Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 14.djvu/613

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fermé dans le corps ; car lorsqu’il a roulé un certain tems dans ses vaisseaux, il change de nature ; ses globules sont fouettés continuellement par les vaisseaux, qui étant aidés de l’action de la chaleur qui survient, divisent les parties du sang, & les réduisent enfin en une sérosité, laquelle se filtre par les couloirs des visceres, ou s’exhale par les pores des poumons & de la peau.

La cause de cette rougeur a fait former bien des systèmes ; celle qui a été reçue le plus généralement est le mélange du nitre de l’air avec le sang dans les poumons ; quelques expériences chimiques paroissent confirmer cette idée. Mais 1°. avec des sels alkalis on donne de la rougeur au lait : quelle raison aura-t-on donc d’attribuer la couleur du sang au nitre plûtôt qu’à des sels alkalis ? l’on peut dire avec autant de vraissemblance qu’un sel lixiviel sorti de la terre ou mêlé avec les alimens, produit la couleur rouge, quand il vient à s’alkaliser par la chaleur du corps : d’ailleurs ne pourra-t-on pas trouver dans l’air quelque miniere de sel alkali, de même qu’on y trouve du nitre ? 2°. on ne sauroit prouver qu’il y ait du nitre dans l’air ; du-moins n’est-il pas concevable qu’il se trouve dans ce fluide une si grande quantité de ce sel.

Je ne parlerai pas ici de ceux qui ont autrefois attribué au foie la rougeur de sang ; on sait que Bartholin l’a dépouillé de cette faculté ; mais je crois qu’on peut lui rendre en partie les fonctions qu’on lui a refusées : il n’est pas prouvé que le chyle ne passe pas des veines mésentériques dans le foie ; au contraire, nous savons que cela arrive dans les oiseaux : des expériences mêmes semblent prouver que la même chose se trouve dans l’homme.

Mais comment est-ce que les globules unis peuvent prendre la couleur rouge par cette union précisément ? On a dit que les couleurs consistoient dans les modifications de la lumiere ; mais par des expériences réitérées, on s’est convaincu que les couleurs étoient particulieres à certains rayons de lumiere.

Les globules dans les gros vaisseaux teignent en rouge toutes les liqueurs qui s’y trouvent ; il ne faut pas pour cela qu’ils soient en une quantité extraordinaire ; on voit qu’il ne faut que peu de vin rouge pour teindre un grand verre d’eau.

La petite quantité des globules rouges fait que les extrémités capillaires des arteres ne sont pas colorées ; car comme ces globules ne peuvent passer que l’un après l’autre dans les filieres, il s’ensuit que pour un globule rouge il y aura une grande quantité d’eau & de limphe, & par là la couleur rouge doit se trouver absorbée ; de plus, ces petits globules se trouvant comprimés, leur figure doit changer, ainsi la couleur doit souffrir quelque changement ; aussi a-t-on remarqué que les globules en passant par les extrémités artérielles, s’applatissent & prennent une couleur jaunâtre ; on apperçoit de petits globules blancs & diaphanes, qui ne sont autre chose que les parties huileuses de la limphe, qui n’ont encore ni assez de mouvement, ni assez de pression pour changer de couleur.

La rougeur du sang est-elle absolument nécessaire ? On trouve des insectes qui n’ont dans leurs vaisseaux qu’une liqueur blanchâtre & diaphane ; avec ce fluide ils vivent, ils font tous les mouvemens dont leurs petits muscles sont capables.

Le sang n’a pas la même couleur dans tous ses vaisseaux : si l’on ouvre un chien d’abord après qu’il a mangé, on verra qu’il se trouve dans les arteres pulmonaires une matiere blanchâtre mêlée avec le sang ; mais dans les veines le sang est plus rouge ; cela s’ensuit évidemment de ce que nous avons dit. La rougeur du sang dépend de la cohésion des globules du chyle ; ces globules, par la pression qu’ils ont soufferte, ont

été unis dans les arteres capillaires ; il est donc nécessaire que le sang soit plus rouge dans la veine pulmonaire que dans l’artere.

Il y a encore une autre différence de couleur dans le sang qui se trouve en divers vaisseaux ; le sang artériel est fort rouge, mais le sang veineux est noirâtre ; cela s’ensuit de même de ce que nous avons établi. La rougeur du sang dépend du mouvement qui se trouvant moins fort dans les veines, doit aussi produire moins d’effet ; mais il y a une raison qui prouve mieux que cette différence doit arriver : c’est que le sang artériel est rempli de lymphe, au lieu que le sang veineux en est privé ; par conséquent les globules rouges se trouvent en plus grande quantité à proportion dans les veines, & le sang doit y paroître d’une rougeur plus foncée & approchante du noir.

Quand on tire du sang des veines & des arteres du même animal, on y remarque une différence : le sang des arteres a à-peu-près la même couleur dans sa surface & dans le fond ; mais le sang veineux est fort noirâtre au fond ; je suppose au reste que l’on mette ce sang dans un vaisseau un peu profond : la différence de couleur ne vient que de ce que le sang artériel est beaucoup plus raréfié & plus mêlé que le sang veineux ; le mouvement qui se trouve dans les arteres & qui manque dans les veines, doit nécessairement produire cet effet.

Outre la partie rouge dont nous venons de parler, y a-t-il dans le sang des parties fibreuses ? Il s’est trouvé des anatomistes qui avec raison, ont nié l’existence de ces parties ; mais il s’est trouvé des physiciens qui leur ont fait divers réponses pour prouver qu’il y avoit dans le sang de ces sortes de parties. Voyez M. Senac, ess. de Physiq.

Toutes ces matieres qui composent le sang sont agitées de deux mouvemens ; l’un est le mouvement de circulation dont nous avons parlé, & l’autre le mouvement intestin, c’est-à-dire le mouvement des parties sanguines en tout sens. Voyez Circulation.

Le mouvement intestin n’est point prouvé comme le mouvement circulaire, au contraire il souffre beaucoup de difficulté ; on ne nie pas que les parties qui composent le sang n’aient des mouvemens différens dans leurs vaisseaux ; leurs diverses réflexions, l’élasticité de l’air, l’action des vaisseaux ; tout cela doit imprimer divers mouvemens aux diverses parties qui composent le sang ; mais ce qu’on nie, c’est que le mouvement intestin soit essentiel à sa fluidité, c’est-à-dire que le sang ne soit fluide que parce que ses parties sont diversement agitées : une matiere peut être très-fluide quoique toutes ses parties soient dans un repos parfait ; il suffit seulement que ces parties puissent céder à la moindre impulsion ; or cela arrivera nécessairement dès qu’elles ne seront pas unies. Je crois qu’il n’y a personne qui puisse soutenir que la désunion ou la non-adhérence des parties de la matiere, ne puisse exister sans mouvement ; ce sentiment ne souffre pas tant de difficulté que l’autre, on s’épargne par-là la peine de chercher une cause de cette agitation, qu’on a cru trouver dans la matiere subtile, mais que rien ne sauroit prouver ; on ne peut concevoir dans ce fluide un mouvement continuel qui porte ces parties de tous côtés, la raison en est évidente ; car si l’on veut établir un mouvement en tous sens, il faut qu’on dise qu’il n’y a pas d’endroits vers lequel quelque partie de ce fluide ne se meuve ; or si cela est, il n’y aura point de partie en mouvement qui n’en trouve quelqu’une qui aura autant de force qu’elle dans son chemin ; elle ne pourra donc pas se mouvoir, ni par conséquent aucune des autres. Enfin nous nions qu’il y ait dans le sang un principe qui par lui-même donne la fluidité, laquelle ne dépend absolument que du mouvement des vaisseaux ; car les grumeaux qu’on voit dans les vaisseaux de la