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viendra jamais couleur de feu, si on n’y ajoute pas le jaune.

Cependant les Teinturiers distinguent sept sortes de rouge dans le grand teint ; savoir, 1°. l’écarlate des Gobelins ; 2°. le rouge cramoisi ; 3°. le rouge de garance ; 4°. le rouge de demi-graine ; 5°. le rouge demi-cramoisi ; 6°. le nacarat de bourre ; 7°. l’écarlate façon de Hollande. Le vermillon, la cochenille & la garance sont les drogues principales qui produisent ces diverses especes de rouge.

L’écarlate des Gobelins se fait avec de l’agaric, des eaux sûres, du pastel & de la graine d’écarlate ou de vermillon. Quelques Teinturiers y ajoutent de la cochenille. Le rouge cramoisi se fait avec les eaux sûres, le tartre & la fine cochenille. Le rouge de garance se fait avec la garance de Flandre. Le rouge de mi-graine se fait avec les eaux sûres, l’agaric, moitié graine d’écarlate & moitié garance. Le demi-cramoisi se fait avec moitié garance & moitié cochenille. Le nacarat de bourre exige que l’étoffe soit auparavant mise en jaune ; ensuite le nacarat se fait avec le bain de la bourre qui a été ébrouée sur un bouillon avec des cendres gravelées. L’écarlate façon d’Hollande se fait avec la cochenille, le tartre & l’amidon, après avoir bouilli avec de l’alun, du tartre, du sel gemme & de l’eau-forte où l’étain a été dissous ; mais cette couleur, quoique des plus éclatantes, se rose & se tache aisément.

Entre ces sortes de rouges, il n’y en a que trois qui ayent des nuances ; savoir le rouge cramoisi, le nacarat de bourre, & l’écarlate de Hollande.

Les nuances du rouge de garance sont couleur de chair, peau d’oignon, fiamette, ginjolin. Celles du cramoisi sont fleur de pommier, couleur de chair, fleur de pêcher, couleur de rose incarnadin, incarnat-rose, incarnat & rouge cramoisi. Les nuances de la bourre sont les mêmes que celles du rouge cramoisi. L’écarlate, outre celles du cramoisi & de la bourre, a encore pour nuances particulieres la couleur de cerise, le nacarat, le ponceau, & la couleur de feu.

Quant au rouge de Brésil, c’est une fausse teinture que n’employent point les Teinturiers du bon teint. Savary. Hellot. (D. J.)

Rouge d’Angleterre, chez les Vergettiers, est une espece de peau de couleur rouge qu’on tire d’Angleterre, & dont ils se servent pour couvrir le dos ou la poignée des brosses. On n’en emploie presque plus, parce qu’on en fait à Paris de meilleur.

Rouge, (Art de la Verrerie.) Néri a décrit la maniere de donner au verre un rouge transparent ; & comme son procédé réussit, je vais le transcrire. Prenez, dit-il, de la magnésie de Piémont réduite en une poudre impalpable ; mêlez-la à quantité égale de nitre purifié ; mettez ce mélange à calciner au feu de reverbere pendant vingt-quatre heures ; ôtez-le ensuite ; édulcorez-le dans de l’eau chaude, & faites-le secher, après en avoir séparé le sel par les lotions : cette matiere sera d’une couleur rouge : ajoutez-y une quantité égale de sel ammoniac ; humectez le tout avec du vinaigre distillé ; broyez-le sur le porphyre, & le faites sécher. Mettez ensuite ce mélange dans une cornue qui ait un gros ventre & un long col, & donnez pendant douze heures un feu de sable & de sublimation ; rompez alors la cornue ; mêlez ce qui sera sublimé, & ce qui sera resté au fond de la cornue ; pesez la matiere & ajoutez-y, de sel ammoniac, le poids qui en est parti par la sublimation ; broyez le tout comme auparavant : après l’avoir imbibé de vinaigre distillé, remettez-le à sublimer dans une cornue de la même espece ; réiterez la même chose, jusqu’à ce que la magnésie demeure fondue au fond de la cornue.

Cette composition donne au crystal & aux pâtes un rouge transparent semblable à celui du rubis ; on en met vingt onces sur une de crystal ou de verre ; on peut cependant augmenter ou diminuer la dose selon que la couleur semblera l’exiger.

Le même Neri indique les procédés pour donner au verre la couleur d’un rouge-sanguin, & celle de rubis-balais ; mais il seroit trop long d’entrer dans ces détails. (D. J.)

Rouge, (Gloss. franç.) L’usage de l’écarlate affecté aux plus éminens personnages, tant dans la guerre que dans les lettres ; le privilege de porter la couleur rouge, reservé aux chevaliers & aux docteurs, introduisit probablement dans notre langue, le mot rouge, pour fier, hautain, arrogane ; surtout lorsqu’on vit Artérella, chef des Gaulois révoltés & victorieux, se revêtir de sanguines-robes & d’écarlate. Dans l’ouvrage en vers intitulé, l’Amant rendu cordelier, on lit, les plus rouges y sont pris, pour dire les plus glorieux ; Brantome s’est encore servi de ce mot dans le même sens, en parlant de l’affaire des Suisses à Novarre contre M. de la Freinville, qui fut un grand exploit & un grand heur de guerre, dont ils vinrent si rouges & si insolens, qu’ils méprisoient toutes nations, & pensoient battre tout le monde. Cette acception du mot rouge en a formé une autre par une legere transposition de lettres ; rogue au-lieu de rouge, est mis pour arrogance, vanité, insolence. Sainte-Palaye. (D. J.)

Rouge mer, grand golfe de l’Océan qui sépare l’Egypte & une partie de l’Afrique de l’Arabie.

« A l’extrémité de la mer Rouge, est cette fameuse langue de terre qu’on appelle l’isthme de Suez, qui fait une barriere aux eaux de la mer Rouge, & empêche la communication de la Méditerranée avec l’Océan. On peut croire que la mer Rouge est plus élevée que la Méditerranée ; & que si on coupoit l’isthme de Suez, il pourroit s’en suivre une inondation & une augmentation de la Méditerranée. Quand même on ne voudroit pas convenir que la mer Rouge fût plus élevée que la Méditerranée, on ne pourra pas nier qu’il n’y ait aucun flux & reflux dans cette partie de la Méditerranée voisine des bouches du Nil ; & qu’au contraire il y a dans la mer Rouge un flux & reflux très-considérable, & qui éleve les eaux de plusieurs piés, ce qui seul suffiroit pour faire passer une grande quantité d’eau dans la Méditerranée, si l’isthme étoit rompu. D’ailleurs, nous avons un exemple cité à ce sujet par Varenius, qui prouve que les mers ne sont pas également élevées dans toutes leurs parties. Voici ce qu’il en dit, p. 100 de sa géographie. Oceanus germanicus, qui est Atlantici pars, inter Frisiam & Hollandiam se effundens, efficit sinum qui, etsi respectu celebrium sinuum maris, tamen & ipse dicitur mare, alluitque Hollandiæ emporium celeberrimum, Amstelodamum. Non procul indè abest lacus harlemensis, qui etiam mare harlemense dicitur. Hujus altitudo non est minor altitudine sinûs illius belgici, quem diximus, & mittit ramum ad urbem Leidam, ubi in varias fossas divaricatur. Quoniam itaque nec lacus hic, neque sinus ille hollandici maris inundant adjacentes agros (de naturali constitutione loquor, non ubi tempestatibus urgentur, propter quas aggeres facti sunt) patet indè quòd non sint altiores quàm agri Hollandiæ. At verò Oceanum germanicum esse altiorem quàm terras hasce experti sunt Leidenses, cùm suscepissent fossam seu alveum ex urbe sua ad Oceani germanici littora prope Cattorum vicum perducere (distantia est duorum milliarium) ut, recepto per alveum hunc mari, possent navigationem instituere in Oceanum germanicum, & hinc in varias terræ regiones. Verùm enim verò cùm magnam jam alvei partem perfecissent, desistere coacti sunt, quoniam