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lieres vues par M. Winslow, n’étoient que des appendices de la rate, & des jeux de la nature.

Comme quelques expériences ont justifié que la rate n’étoit pas absolument essentielle à la vie des animaux, on a vû, dans le dernier siecle, des chirurgiens s’aviser de dire que l’homme tireroit des avantages de se faire ôter la rate ; mais ce système barbare & ridicule, eut d’autant moins d’approbateurs, que les chiens sur lesquels ils imaginerent de faire leurs expériences pour prouver leur opinion, souffrirent de grands dérangemens dans tout leur corps, languirent, & moururent bien-tôt après. (D. J.)

Rate, (Physiolog.) la rate située dans l’hypocondre gauche, pendante sous le diaphragme, adhérente au rein gauche, à l’épiploon, & en quelque maniere à l’estomac, est exposée dans cette situation à la pression du diaphragme & des muscles de l’abdomen. Elle reçoit un sang pur, artériel, qui ne fait que de sortir du cœur ; la céliaque, quelquefois l’aorte même lui fournit une artere, de laquelle le foie, le pancréas, le duodenum, le ventricule, reçoivent aussi leurs vaisseaux artériels ; d’où il est constant que le sang ainsi distribué à la rate par une infinité de rameaux, est tout-à-fait semblable à celui qui est porte aux autres parties qu’on vient de nommer.

Comme l’injection prouve qu’il y a un passage directement ouvert de ces arteres dans les veines, il paroit que les extrémités des artérioles spléniques ne se terminent pas toutes de la même maniere, mais qu’il regne ici une variété assez considérable, que cependant aucun art n’a pu démontrer jusqu’à présent, sur-tout à cause de la grande friabilité de ce viscere.

Il est néanmoins évident que la rate est construite comme tous les lieux du corps où se font des secrétions, & que conséquemment il s’en fait certainement en cette partie. Les vaisseaux lymphatiques qu’on y trouve environnant toute la tunique vaginale, rampant entre les deux sur les membranes propres spléniques, s’écartant çà & là de l’artere splénique ; ces vaisseaux, dis-je, sont en plus petite quantité dans ce viscere que dans les autres ; & comme ils ne pénetrent point dans l’intérieur, il suit qu’ils prennent leur origine des vaisseaux qui servent à nourrir le corps de la rate.

Si dans une rate lavée, dont on a exactement lié la veine, on souffle de l’air par l’artere dans toute la substance de ce viscere, & qu’ensuite après avoir lié l’artere, & laissé la rate se dessécher à l’air, on la disseque ; outre les arteres, les veines, & les nerfs, on voit en l’examinant bien, plusieurs cellules vuides, distendues, distinctes, composées de membranes élevées en droite ligne, de figure & de capacité diverses, lesquelles s’ouvrent les unes dans les autres par un orifice, & même dans ses plus grands trous faits au sinus veineux.

Les parois des membranes qui forment ces cellules sont arrosées de très-petites arteres ; on y voit de plus une grande quantité de corps ovales blancs, mous, disposés en forme de grappes glanduleuses, dont toutes les propriétés montrent sensiblement que ces grains servent à exprimer les glandes.

Quoique la rate ait à peine aucun mouvement sensible, qu’elle ne soit point douée d’un sentiment exquis, & qu’on n’observe pas même qu’elle en ait besoin, elle a cependant plusieurs grands & différens nerfs destinés pour elle seule, & qui se distribuent dans toute sa masse. C’est pourquoi il est très-vraissemblable que ces petits tuyaux nerveux s’y déchargent de leur humeur subtile, qui se mêle ensuite aux autres liqueurs veineuses qu’on y trouve.

Il suit de ce détail, que la principale action de la rate paroit consister en ce que, 1°. le sang artériel

pur, abondant en lymphe, prépare une lymphe très subtile dans les petites glandes de ce viscere, l’y sépare, la verse dans les cellules par ses émonctoires particuliers, & en décharge aussi peut-être une partie dans la veine splénique. 2°. Le sang qui reste après cette action semble être porté dans les petites veines, & de-là dans les veines communes. 3°. L’autre troupe d’artérioles qui tapisse les parois des membranes, verse peut-être dans les cellules ouvertes des membranes, un sang plein de lymphe, & qui vient d’être atténué dans ce tissu artériel, comme il arrive dans les corps caverneux. 4°. Il est aussi croyable que les nerfs y portent, y déposent, y mettent, y fournissent sans cesse une grande quantité d’esprits. 5°. Que toutes ces humeurs, ainsi préparées, confusément mêlées, après avoir croupi un moment, sont comprimées, mêlées, atténuées, & souffrent la même élaboration que dans le poumon, par la forte action du sang artériel, par l’impétuosité du suc nerveux, par la contraction des deux membranes propres de la rate, & de sa tunique vaginale, par le renversement des fibres qui sont ici très-nombreuses, par l’agitation du diaphragme, des muscles, des vaisseaux, & des visceres abdominaux.

Le sang qui est fluide en cet endroit, disons riche en esprit & en lymphe, qui forme difficilement des concrétions, intimement mêlé, se séparant avec peine en parties hétérogenes, acquiert par ces causes une couleur rouge pourpre, & sort ainsi coloré de ce viscere par la grande veine splénique : tel est donc l’effet de la rate ; mais comme toute l’humeur qui y est préparée va dans la veine porte & au foie, il est évident que la rate travaille pour ce dernier viscere.

En effet, le foie & la rate semblent être dans une mutuelle dépendance l’un de l’autre. 1°. Dans les animaux auxquels on a enlevé la rate, on trouve le foie augmenté en volume, obstrué, flétri, ulcéré, défiguré ; ces changemens se sont trouvés quelquefois réunis & quelquefois séparés ; c’est-à-dire qu’on a trouvé dans quelques chiens ces assemblages de maux, & que dans d’autres on n’a rencontré qu’un seul de ces vices. 2°. Il est certain que la bile n’est plus la même dans les animaux auxquels on a enlevé la rate, la quantité est moindre, la couleur est blanchâtre, la consistance en est plus épaisse : on a trouvé les molécules de cette bile, comme des grumeaux de fromage. 3°. Il est donc évident que le foie & la bile ont besoin du sang de la rate, c’est-à-dire d’un sang plus fluide, & qui ait plus de lymphe & de sérosité, ou qui-soit préparé d’une façon particuliere comme le sang de la rate.

On peut juger par ce récit, si les diverses opinions qu’on a avancées sur les usages de la rate, sont des opinions bien fondées : les uns ont dit que la rate n’avoit d’autre usage que de servir de contre-poids au foie, en donnant plus de pesanteur à l’hypocondre gauche ; mais ceux qui raisonnoient ainsi ignoroient la véritable situation du foie qui couvre l’estomac en partie, & qui se jette quelquefois extraordinairement dans l’hypocondre gauche ; quelle étoit donc la nécessité de cet équilibre ? Peut-on dire d’ailleurs qu’un corps aussi petit que la rate par rapport au foie, puisse balancer ce viscere ?

Ceux qui ont imaginé que la rate n’étoit qu’un jeu de la nature ou un fardeau inutile, ont encore parlé avec moins de fondement ; sa perfection, les vûes raisonnées & constantes qu’on trouve dans sa structure animale, ne permet pas qu’on raisonne ainsi : les effets que produit l’absence de la rate, auroient dû inspirer un sentiment bien différent ; les chiens auxquels on enleve ce viscere, deviennent tristes, maigrissent, ont une bile visqueuse, un sang noirâtre & épais.

Les chimistes qui ont prétendu qu’il se filtroit dans