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La religion se divise en religion naturelle, & religion révélée. Voyez Religion.

La révélation considérée par rapport à la véritable religion, se divise en révélation juive, & révélation chrétienne. La révélation juive a été faite à Moïse, aux prophetes, & aux autres écrivains sacrés dans l’ancien Testament. La révélation chrétienne a été faite par J. C. & à ses apôtres dans le nouveau. Voyez Testament.

Un auteur moderne a cru proposer une difficulté solide, en remarquant que les révélations sont toujours fondées sur des révélations antérieures. Ainsi, dit-il, la mission de Moïse suppose une premiere révélation faite à Abraham ; la mission de J. C. suppose celle de Moïse ; la prétendue mission de Mahomet suppose celle de J. C. la mission de Zoroastre aux Perses, suppose la religion des mages, &c. Mais outre que cette derniere allégation est une pure ignorance, puisque Zoroastre passe constamment pour l’instituteur de la religion des mages, & qu’on ne peut sans impiété, faire un parallele de deux imposteurs tels que Zoroastre & Manomet, avec deux législateurs aussi divins que Moïse & J. C. on ne voit pas pourquoi la mission de J. C. ne supposeroit pas celle de Moïse, ou pourquoi celle-ci ne supposeroit pas une révélation faite à Abraham. Y a-t-il de l’absurdité à ce que Dieu manifeste par degrés aux hommes les vérités qu’il leur juge nécessaires ? Est-il indigne de sa sagesse & de sa bonté qu’il leur fasse des promesses dans un tems, & qu’il se réserve d’autres momens pour les accomplir ?

Toute révélation généralement est fondée sur ce que Dieu veut que l’homme connoisse ce qui le concerne plus particulierement, comme la nature de Dieu & ses mysteres, la dispensation de ses graces, &c. objets auxquels les facultés naturelles qu’il a plu à Dieu de donner à l’homme, ne peuvent atteindre par leurs propres forces ; elle a aussi pour but d’exiger de la part de l’homme, un culte plus particulier que celui qu’il rend à Dieu à titre de créateur & de conservateur, & de lui prescrire les lois & les cérémonies de ce culte, afin qu’il soit agréable aux yeux de la divinité.

Les révélations particulieres ont leur dessein & leur but caractéristique. Ainsi celles de Moïse & des prophetes de l’ancienne loi, regardoient particulierement les Israélites, considérés comme descendans d’Abraham. Le dessein de ces révélations semble avoir été de retirer ce peuple de son esclavage ; de lui donner un nouveau pays, de nouvelles lois, de nouvelles coutumes ; de fixer son culte ; de lui faire affronter hardiment toutes sortes de dangers, & braver tous ses ennemis, en lui imprimant fortement dans l’esprit qu’il étoit protégé & gouverné directement par la divinité même ; de l’empêcher de se mêler par des alliances avec les peuples voisins, sur l’opinion qu’il étoit un peuple saint, privilégié, chéri de Dieu, & que le Messie devoit naître au milieu de lui ; enfin, de lui laisser une idée de rétablissement, au cas qu’il vint à être opprimé, par l’attente d’un libérateur. C’est à quelques-unes de ces fins que toutes les prophéties de l’ancien Testament semblent tendre. Mais ajoutons qu’elles eussent été insuffisantes pour captiver un peuple aussi opiniâtre que les Hébreux, si ces révélations n’eussent été soutenues par des caracteres véritablement divins, le miracle & la prophétie.

La révélation chrétienne est fondée sur une partie de celle des Juifs. Le Messie est prédit & promis chez ces derniers ; il est manifesté & accordé chez les Chrétiens. Tout le reste des révélations qui regardent directement le peuple juif n’a plus lieu dans la loi nouvelle, à l’exception de ce qui concerne la Morale. Nous ne nous servons d’ailleurs que de la partie

de cette ancienne révélation qui regarde le monde en général, & dans laquelle il est parlé de la venue du Messie.

Les Juifs s’attribuoient directement l’accomplissement de cette partie de leur révélation, pensant en être plus particulierement les objets que le reste du monde ; que c’étoit à eux exclusivement que le Messie étoit promis ; qu’il devoit être leur libérateur & le restaurateur de leur nation. Mais une nouvelle révélation est substituée à l’ancienne, tout change de face ; cette partie de l’ancienne étoit, comme il est démontré, toute allégorique & toute symbolique ; les prophéties qui y avoient rapport ne devoient point être prises à la lettre. Elles présentoient un sens charnel & grossier ; elles en cachoient un autre spirituel & sublime. Le Messie ne devoit pas être le restaurateur de la liberté & de la puissance temporelle des Juifs, qui étoient alors sous la domination des Romains ; mais il devoit rétablir & délivrer le monde qui avoit perdu toute justice, & s’étoit rendu l’esclave du péché. Il devoit prêcher la pénitence & la rémission des crimes ; & à la fin souffrir la mort, afin que tous ceux qui croiroient en lui fussent délivrés de l’esclavage de la mort & du péché, & qu’ils obtinssent la vie éternelle qu’il étoit venu leur acquérir par son sang.

Telle a été la teneur & le dessein de la révélation chrétienne, dont l’événement a été si différent & si éloigné de celui que se figuroit le peuple auquel le Messie avoit été promis en premier lieu ; en sorte qu’au lieu de rétablir & de confirmer les autres branches de leur révélation, elle les a au contraire détruites & renversées. L’avantage d’être enfant d’Abraham a cessé d’en être un particulier & propre aux Juifs ; tous les peuples de l’univers, sans distinction de juif ni de gentil, de grec ni de barbare, ayant été invités à jouir du même privilege. Et les Juifs refusant de reconnoître le Messie qui leur avoit été promis, comme incapables de voir que toutes les prophéties se trouvoient accomplies en lui, & que ces prophéties n’avoient qu’un sens allégorique & représentatif, ont été exclus des avantages de cette mission qui les regardoit particulierement ; & leur destruction totale est venue de la même cause d’où ils attendoient leur rédemption. Mais ce qu’ils ne sauroient se dissimuler, c’est que cette opiniâtreté même à rejetter le Messie, & cet aveuglement de leur part à n’interpréter les prophéties qui le concernent, que dans un sens littéral & charnel, & enfin leur ruine & leur dispersion ont été prédites. L’accomplissement de ces trois points devroit leur ouvrir les yeux sur le reste. C’est une preuve subsistante de la religion, & de la vérité de la révélation, attestée d’ailleurs suffisamment dans la loi nouvelle, comme dans l’ancienne, par les miracles & les prophéties de J. C. & de ses apôtres.

Ce double tableau suffit pour sentir l’utilité & la nécessité de la révélation, & pour voir d’un même coup-d’œil l’enchainement qui regne entre la révélation qui fait le fondement de la loi de Moïse, & celle qui sert de base à la religion de J. C.

Un auteur moderne qui a écrit sur la religion, définit la révélation, la connoissance de quelque doctrine que Dieu donne immédiatement, & par lui-même, à quelques-unes de ses créatures, pour la communiquer aux autres de sa part, & pour les en instruire.

Il ajoute que le terme de révélation pris à la rigueur, suppose dans celui qui la reçoit une ignorance absolue de ce qui en est l’objet. Mais que dans un sens moins restraint & plus étendu, il signifie la manifestation d’un point de doctrine, soit qu’on l’ignore, soit qu’on le connoisse parfaitement, soit qu’il soit simplement obscurci par les passions des hom-