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dans la Commagene, dont elle fut la capitale, aux confins de la grande Armenie, & peu loin de la Mésopotamie.

Pline, l. V. c. xxiv. dit, Samosate capitale de la Commagene. Cette ville étoit en effet la résidence d’Antiochus, à qui Pompée avoit accordé la Commagene, dont ses successeurs jouirent jusqu’à Tibere qui la réduisit en province romaine. Caligula & Claudius la rendirent à ses rois, mais elle redevint province sous Vespasien.

Cette ville a dans quelques médailles le prénom de Flavia qu’avoient aussi d’autres villes de l’Orient. Une médaille d’Adrien porte, Φλα Ϲαμο. μητρο. κομ. c’est-à-dire, Flavia Samosata, Metropolis Commagenes. Une autre de Sévere, μητροπ. κομ. &c. Ainsi elle étoit métropole avant la nouvelle division des provinces ; car au tems de cette division, Hiérapolis devint nouvelle métropole de l’Euphratense, province qui répondoit à l’ancienne Commagene.

Quoique Samosate fût une ville épiscopale & même métropole pour le gouvernement civil, elle ne fut jamais métropole ecclésiastique, & son évêque fut toujours suffragant ou d’Hiérapolis ou d’Edesse.

Le tems de la fondation de Samosate est inconnu, suivant Strabon ; Artemidore, Eratosthene & Polybe en ont parlé comme d’une ville subsistante de leur tems. Nous connoissons des médailles de cette ville qui sont très-anciennes, d’un travail grossier, & dont les légendes se lisent difficilement à cause du renversement des lettres ; on y voit d’un côté le génie de la ville représenté par une femme couronnée de tours, assise sur des rochers, & tenant de la main droite une branche de palmier ou des épis, avec la légende Σαμοσα πόλεως. de la ville de Samosate ; le type du revers de ces médailles est un lion passant, qui étoit probablement le symbole distinctif de la ville. Ce type se voit sur plusieurs médailles du cabinet de M. Pellerin, dont quelques-unes donnent le nom de la ville Σαμοσατέων, & sont d’un travail moins grossier que les médailles plus anciennes.

Le type des anciennes médailles de Samosate, le lion passant, se voit sur une autre médaille du cabinet de M. Pellerin au revers de la tête d’un roi qui porte une tiare haute, semblable à celle qu’on voit sur quelques médailles de Tigrane, roi d’Arménie : au revers on lit au-dessus du lion Βασιλέως, au-dessous Ἀντιόχου, du roi Antiochus. Cette tête ne ressemble à aucune des têtes des rois Antiochus qui ont regné en Syrie, ni des Antiochus rois de Commagene. Cette médaille ayant été frappée à Samosate, il y a lieu d’inférer que ce roi Antiochus étoit prince d’une dynastie établie en cette ville, différente de la dynastie des Séleucides qui regnerent dans la Syrie, & ensuite dans la Commagene.

M. l’abbé Belley nous donne, dans les Mémoires de l’académie des Inscriptions, l’explication d’une médaille frappée à Samosate, où l’on voit d’un côté la tête du soleil couronné de rayons, & au revers une victoire passante, tenant de la main droite une couronne de lauriers, & de l’autre une palme, avec cette inscription : Βασιλέως Σάμου θεοσεβοῦς καὶ δικαίου, & à l’exergue ΓΛ. Par la lecture de cette médaille, M. l’abbé Belley suppose qu’entre les princes que l’histoire nous apprend s’être soulevés contre Antiochus III. dit le grand, roi de Syrie, il y en eut un nommé Samos qui s’établit dans la Commagene qui y prit le titre de roi, qui y bâtit une grande ville, laquelle en devint la capitale, parce qu’il y fixa son séjour ; que de son nom elle fut appellée Samosate, & que la médaille en question y a été frappée la trente-troisieme année de son regne, ou de l’établissement de cette nouvelle dynastie.

Mais cette supposition qui dément absolument ce que l’histoire nous apprend de la succession des rois

de Commagene est entierement détruite dans un mémoire que M. de Boze a fait en conséquence de celui de M. l’abbé Belley ; & cet académicien prouve que tout concourt à persuader que le Samos de la médaille n’est autre que le Σόαιμος, roi d’Emese, dont Joseph & Dion font mention, & qui prêta la main à Césennius Pétus lors de l’expulsion d’Antiochus IV. du nom, dernier roi de Commagene.

Le nom moderne du lieu qui a pris la place de Samosate est Scempsat ; mais il n’y a plus de ville, ce ne sont que des ruines.

Lucien, littérateur grec plein d’esprit, naquit à Samosate de parens obscurs, sous le regne de Trajan. Son pere en voulut faire un sculpteur, mais ayant été maltraité pour avoir rompu une table en la polissant, il quitta la sculpture, & devint un homme supérieur dans les belles-lettres ; il mourut fort âgé sous le regne de Marc Aurele. Il a su réunir dans ses écrits l’utile & l’agréable, l’instruction à la satyre & l’érudition à l’éloquence. On y trouve par-tout ces railleries fines & délicates qui caractérisent le goût attique. Il jette tant de ridicule sur la théologie du paganisme, qu’il a dû passer pour le plus grand impie de son siecle ; cependant en se moquant des faux dieux, il inspire par-tout du mépris pour le vice. Ses ouvrages ont été publiés en grec & en latin par M. Bourdelot à Paris en 1615, in-fol. & M. d’Ablancourt en a donné une traduction françoise. (Le chevalier de Jaucourt.)

SAMOSATIENS ou SAMOSATÉNIENS, s. m. plur. (Hist. ecclés.) secte d’Antitrinitaires qui parurent dans le troisieme siecle, & prirent ce nom de leur chef Paul, évêque d’Antioche, & natif de Samosate, qui vivoit sous les empereurs Aurélien & Probus.

On les appelloit aussi Pauliniens ou Paulianisans, ainsi que les nomment les peres du concile de Nicée Παυλιανίσαντες.

La doctrine de Paul de Samosate rouloit principalement sur ce fondement, que le fils de Dieu n’étoit point avant Marie ; mais qu’il tenoit d’elle le commencement de son être, & que d’homme il étoit devenu Dieu. Pour le prouver, il usoit de ce sophisme. Si Jesus-Christ n’est pas devenu Dieu, d’homme qu’il étoit, il n’est donc pas consubstantiel au pere, & il faut de nécessité qu’il y ait trois substances : une principale, & les deux autres qui viennent de celle-là. Pour répondre à ce sophisme, les peres du concile d’Antioche dirent que Jésus-Christ n’étoit pas consubstantiel au pere ; prenant le mot consubstantiel au sens de Paul, c’est-à-dire, corporellement. Mais ils ne prirent pas ce terme dans sa signification exacte. Ils s’attacherent seulement à montrer que le fils étoit avant toutes choses ; qu’il n’avoit pas été fait Dieu d’entre les hommes, mais qu’étant Dieu il s’étoit revêtu de la forme d’esclave ; & qu’étant Verbe, il s’étoit fait chair. Fleury, Hist. ecclés. tome II. liv. viij. n°. 1.

Les Samosatiens renouvelloient par conséquent les erreurs d’Artemonius, & ils s’accordoient aussi en plusieurs points avec Sabellius, quoiqu’ils ne s’expliquassent pas de la même maniere. Ils enseignoient bien que le Pere, le Fils & le saint-Esprit étoient un seul Dieu ; mais ils nioient que le Fils & le saint-Esprit fussent des substances réelles. Selon eux, ces personnes divines subsistoient dans le pere, comme le nom d’homme subsiste dans son entendement.

Saint Epiphane croit que les Samosatiens étoient des Juifs qui n’avoient que le nom de Chrétiens, & ajoute qu’ils se servoient des mêmes argumens que les premiers contre le mystere de la Trinité, & qu’ils s’accordoient avec eux en maintenant l’unité d’un Dieu, sans cependant observer les cérémonies