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l’homicide, crut devoir punir le meurtre, même involontaire, par une espece d’exil. Si le meurtrier sortoit avant le tems prescrit, le vengeur du sang de celui qui avoit péri avoit droit de le tuer impunément ; mais après le décès du grand-prêtre, il lui étoit permis de se retirer par-tout où il vouloit, sans que personne pût le poursuivre, ni lui faire aucune insulte. (D. J.)

RÉFUGIÉS, (Hist. mod. politiq.) C’est ainsi que l’on nomme les Protestans françois que la révocation de l’édit de Nantes a forcés de sortir de France, & de chercher un asyle dans les pays étrangers, afin de se soustraire aux persécutions qu’un zele aveugle & inconsidéré leur faisoit éprouver dans leur patrie. Depuis ce tems, la France s’est vûe privée d’un grand nombre de citoyens qui ont porté à ses ennemis des arts, des talens, & des ressources dont ils ont souvent usé contre elle. Il n’est point de bon françois qui ne gémisse depuis long-tems de la plaie profonde causée au royaume par la perte de tant de sujets utiles. Cependant, à la honte de notre siecle, il s’est trouvé de nos jours des hommes assez aveugles ou assez impudens pour justifier aux yeux de la politique & de la raison, la plus funeste démarche qu’ait jamais pu entreprendre le conseil d’un souverain. Louis XIV. en persécutant les Protestans, a privé son royaume de près d’un million d’hommes industrieux qu’il a sacrifiés aux vûes intéressées & ambitieuses de quelques mauvais citoyens, qui sont les ennemis de toute liberté de penser, parce qu’ils ne peuvent régner qu’à l’ombre de l’ignorance. L’esprit persécuteur devroit être réprimé par tout gouvernement éclairé : si l’on punissoit les perturbateurs qui veulent sans cesse troubler les consciences de leurs concitoyens lorsqu’ils different dans leurs opinions, on verroit toutes les sectes vivre dans une parfaite harmonie, & fournir à-l’envi des citoyens utiles à la patrie, & fideles à leur prince.

Quelle idée prendre de l’humanité & de la religion des partisans de l’intolérance ? Ceux qui croient que la violence peut ébranler la foi des autres, donnent une opinion bien méprisable de leurs sentimens & de leur propre constance. Voyez Persécution & Tolérance.

REFUGIUM-APOLLINIS, (Géogr. anc.) lieu de Sicile sur la route d’Agrigente à Syracuse, en prenant le long de la mer. C’est l’itinéraire d’Antonin qui en fait mention. Il le marque entre Plagia Herco ou Cymba, & Plagia-Syracusis, à 20 milles du premier de ces lieux, & à 32 milles du second. C’est le même lieu que la plûpart des anciens ont nommé Pachymi-Portus. Aujourd’hui on l’appelle Porto-di-Longobardo. (D. J.)

REFUGIUM-CHALIS, (Géog. anc.) lieu de Sicile. L’itinéraire d’Antonin le met sur la route d’Agrigentum à Syracuse, en prenant le long de la mer ; mais il faut lire Gelæ au lieu de Chalis. Le nom moderne est Terra-nova. (D. J.)

REFUITE, s. f. (Menuiserie.) c’est l’excès de profondeur d’une mortaise, d’un trou de boulin, &c. On dit aussi qu’un trou a de la refuite, quand il est plus profond qu’il ne faut pour encastrer une piece de bois ou de fer qui sert de linteau entre les deux tableaux d’une porte. (D. J.)

Refuite, terme de Chasse. Ce mot se dit des ruses d’un cerf qu’on chasse, & qui retourne sur ses pas. Il se dit aussi des lieux où fuient les bêtes lorsqu’on les chasse. Trévoux. (D. J.)

REFUS, s. m. (Morale.) dénégation de quelque chose qu’on demande. Les refus peuvent être offensans, fâcheux, injurieux, civils, honnêtes, & même obligeans ; leur différence provient de l’assaisonnement qu’on y met. La pensée de Pline le jeune n’est

que trop souvent vraie. « Telle est, dit-il, la disposition du cœur humain ; vous détruisez vos premiers bienfaits, si vous ne les soutenez par de seconds : obligez cent fois, refusez une, le refus seul restera dans l’esprit ». Cependant un refus tempéré par toutes sortes d’adoucissemens, ne choque point les personnes raisonnables ; & l’on ne s’offense point d’un refus de vertu, dit Montagne. (D. J.)

Refus, (Architect. hydraul.) On dit qu’un pieu ou un pilot est enfoncé au refus du mouton, lorsqu’il ne peut entrer plus avant, & qu’on est obligé d’en couper la couronne. Daviler. (D. J.)

Refus ; on appelle cerf de refus un cerf de trois ans.

REFUSER, v. act. & n. (Gramm.) c’est ne pas accorder ce qu’on demande. Voyez l’article Refus. Il y a des gens d’un caractere si mol, qu’ils ne savent ni accorder ni refuser. On se refuse à la sollicitation de son cœur ; on est refusé d’une dignité. On se refuse à une intrigue ; on se refuse à la poursuite.

Refuser, (Marine.) On dit qu’un vaisseau a refusé, quand il a manqué à prendre vent devant.

Refuser, terme de Manege. On dit que le cheval refuse lorsqu’il ne veut pas, ou qu’il n’a pas la force d’obéir au cavalier.

REFUSION, s. f. (Jurispr.) se dit en parlant des frais de contumace. Faire la réfusion de ces frais, c’est les payer. Voyez Refonder. (A)

REFUTATA, pl. n. (Chancellerie.) mot latin qui se met sur les lettres par les référendaires lorsqu’elles sont rejettées, parce qu’elles sont mal dressées, ou qu’elles contiennent des choses contraires aux ordonnances. Trévoux. (D. J.)

RÉFUTATION, (Art orat.) c’est la partie d’une piece d’éloquence qui répond aux objections de la partie adverse, & qui détruit les preuves qu’elle a alléguées.

La réfutation demande beaucoup d’art, parce qu’il est plus difficile de guérir une blessure que de la faire.

Quelquefois on retorque l’argument sur son adversaire. Protagore, philosophe, sophiste & rhéteur, étoit convenu avec Euathlus son disciple d’une somme qui lui seroit payée par celui-ci lorsqu’il auroit gagné une cause. Le tems paroissant trop long au maître, il lui fit un procès ; & voici son argument : ou vous perdrez votre cause, ou vous la gagnerez ; si vous la perdez, il faudra payer par la sentence des juges ; si vous la gagnez, il faudra payer en vertu de notre convention. Le disciple répondit : ou je perdrai ma cause, ou je la gagnerai ; si je la perds, je ne vous dois rien en vertu de notre convention ; si je la gagne, je ne vous dois rien en vertu de la sentence des juges.

Quand l’objection est susceptible d’une réfutation en regle, on la fait par des argumens contraires, tirés ou des circonstances, ou de la nature de la chose, ou des autres lieux communs.

Quand elle est trop forte, on feint de n’y pas faire attention, ou on promet d’y répondre, & on passe légerement à un autre objet : on paye de plaisanteries, de bons mots. Un orateur athénien entreprenant de réfuter Démosthène, qui avoit mis tout en émotion & en feu, commença en disant qu’il n’étoit pas surprenant que Démosthène & lui ne fussent pas de même avis, parce que Démosthène étoit un buveur d’eau, & que lui il ne buvoit que du vin. Cette mauvaise plaisanterie éteignit tout le feu qu’avoit allumé le prince des orateurs.

Enfin, quand on ne peut détourner le coup, on avoue le crime, & on a recours aux larmes, aux prieres, pour écarter l’orage. Cours des Belles-Lettres, tome IV. (D. J.)