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large d’environ deux doigts, longue de huit à dix pouces, arrondie par les deux bouts, & moins épaisse sur les bords que dans le milieu. Outre que chaque page est numérotée en tête, & que le chiffre court en augmentant jusqu’à la fin du volume, il y a aussi au bas de chaque page des réclames, c’est-à-dire qu’on lit au bas de chaque page, immédiatement au-dessous du bout de la derniere ligne, le mot par où commence la page suivante, & ainsi successivement jusqu’à la fin du livre ; il s’en trouve cependant assez communément où il n’y a point de réclames. C’est aussi au bas des pages où se mettent les signatures ; ces signatures sont les lettres de l’alphabet mises par ordre ; on change de lettre à chaque cahier, & on repete la même lettre, non à la fin de chaque page, mais seulement de chaque feuillet au folio recto, & on y joint en chiffre, ordinairement romain, le nombre de feuillets, ce qui se continue ainsi jusqu’à la fin du cahier, ou seulement jusqu’à la moitié ; de sorte que dans ce dernier cas, l’endroit où finissent les signatures, forme juste la moitié du cahier, & indique le format des feuilles ; après quoi le cahier suivant se trouve signé de la lettre suivante. Quoique les chiffres qui sont en tête, les réclames & les signatures qui sont au bas soient plutôt du ressort de l’impression que de la relieure, nous n’avons cependant pu nous dispenser d’en parler dans cet article, vû qu’ils servent à diriger le pliage, & empêchent qu’on ne mette les cahiers hors de leur véritable rang. Lorsque toutes les feuilles sont pliées de la maniere que nous venons de le dire, celui ou celle qui les a pliées les rassemble en corps. & les collationne, en consultant les lettres qui sont au bas de chaque feuillet, afin d’éviter les transpositions. Les feuilles étant mises les unes sur les autres par ordre de signatures, se battent au marteau sur la pierre pour les presser & applatir, en sorte qu’elles tiennent moins de place à la relieure ; ce qui se fait en les divisant par battées, qui sont ordinairement de neuf à dix feuilles chaque pour l’in-octavo, & des autres formats plus ou moins à proportion. On a soin de tenir ses feuilles bien égales, en sorte que l’une n’excede l’autre ; on les pose ensuite sur la pierre à battre, qui est une pierre de liais bien polie & de niveau, en observant de mettre dessous les feuilles un papier qui garantisse de souillure la feuille qui toucheroit à la pierre : alors l’ouvrier tient ces feuilles d’une main, & de l’autre un marteau de fer pesant neuf, dix, même jusqu’à onze livres, selon la force du bras qui doit s’en servir, & frappe dessus ces feuilles en les tournant de tous côtés & en tous sens, afin que toutes les parties se ressentent de l’impression du marteau ; c’est à l’aide de ce marteau que l’ouvrier attentif unit le papier au point qu’on ne sente sous les doigts aucune partie plus épaisse l’une que l’autre, & qu’il ne s’y trouve aucunes inégalités ni cavités. Cette opération faite, on met ces battées séparées comme elles sont entre des ais à presser, & on assujettit le tout ou dans la grande presse, si les feuilles sont in-fol. ou in 4°. ou simplement dans la presse à endosser, si ce sont des petits formats. Ces ais sont pour l’ordinaire de bois de noyer, fort polis, épais environ dans toute leur étendue de trois à quatre lignes ; on doit faire attention de les choisir assez grands pour qu’ils puissent déborder tant-soit-peu les feuilles de tous côtés. Ces feuilles ainsi assujetties & serrées dans la presse, ne se gonflent point, & conservent l’affaissement que le marteau leur avoit imprimé. Comme nous serons obligés, dans la suite de cet article, de parler souvent des différentes presses dont se servent les relieurs, avant d’entrer plus avant en matiere, & tandis que nos feuilles sont en presse, nous allons en donner la description. Quant aux autres outils ou instrumens dont on se sert, nous en décrirons la forme & en indiquerons l’usage, en suivant par ordre les différentes opérations de l’ouvrier. On

distingue quatre sortes de presse, savoir : la grande presse, la presse à endosser, la presse à rogner, la presse à tranche-filer. La grande presse est composée de dix pieces principales, qui sont les deux jumelles, le sommier, la platine, le mouton, la vis, les deux clés, l’écrou & le barreau. Les deux jumelles sont deux pieces de bois d’orme ou d’autre espece, pourvu qu’il soit dur, hautes de six à sept piés, larges de six à sept pouces, épaisses de quatre à cinq ; le bas en est plus épais & plus large afin de leur donner de l’assiette ; elles sont placées debout & scellées contre le mur, & sont à environ deux piés & demi de distance l’une de l’autre : c’est cet intervalle qui forme le dedans de la presse, & où sont les autres pieces dont nous allons parler ; de sorte que les deux jumelles font les deux côtés de la presse. Le sommier est une piece de bois large d’environ un pié & demi, épaisse de quatre à cinq pouces, aussi longue que la presse est large, y compris l’épaisseur des jumelles : ce sommier est échancré en quarré par les deux bouts, & chaque bout embrasse chaque jumelle, aux côtés desquelles on a pratiqué des rebords qui lui servent de soutien : il est élevé d’environ un pié & demi de terre, & sert de table, puisque c’est sur ce sommier que se mettent ou les feuilles, ou les volumes que l’on veut mettre en presse. La platine est une piece de bois à-peu-près de la même largeur & épaisseur que le sommier ; elle a aussi une échancrure en quarré à chaque bout, ce qui fait qu’elle embrasse les jumelles, mais elle ne porte sur aucuns rebords comme le sommier, & hausse ou baisse selon la détermination que lui donne la vis à qui elle est attachée par le moyen du mouton & des deux clés. L’action de cette platine est de s’approcher du sommier lorsque l’ouvrier veut serrer, & de s’en éloigner lorsqu’il veut desserrer. Le mouton est une autre piece de bois beaucoup moins large & moins épaisse que la platine, sur laquelle elle porte à plat, & avec laquelle elle fait corps, par le moyen de clous ou de chevilles. La vis doit être d’un bois très dur, son filet porte environ trois piés de hauteur, & vingt pouces de circonférence ; le fort de sa tête est haut de douze à quatorze pouces, & a environ deux piés & demi de tour : c’est dans cette partie qu’il y a quatre trous qui servent à loger le barreau pour serrer ou desserrer. Le foible est une portion de cette même tête, diminuée au moins de moitié, & qui n’a guere qu’un pié de circonférence, & quatre à cinq pouces de longueur, & ressemble assez à un court rouleau dont le bout auroit une forme sphérique, & d’égale grosseur dans toute son étendue, si vous en exceptez néanmoins une rainure large d’environ un pouce, & profonde au-moins d’un doigt, qui l’environne, & qui est si exactement arrondie, qu’elle n’a pu être faite que sur le tour : cette rainure est pratiquée à environ deux pouces de distance du fort de la tête, c’est-à-dire dans le milieu du foible ; c’est cette partie qui s’emboîte dans le mouton, & pénetre ensuite jusqu’à demi-épaisseur de la platine, par un trou également sphérique, pratiqué dans le milieu du mouton, & continué dans la platine, à laquelle elle est attachée par le moyen des deux clés qui sont deux petits morceaux de bois, larges d’un pouce & demi, & épais d’un doigt ; ces deux clés traversent le mouton dans toute sa longueur, & se logent en passant dans la rainure de chaque côté de la vis, qui attire à elle par ce moyen le mouton & la platine lorsque son action va en montant, ce qui s’appelle desserrer, & qui les pousse au contraire en bas lorsqu’elle descend, ce qui s’appelle serrer. On sent assez, par cette position, que la vis est droite dans le milieu de la presse, la tête en bas & le filet en haut, qui passe dans l’écrou, sans lequel la vis n’auroit aucune action, ni n’en pourroit imprimer. L’écrou est une piece de bois de douze à quinze pouces en quarré, échancré aux deux bouts