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Ce qui opere dans les plantes les effets de la chaleur radicale dans les animaux, s’appelle ame végétative.

Ces qualités sur-ajoutées ou formes se distinguent par leurs effets.

Elles ne tombent pas toujours sous le sens. La raison les soupçonne.

La nature d’un corps animé, c’est le principe particulier de ce qu’il est, & de ce qui s’y opere.

L’essence même de l’esprit consiste dans quelque chose de sur ajouté à la notion de corporéité.

Il y a une forme générale & commune à tous les êtres dans laquelle ils conviennent, & d’où émanent une ou plusieurs actions ; outre cette forme commune & générale, un grand nombre ont une forme commune particuliere sur-ajoutée, d’où émanent une ou plusieurs actions particulieres à cette forme surajoutée. Outre cette premiere forme sur-ajoutée, un grand nombre de ceux auxquels elle est commune, en ont une seconde sur-ajoutée particuliere d’où émanent une ou plusieurs actions particulieres à cette seconde forme sur-ajoutée. Outre cette seconde forme sur-ajoutée, un grand nombre de ceux à qui elle est commune, en ont une troisieme particuliere sur-ajoutée d’où émane une ou plusieurs actions particulieres à cette troisieme forme sur-ajoutée, & ainsi de suite.

Ainsi les corps terrestres sont graves, & tombent. Entre les corps graves & qui tombent, il y en a qui se nourrissent & s’accroissent. Entre les corps graves & qui tombent, & qui se nourrissent & s’accroissent, il y en a qui sentent & se meuvent. Entre les corps graves & qui tombent, & qui se nourrissent & s’accroissent, & qui sentent & se meuvent, il y en a qui pensent.

Ainsi toute espece particuliere d’animaux a une propriété commune avec d’autres especes, & une propriété sur-ajoutée qui la distingue.

Les corps sensibles qui remplissent dans ce monde le lien de la génération & de la corruption, ont plus ou moins de qualités sur-ajoutées à celle de la corporéité, & la notion en est plus ou moins composée.

Plus les actions sont variées, plus la notion est composée, & plus il y a de qualités sur-ajoutées à la corporéité.

L’eau a peu d’actions propres à sa forme d’eau. Ainsi la notion ni la composition ne supposent pas beaucoup de qualités sur-ajoutées.

Il en est de même de la terre & du feu.

Il y a dans la terre des parties plus simples que d’autres.

L’air, l’eau, la terre, & le feu se convertissant les uns dans les autres, il faut qu’il y ait une qualité commune. C’est la corporéité.

Il faut que la corporéité n’ait par elle-même rien de ce qui caractérise chaque élement. Ainsi elle ne suppose ni pesanteur ni légéreté, ni chaleur ni froid, ni humidité ni sécheresse. Il n’y a aucune de ces qualités qui soit commune à tous les corps. Il n’y en a aucune qui soit du corps en tant que corps.

Si l’on cherche la forme sur-ajoutée à la corporéité qui soit commune à tous les êtres animés ou inanimés, on n’en trouvera point d’autre que l’étendue conçue sous les trois dimensions. Cette notion est donc du corps comme corps.

Il n’y a aucun corps dont l’existence se manifeste aux sens par la seule qualité d’étendue surajoutée à celle de corporéité ; il y en a une troisieme sur-ajoutée.

La notion de l’étendue suppose la notion d’un sujet de l’étendue : ainsi l’étendue & le corps different.

La notion du corps est composée de la notion de la corporéité & de la notion de l’étendue. La corporéité est de la matiere ; l’étendue est de la forme.

La corporéité est constante ; l’étendue est variable à l’infini.

Lorsque l’eau est dans l’état que sa forme exige, on y remarque un froid sensible, un penchant à descendre d’elle-même ; deux qualités qu’on ne peut lui ôter sans détruire le principe de sa forme, sans en séparer la cause de sa maniere d’être aqueuse ; autrement, des propriétés essentielles à une forme pourroient émaner d’une autre.

Tout ce qui est produit, suppose un produisant ; ainsi d’un effet existant, il existe une cause efficiente.

Qu’est-ce que l’essence d’un corps ? C’est une disposition d’où procedent ses actions, ou une aptitude à y produire ses mouvemens.

Les actions des corps ne sont pas d’elles-mêmes, mais de la cause efficiente qui a produit dans les corps les attributs qu’ils ont, & d’où ces actions émanent.

Le ciel & toutes les étoiles sont des corps qui ont longueur, largeur & profondeur. Ces corps ne peuvent être infinis ; car la notion d’un corps infini est absurde.

Les corps célestes sont finis par le côté qu’ils nous présentent ; nous avons là-dessus le témoignage de nos sens. Il est impossible que par le côté opposé, ils s’étendent à l’infini. Car soient deux lignes paralleles tirées des extrémités du corps, & s’enfonçant ou le suivant dans toute son extension à l’infini ; qu’on ôte à l’une de ces lignes une portion finie ; qu’on applique cette ligne moins cette portion coupée à la parallele qui est entiere, il arrivera de deux choses l’une ; ou qu’elles seront égales, ce qui est absurde, ou qu’elles seront inégales, ce qui est encore absurde ; à-moins qu’elles ne soient l’une & l’autre finies, & par conséquent le corps dont elles formoient deux côtés.

Les cieux se meuvent circulairement ; donc le ciel est sphérique.

La sphéricité du ciel est encore démontrée par l’égalité des dimensions des astres à leur lever, à leur midi & à leur coucher. Sans cette égalité, les astres seroient plus éloignés ou plus voisins dans un moment que dans un autre.

Les mouvemens célestes s’exécutent en plusieurs spheres contenues dans une sphere suprème qui les emporte toutes d’orient en occident dans l’intervalle d’un jour & d’une nuit.

Il faut considérer l’orbe céleste & tout ce qu’il contient, comme un système composé de parties unies les unes aux autres, de maniere que la terre, l’eau, l’air, les plantes, les animaux & le reste des corps renfermé sous la limite de cet orbe, forment une espece d’animal dont les astres sont les organes de la sensation, dont les spheres particulieres sont les membres, dont les excrémens sont cause de la génération & de la corruption dans ce grand animal, comme on le remarque quelquefois, que les excrémens des petits produisent d’autres animaux.

Le monde est-il éternel, ou ne l’est-il pas ? C’est une question qui a ses preuves également fortes pour & contre.

Mais, quel que soit le sentiment qu’on suive, on dira : si le monde n’est pas éternel, il a une cause efficiente : cette cause efficiente ne peut tomber sous le sens, être matérielle ; autrement elle seroit partie du monde. Elle n’a donc ni l’étendue & les autres propriétés du corps ; elle ne peut donc agir sur le monde. Si le monde est éternel, le mouvement est éternel ; il n’y a jamais eu de repos. Mais tout mouvement suppose une cause motrice hors de lui : donc la cause motrice du monde seroit hors de lui ; il y auroit donc quelque chose d’abstrait, d’antérieur au monde, d’incomparable, & d’anomal à toutes les parties qui le composent.