions est parfait, plus il tend directement & efficacement à ce but. Dans le jeune homme tous les vaisseaux ouverts & déployés entretiennent l’abord facile & continuel des humeurs dans les différentes parties qui y portent la nourriture, la souplesse, la mollesse & l’humidité nécessaires ; les fluides sont actifs & spiritueux ; ils sont conservés dans cet état par les efforts conspirans de toutes les parties, par la réaction proportionnée des vaisseaux ; mais les efforts nécessaires pour opérer les divers mouvemens, dissipent à chaque instant les humeurs, appliquent plus fortement les petits vaisseaux les uns contre les autres, en expriment les sucs, les collent ensemble, les dessechent, & les fortifient en même-tems ; ainsi dans l’âge d’adulte cette vigueur, cette force mâle qui le caractérisent, sont l’effet de l’anéantissement, de

l’exsiccation de plusieurs vaisseaux qui en devenant solides acquierent plus de consistance & de fermeté, & sont plus propres à résister aux efforts qu’exigent les travaux de cet âge. A mesure que cet homme vit, qu’il exécute les mouvemens nécessaires, les causes qui dessechent & détruisent, les vaisseaux agissent plus efficacement, bientôt commencent à diminuer la souplesse des ressorts, l’aisance de leur jeu, la réaction des vaisseaux sur le sang, cette liqueur n’est plus dans cet orgasme, dans ce feu de la jeunesse, elle roule plus tranquillement dans ses canaux moins irritables & moins mobiles ; par la succession de tems, ces effets augmentent au point que les nerfs trop rafermis perdent leur tension & leur vibratilité, ils ne représentent que foiblement les objets des sensations ; peu sensibles aux différentes impressions, ils n’exécutent qu’avec peine & lenteur les mouvemens qu’elles excitent ; les forces sont épuisées, la graisse se fond, la peau cesse d’être humectée, elle se ride, se racornit, les tendons, les cartilages des ligamens s’ossifient, les muscles & les vaisseaux durcissent, & deviennent presque incapables de mouvement ; alors un sang glacé coule difficilement dans les veines, un froid mortel s’empare de tout le corps, le tronc n’est plus soutenu par les muscles affoiblis, il obéit à son poids, se courbe vers la terre, & bientôt par une gradation invariable, ce corps qui n’est plus qu’un squelete décharné, tombera tout-à-fait, & cessera de vivre sans s’en appercevoir. Tels sont les changemens qu’éprouve la machine par la succession des âges, changemens opérés par les forces même de la vie, & qui sont d’une nature que tout l’art du monde s’y opposeroit en vain, encore moins pourroit-il les faire cesser quand ils sont formés ; d’où il me paroît que le rajeunissement non-seulement n’a jamais eu lieu, mais même est impossible. La reproduction des cheveux noirs ou des dents dans quelques vieillards, phénomenes bien attestés, ne décident rien du tout, & sont des attributs frivoles qui caractérisent mal la jeunesse quand ils ne sont pas joints aux autres signes plus nécessaires & plus distinctifs. Voyez Jeunesse & Vieillesse.

Mais si le corps des vieillards ne rajeunit pas, du moins peut-on dire que leur esprit éprouve cette révolution ? Non, car ils ne reprennent ni cette pénétration, ni cette vivacité d’imagination, ni cette activité de la mémoire propre aux jeunes gens ; mais ils franchissent un intervalle en apparence plus grand, ils retombent, comme on dit, dans l’enfance ; ils reprennent la façon de penser conforme à la foiblesse de cet âge, dépourvus de soucis, d’inquiétude, délivrés de tous les objets de crainte, de tristesse, de mécontentement qu’offre la raison à ceux qui sont encore soumis à son empire, ils prennent plaisir aux jeux des enfans, s’amusent de leurs poupées, & comme eux, equitant in arundine longâ ; ce changement est une suite très-naturelle de la foiblesse de leur machine, & surtout des fibres du cerveau ; la force qui leur est nécessaire pour penser, pour imaginer ayant cessé chez eux, ils sont au niveau des enfans, qui ne l’ont pas encore obtenue. (b)

RAIFORT, s. m. (Hist. nat. Botan.) raphanus, genre de plante à fleur en croix, composée de quatre pétales. Le pistil sort du calice, & devient dans la suite un fruit ou une silique en forme de corne, épaisse, & d’une substance spongieuse, qui renferme deux rangées de semences arrondies. Ces rangées sont séparées l’une de l’autre par une pellicule très-mince. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez Plante.

Les racines du raifort sont assez longues, blanches en-dedans, d’un rouge vif en-dehors, & d’un goût moins piquant que le radis ; mais pour décrire cette plante en botaniste, il faut nécessairement abandonner les mots du vulgaire, & se servir des termes de