Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 13.djvu/909

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mais d’autres encore, que le concordat n’a fait que renouveller un droit que les rois de France avoient possédé dès le commencement de la monarchie.

En effet, Grégoire de Tours, Aimoin & nos anciens historiens, sont pleins d’exemples qui prouvent que nos rois de la premiere race disposoient des évêchés. Ils en parlent en ces termes. Talis episcopus ordinatus est jussu regis, ou assensu regis, ou decreto regis.

Le même ordre s’observoit sous la seconde race, puisque Loup, abbé de Ferrieres, rapporte que le roi Pepin obtint le consentement du pape Zacharie, pour nommer aux grandes dignités ecclésiastiques ceux qu’il en jugeroit les plus capables pour le bien de son état.

Hincmar, archevêque de Rheims, parle aussi de ces nominations.

On en trouve aussi la preuve dans le second concile d’Aix-la-Chapelle, sous Louis le Débonnaire.

Les successeurs de Hugues-Capet en usoient aussi de même.

Fulbert, évêque de Chartres, qui vivoit dans le xj. siecle, sous le roi Robert, témoigne la même chose en plusieurs endroits de ses épîtres.

Dans le xij. siecle, plusieurs papes disposerent seuls des grands bénéfices.

Mais sous Philippe-Auguste, vers le commencement du xiij. siecle, les élections furent en usage ; de maniere néanmoins que le roi les autorisoit.

Enfin le concordat accorde au roi le droit de nomination aux bénéfices consistoriaux, quoique l’on tienne que ce droit appartienne au roi, en vertu de sa souveraineté ; parce que le choix des prélats est une chose importante pour le bien de l’état, & que le roi, comme on l’a déjà dit ci-devant, est le premier patron & le protecteur des églises de son royaume : & c’est de ce droit de nomination aux grands bénéfices, que dérive le droit de régale.

Mais il n’est pas facile de rapporter des preuves que la régale, telle qu’elle se pratique présentement, étoit déjà établie dès le commencement de la premiere race.

Ce que l’on trouve de plus certain sur ce point, c’est qu’il est fait mention de ce droit de régale dans le testament de Philippe-Auguste, en forme d’ordonnance, de l’an 1190 ; dans une bulle du pape Innocent III. de l’an 1210 ; en l’ordonnance du roi Philippe-le-Bel, de l’an 1302, articles 3. & 4 ; dans celle de Philippe de Valois, de l’an 1334 ; de Charles VII. de l’an 1453, articles 5. & 76 ; de Louis XII. en 1499, articles 11. & 12.

Il y a ouverture à la régale par la vacance de l’évêché ou archevêché ; savoir, 1°. par mort.

2°. Par la promotion de l’évêque ou archevêque au cardinalat, ce qui vient de ce que le prélat promu à cette dignité étant attaché d’une maniere plus particuliere à l’église de Rome, attachement que l’on regardoit comme incompatible avec le service & la résidence que le prélat doit dans son diocèse, on regardoit l’évêché comme vacant. La promotion au cardinalat, sub expectatione tituli, opere le même effet ; mais la régale n’a lieu, par la promotion au cardinalat en général, que du jour que l’évêque a accepté.

3°. La régale est ouverte par la démission simple entre les mains du roi, & par la résignation en faveur, ou permutation, du jour que la résignation ou permutation est admise par le pape.

4°. Par la translation de l’évêque à un autre évêché ou archevêché, du jour du serment de fidélité prêté pour l’église à laquelle l’évêque a été transféré.

5°. Il y auroit aussi ouverture à la régale par la rébellion publique & notoire de l’évêque. Ce seroit une

espece de commise, semblable à celle qui a lieu contre le vassal, pour cause de félonie.

Un bénéfice est dit vaquer en régale, lorqu’il se trouve vacant au moment que la régale s’ouvre dans un évêché, ou qu’il vient à vaquer depuis l’ouverture de la régale.

On distingue trois sortes de vacances par rapport à la régale ; savoir, 1°. la vacance de droit, qui arrive quand le pourvu a pris possession en personne sur un titre nul & vicieux : 2°. la vacance de fait, quand celui qui est pourvu par un titre canonique, n’a pris possession que par procureur ; car en matiere de régale, la prise de possession faite par procureur, quoique fondé de procuration spéciale, n’empêche pas que le bénéfice ne soit réputé vacant, si ce n’est un bénéfice à charge d’ames. 3°. La vacance de fait & de droit, quand un clerc possede un bénéfice sans titre canonique, & sans avoir pris possession en personne. Dans tous ces différens genres de vacance, le roi dispose des bénéfices qui vaquent en régale.

Le litige fait aussi vaquer en régale les bénéfices qui se trouvent contestés pendant qu’elle est ouverte ; mais il faut que l’affaire soit au moins problématique, & que l’un des contendans ne soit pas évidemment mal fondé.

Néanmoins si l’un des contendans avoit seulement pour lui le bon droit, & que l’autre fût en possession actuelle, le bénéfice contesté entre eux vaqueroit en régale ; parce que pour empêcher la vacance en régale, il faut que le bénéfice soit rempli de fait & de droit, par la même personne : & dans ce cas on reservoit à celui qui avoit droit son action en dommages & intérêts contre l’injuste possesseur.

Le seul litige injuste ne fait pas vaquer le bénéfice en régale, à-moins que la possession de fait & de droit ne soit divisée entre les collitigeans.

Pour faire vaquer un bénéfice en régale, à cause du litige, une simple assignation ne suffit pas ; il faut, suivant la déclaration du 10 Février 1673, qu’il y ait contestation en cause six mois avant le décès des évêques & archevêques. Cependant s’il étoit certain que le litige fût sérieux & de bonne foi, il feroit vaquer le bénéfice en régale, quoiqu’il n’y eût pas encore six mois depuis la contestation en cause.

La grand’chambre du parlement de Paris est le seul tribunal qui ait droit de connoître de la régale dans toute l’étendue du royaume.

Quand le pourvu en régale trouve un autre en possession du bénéfice, il doit former verbalement sa demande en la grand’chambre, par le ministere de son avocat, & réquerir permission de faire assigner tous les contendans.

On adjuge toujours l’état, c’est-à-dire la provision, au régaliste, en attendant le jugement du fond.

En matiere de régale, la cour connoît du pétitoire des bénéfices ; c’est pour quoi elle ne se sert pas du terme de maintenue : elle adjuge le bénéfice à celui qui y a droit.

Le régaliste ne peut pas au préjudice du roi, se désister de son droit au profit d’un pourvu par le pape, ou par l’ordinaire ; mais un régaliste peut céder son droit à un autre régaliste.

Entre plusieurs pourvus en régale, celui dont le brevet est le premier est préféré, à-moins que le second ne fût pourvu sur le véritable genre de vacance. Si les brevets se trouvent de même date, il faut s’adresser au roi, pour savoir quel est le pourvu qu’il veut préférer.

La régale a lieu en Bretagne dans le mois du pape, jusqu’à ce que l’évêque ait satisfait aux formalités nécessaires pour la clôture de la régale.

La régale est ouverte jusqu’à ce que le nouveau