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port aux mêmes vues, l’usage en est légitime dans le langage grammatical.

III. On distingue encore des propositions absolues & des propositions relatives : « lorsqu’une proposition est telle, que l’esprit n’a besoin que des mots qui y sont énoncés pour en entendre le sens, nous disons que c’est-là une proposition absolue ou complete. Quand le sens d’une proposition met l’esprit dans la situation d’exiger ou de supposer le sens d’une autre proposition, nous disons que ces propositions sont relatives ». C’est ainsi que parle M. du Marsais (article Construction) ; sur quoi l’on me permettra quelques observations.

1°. Si quand on n’a besoin que des mots qui sont énoncés dans une proposition pour en entendre le sens, il faut dire qu’elle est absolue : il faut dire au contraire qu’elle est relative, lorsque, pour en entendre le sens, on a besoin d’autres mots que de ceux qui y sont énoncés : d’où il suit que quand Ovide a dit, quæ tibi est facundia, conser in illud ut doceas ; il a fait une proposition incidente qui est absolue, puisque l’on entend le sens de quæ tibi est facundia, sans qu’il soit nécessaire d’y rien ajoûter ; & le paucis te volo de Térence, est une proposition relative, puisqu’on ne peut en entendre le sens, si l’on n’y ajoûte le verbe alloqui, & la préposition in ou cùm, avec le nom verbis ; volo alloqui te in paucis verbis, ou cùm paucis verbis. Cependant l’intention de M. du Marsais étoit au contraire de faire entendre que quæ tibi est facundia, est une proposition relative, puisque le sens en est tel, qu’il met l’esprit dans la situation d’exiger le sens d’une autre proposition ; & que paucis te volo, est une proposition absolue, puisque le sens en est entendu indépendamment de toute autre proposition, & que l’esprit n’exige rien au-delà pour la plénitude du sens de celle-ci.

La définition que donne ce grammairien de la proposition absolue, n’est donc pas exacte, puisqu’elle ne s’accorde pas avec celle qu’il donne ensuite de la proposition relative, & qu’elle peut faire prendre les choses à contre-sens. Comme une proposition relative est celle dont le sens exige ou suppose le sens d’une autre proposition ; il falloit dire qu’une proposition absolue est celle dont le sens n’exige ni ne suppose le sens d’aucune autre proposition.

2°. Comme une proposition ne peut être relative, de la maniere qu’on l’entend ici, qu’autant qu’elle est partielle dans une autre proposition plus étendue ; & qu’il a été prouvé (, article 1. n. 2.) que toute proposition partielle est incidente dans la principale : il suffit de désigner par le nom d’incidentes, les propositions qu’on appelle ici relatives, d’autant plus que la grammaire n’a rien à régler sur ce qui les concerne, que parce qu’elles sont partielles ou incidentes. (Voyez Incidente.) Ce seroit d’ailleurs établir la tautologie dans le langage grammatical, puisque le mot relatif ne seroit pas employé ici dans le même sens qu’on l’a vu ci-devant.

3°. Chez les Logiciens, qui envisagent les propositions sous un autre point de vue que les Grammairiens, mais qui se méprennent en cela, si moi-même je ne me trompe, appellent propositions relatives, celles qui renferment quelque comparaison & quelque rapport : comme, où est le trésor, là est le cœur ; telle est la vie, telle est la mort ; tanti es, quantum habeas. Ce sont la définition & les exemples de l’art de penser. Part. II. ch. ix.

Il y a encore ici un abus du mot : ces propositions devroient plutôt être appellées comparatives, s’il étoit nécessaire de les caractériser si précisément : mais comme on peut généraliser assez les principes de la Grammaire, pour épargner dans le didactique de cette science des détails trop minutieux ou superflus ; la Logique peut également se contenter de quelques

points de vue généraux qui suffiront pour embrasser tous les objets soumis à sa jurisdiction.

IV. Le principal usage que font les Grammairiens du terme relatif, est pour désigner individuellement l’adjectif conjonctif qui, que, lequel, en latin qui, quæ, quod : c’est, dit-on unanimement, un pronom relatif.

« Ce pronom relatif, dit la Grammaire générale, (Part. II. ch. ix.) a quelque chose de commun avec les autres pronoms, & quelque chose de propre.

Ce qu’il a de commun, est qu’il se met au lieu du nom, & plus généralement même que tous les autres pronoms, se mettant pour toutes les personnes. Moi qui suis chrétien ; vous qui êtes chrétien ; lui qui est roi.

Ce qu’il a de propre peut être considéré en deux manieres.

La premiere, en ce qu’il a toujours rapport à un autre nom ou pronom qu’on appelle antécédent, comme : Dieu qui est saint. Dieu est l’antécédent du relatif qui. Mais cet antécédent est quelquefois sous-entendu & non exprimé, sur-tout dans la langue latine, comme on l’a fait voir dans la nouvelle méthode pour cette langue.

La seconde chose que le relatif a de propre, & que je ne sache point avoir encore été remarquée par personne, est que la proposition dans laquelle il entre (qu’on peut appeller incidente), peut faire partie du sujet ou de l’attribut d’une autre proposition, qu’on peut appeller principale ».

1°. J’avance hardiment, contre ce que l’on vient de lire, que qui, quæ, quod (pour m’en tenir au latin seul par économie), n’est pas un pronom, & n’a avec les pronoms rien de commun avec ce qui constitue la nature de cette partie d’oraison.

Je crois avoir bien établi (article Pronom), que les pronoms sont des mots qui présentent à l’esprit des êtres déterminés par l’idée précise d’une relation personnelle à l’acte de la parole : or qui, quæ, quod, renferme si peu dans sa signification l’idée précise d’une relation personnelle, que de l’aveu même de M. Lancelot, & apparemment de l’aveu de tous les Grammairiens, il se met pour toutes les personnes : d’ailleurs ce mot ne présente à l’esprit aucun être déterminé par la nature, puisqu’il reçoit différentes terminaisons génériques, pour prendre dans l’occasion celle qui convient au genre & à la nature de l’objet au nom duquel on l’applique. Je le demande donc : à quels caracteres pourra-t-on montrer que c’est un pronom ?

C’est, dit-on, qu’il se met au lieu du nom : mais au lieu de quel nom est-il mis dans l’exemple d’Ovide, que j’ai déja cité : quæ tibi est facundia, confer in illud ut doceas ? Il accompagne ici le nom même facundia, avec lequel il s’accorde en genre, en nombre & en cas : il n’est donc pas mis au lieu de facun dia, mais avec facundia. Cicéron le regardoit-il, ou du-moins le traitoit-il en pronom, lorsqu’il disoit (pro leg. man.)  : bellum tantum, quo bello omnes premebantur, Pompeius confecit ? On voit encore ici quo avec bello, & non pas au lieu de bello.

Je sais qu’on me citera mille autres exemples, où ce mot est employé seul & sans être accompagné d’un nom ; parce que ce nom, dit le même auteur (Méth. lat. Synt. regl. 2.), est assez exprimé par le relatif même qui tient toujours sa place, & le représente, comme : cognosces ex iis litteris quas liberto tuo dedi. Mais cet écrivain convient sur le champ que cela est dit pour ex litteris, quas litteras. Si donc on peut dire que quas tient ici la place de litteras, & qu’il le représente ; c’est comme avarus tient la place d’homo, & le représente dans cette phrase : semper avarus eget, (l’avare est toujours dans la disette).