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lequel desseche moins les humeurs, ainsi les sucs qui s’écoulent des vaisseaux excrétoires, & qui ne se dessechent pas après en être sortis, se rassemblent insensiblement, & prennent la forme de gouttes, qui sont le matin dans toute leur grosseur, à moins qu’elles ne soient dissipées par le vent, ou dessechées par la chaleur du soleil levant.

Comme ce sentiment est nouveau, le même physicien, que nous avons cité dans tout cet article, s’est attaché à le prouver par diverses expériences très exactes, qu’il rapporte §. 1533. de son essai de physique.

La rosée est saine ou nuisible aux animaux & aux plantes, selon qu’elle est composée de parties rondes ou tranchantes, douces ou âcres, salines ou acides, spiritueuses ou oléagineuses, corrosives ou terrestres ; c’est pour cela que les médecins attribuent à la rosée diverses maladies. Vossius, d’après Thomas Cantipratensis, dans son livre sur les abeilles, avertit les bergers de ne pas mener paître leurs troupeaux de grand matin dans les champs qui se trouvent couverts de rosée, parce que la rosée, qui est extrêmement subtile, s’insinue dans les viscères, qu’elle met le ventre en mouvement par sa chaleur, & qu’elle le purge avec tant de violence, que mort s’ensuit quelquefois. L’avis de Pline, liv. XVIII. c. xxix. ne paroît pas bien fondé ; il veut que pour empêcher la rosée d’être nuisible aux terres ensemencées, on mette le feu au bois, à la paille & aux herbes de la campagne ou des vignes, parce que cette fumée préviendra tout le mal qui pourroit arriver ; mais cette fumée ne sauroit produire aucun bon effet, si ce n’est dans les endroits où il y a des vapeurs & des exhalaisons acides, qui se trouvent alors tempérées par ce qu’il y a d’alkali dans la fumée. On dit que la rosée oléagineuse est fort mal-saine, sur-tout pour les bestiaux, & l’on a observé que l’année est fort stérile, lorsqu’il tombe beaucoup de cette rosée. On prétend que dans une certaine année, les noyers en moururent en Dauphiné, & que les feuilles des autres plantes en étoient comme brûlées, de même que le blé & la vigne ; mais on doit moins attribuer cette malignité à la rosée, qu’à la trop grande chaleur du soleil. Cet article est de M. Formey, qui l’a tiré des Essais de physique de M. Muschenbrock, déja cité plusieurs fois dans cet article.

Rosée, (Chimie & Médecine.) Les Chimistes ont long-tems supposé & cherché dans la rosée des principes merveilleux, des émanations précieuses de tous les regnes de la nature, & de la panspermie de l’atmosphere (voyez ), qu’ils ont crues éminemment propres à ouvrir certains corps, à les altérer diversement, à les imprégner, à les enrichir de qualités nouvelles, &c. C’est dans ces vues que les Chimistes l’ont recueillie avec soin, & quelquefois même avec des circonstances mystérieuses ; qu’ils l’ont digérée, distillée, fermentée, &c. & qu’ils l’ont ensuite employée à diverses extractions, teintures, &c. qu’ils ont exposé divers corps à son influence, &c. C’est de-là qu’est venue à la chimie pharmaceutique la méthode de préparer le safran de Mars à la rosée, & même à la rosée de Mai, sotise exigée encore avec cette derniere circonstance chez beaucoup de pharmacologistes modernes.

L’action de la rosée bien évaluée dans ces diverses opérations & dans ses usages pour quelques arts, comme pour le blanchissage de la toile & celui de la cire, a prouvé évidemment aux chimistes modernes que la rosée n’opéroit dans tous ces cas que comme eau ; & que toutes les différences qu’on pouvoit observer entre les effets de l’eau commune & ceux de la rosée, s’expliquoient très-bien par la diverse forme d’application, savoir en ce que l’eau commune s’employoit ordinairement sous la forme de masse ou de volume considérable, long-tems subsis-

tant sur les corps auxquels on l’appliquoit, & que la

rosée ne s’appliquoit à ces corps que sous la forme de gouttes, de molécules disgrégées, ou tout au plus de couche très-légere, & qui se dissipoit facilement, & donnoit lieu par-là à de fréquentes altérations de madéfaction & de dessication.

La rosée & le serein qui en est une espece qu’on a caractérisée par des différences imaginaires (voyez Serein), considérés comme chose non-naturelle, c’est-à-dire comme objet externe, exerçant une influence sur le corps animal, n’agissent encore que comme eau ou comme humidité, tout au plus comme humidité froide.

La rosée doit être comptée parmi les objets extérieurs dont les effets sont le plus nuisibles aux corps foibles & non accoutumés à son action. Ceux qui sont sujets aux rhumes, à la toux, aux maladies de poitrine, aux ophtalmies, aux douleurs des membres, & aux coliques, doivent sur-tout éviter très soigneusement de s’y exposer. (b)

Rosée, (Critique sacrée.) ros ; ce mot outre le sens propre, se prend dans l’Ecriture pour la manne ; le matin il tomba une rosée, ros, tout-autour du camp, Exod. xvj. 13. c’étoit la manne même qu’on recueillit aux environs du camp. Voyez Manne.

Comme la Palestine étoit un pays fort chaud, & que la rosée y étoit abondante, ce mot désigne aussi quelquefois l’abondance, la quantité de quelque chose ; de-là cette comparaison ; telle que la nue de la rosée, tel est le jour d’une abondante moisson, Isaïe xviij. 4. Et ailleurs, nous l’accablerons par notre nombre, comme quand la rosée tombe sur la terre. II. Rois, xvij. 12. (D. J.)

Rosée, les maréchaux ferrans appellent ainsi le sang qui commence à paroître à la solle lorsqu’on la pare pour dessoler le cheval. Voyez Parer & Dessoler.

Rosée du soleil, (Botan.) Tournefort a établi dans ce genre de plante dix-sept especes, dont il nomme la principale, ros solis folio oblongo, en anglois, the common round-leav’d sundew.

Sa racine est fibrée & déliée comme des cheveux. Elle pousse plusieurs queues longues, menues, & velues en-dessus, auxquelles sont attachées de petites feuilles presque rondes, concaves en maniere de cure oreille, d’un verd pâle, garnies d’une frange de poils rougeâtres fistuleux, d’où transudent quelques gouttelettes de liqueur dans les cavités des feuilles ; de-sorte que ces feuilles & leurs poils sont toujours mouillés d’une espece de rosée.

Il s’éleve d’entre ces feuilles deux ou trois tiges presqu’à la hauteur d’un demi-pié, grêles, rondes, rougeâtres, tendres, dénuées de feuilles ; elles portent à leur sommet de petites fleurs à plusieurs pétales, disposées en rose, blanchâtres, panchées du même côté, soutenues par des calices formés en cornet, dentelés, & attaches à des pédicules forts courts. Lorsque ces fleurs sont passées, il leur succede des petits fruits qui ont à-peu-près la grosseur & la figure d’un grain de blé, & qui contiennent plusieurs semences oblongues ou rondelettes.

Cette plante fleurit en Juin & Juillet, & vient en des lieux déserts & sablonneux, rudes, humides, & le plus souvent entre les mousses ; elle est visqueuse au tact, de-sorte qu’en la touchant sa liqueur gluante se tire comme en petits filamens soyeux & blanchâtres, qui prennent dans le moment une certaine consistance.

Cette plante est estimée pectorale, adoucissante, & bonne dans la toux seche invétérée. (D. J.)

ROSELAIN ou ROSCLYN, (Géog. mod.) lieu de la Phénicie, aux environs de Tyr, à 24 milles de Sidon ; il est remarquable par des citernes, que l’on nomme les citernes de Salomon, mais qui n’ont été