Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 14.djvu/717

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sieurs cercles, à chacun desquels il y a un goulet par lequel le poisson entre dans le corps du verveux, & d’où il ne peut plus sortir lorsqu’il y est une fois entré ; ils nomment ces goulets moille.

Saumon, (Epicier.) est un vase oblong, terminé aux deux bouts par deux especes d’ouïes de saumon, ce qui lui a donné le nom de saumon ; les Epiciers s’en servent pour fondre la cire de leurs bougies. Voyez les Pl.

Saumon, terme de Plombier, est une espece de bloc ou masse de plomb, qui n’a encore reçu d’autre façon que celle qu’on lui a donnée par la fonte en sortant de la mine ; on l’appelle aussi navettes.

SAUMONÉ, adj. (Gram.) perche qui a la chair rouge en-dedans comme le saumon ; on dit une truite saumonée.

SAUMUR, (Géog. mod.) ville de France en Anjou, dans le Saumurois, sur le bord méridional de la Loire, qu’on y traverse sur un pont de bois, & qui est un passage important, à 10 lieues au sud-est d’Angers, à 16 au sud-ouest de Tours, & à 66 de Paris. Long. suivant Cassini, 17d. 25′. lat. 47d. 15′. 12″.

Saumur étoit autrefois situé sur la riviere de Vienne, qui se jettoit dans la Loire, un peu au-dessus de Saint-Maur. M. de Valois ne donne à cette ville que cinq ou six cens ans d’antiquité ; mais Ménage a prétendu prouver par plusieurs témoignages, qu’elle existoit déjà dès l’an 400, & que pour-lors elle ne consistoit à la vérité que dans le château & dans la rue qui est au-dessus.

L’an 775, Pepin, pere de Charlemagne, fonda à Saumur une église sous l’invocation de saint Jean-Baptiste, laquelle fut ensuite achevée par Pepin, roi d’Aquitaine, son petit-fils, qui y mit des prétendues reliques de saint Jean ; & c’est de cette ancienne église de Saumur, que Saumur est appellée dans quelques chartes Joannisvilla. L’ancien château de Saumur étoit nommé Truncus, le Tronc ; mais il n’étoit pas dans le lieu où est le château d’aujourd’hui.

Foulques de Nere, comte d’Anjou, se rendit maître de cette place en 1026, & l’unit au domaine d’Anjou dont elle fait encore une partie. Elle fut engagée en 1549, à François de Lorraine, duc de Guise, des mains duquel Charles IX. la retira en 1570, moyennant la somme de 64991 livres.

Il y a aujourd’hui à Saumur sénéchaussée, élection, prevôté, grenier à sel, maréchaussée, trois paroisses, quelques couvens, un college dirigé par les peres de l’Oratoire, un gouverneur de la ville, & un lieutenant de roi du château, avec une garnison de cinquante hommes.

L’église de Notre-Dame des Ardillers, & celle de Notre-Dame de Nantillé, sont en grande réputation dans le pays. On voit dans la nef de cette derniere église un tombeau de pierre, sur lequel est couchée la figure d’une femme qui tient deux enfans entre ses bras ; c’est le tombeau de Thiephaine la Magine, nourrice de Marie d’Anjou, née en 1404, & de René, duc d’Anjou, roi de Sicile, qui naquit en 1408. Thiephaine mourut en 1458, & son épitaphe qui est fort plaisante, a été gravée sur son tombeau.

Le château étoit déjà fort dans le dixieme siecle, lorsque Gibaud, comte de Blois, y établit les moines de S. Florent, chassés de leur monastere. Du tems des guerres civiles, Henri IV. étant roi de Navarre, & venant au secours d’Henri III. opprimé par les ligueurs, voulut qu’on lui donnât pour sa sureté Saumur & son château, où il établit pour gouverneur en chef Duplessis-Mornay ; cet homme célebre fit fleurir le calvinisme à Saumur, & y forma une académie de toutes les sciences.

Cette ville n’est plus que l’ombre de ce qu’elle étoit alors ; il y reste à peine cinq mille ames ; cette grande diminution vient de la suppression des temples, du college & de l’académie, qui y attiroit beaucoup de religionnaires étrangers, la population & le commerce. Toutes les fabriques qu’ils y avoient fondées, n’existent plus ; les rafineries de salpètre y

sont tombées ; & le débit des vins, qui étoit autrefois fort grand, a cessé. Le marché de la ville est mediocre, à cause du droit que l’abbêsse de Fontevrault y prend du vingtieme boisseau de blé ; enfin les foires qu’on y tient sont misérables, parce qu’elles ne sont pas franches.

Si Saumur est aujourd’hui dans la décadence, c’est une raison de plus que j’ai de ne pas oublier les noms des personnes illustres dans les lettres, dont elle est la patrie.

Cappel (Louis), qui y est né, a fait paroître dans tous ses ouvrages beaucoup de jugement, de littérature, de critique, & d’érudition. Il est un des premiers qui a démontré invinciblement la nouveauté du point voyelle du texte hébreu ; & il a eu raison d’intituler son ouvrage, arcanum punctuationis revelatum. Sa critica sacra, imprimée à Paris en 1650, fit aussi beaucoup de bruit. Sa chronologie sacrée, & sa description du temple de Salomon, ont été publiées dans les prolégomènes de la Polyglotte d’Angleterre. On a imprimé à Amsterdam en 1689, ses commentaires latins sur le vieux Testament : ce savant homme mourut dans sa patrie en 1658, âgé de 63 ans.

La célebre Anne le Fevre, fille de Tannegui le Fevre, qui épousa M. Dacier, naquit à Saumur en 1651. Après avoir perdu son pere, elle vint à Paris, & donna pour son premier ouvrage les oeuvres de Callimaque, qui furent suivis d’une belle édition de Florus. Sa renommée s’étendit par toute l’Europe, & Christine, reine de Suede, lui en fit faire des complimens par le comte de Konigsmark.

Au commencement de l’année 1683, elle épousa M. L’acier, avec lequel elle avoit été élevée dès sa premiere jeunesse, & tous deux se firent catholiques ; ce changement de religion valut à M. Dacier une pension de quinze cens livres, & à son épouse une de cinq cens. Se trouvant plus à leur aise, ils reprirent leurs travaux littéraires, & M. le duc de Montausier qui les protégeoit de tout son crédit, engagea madame Dacier à travailler aux livres qu’on nomme Dauphins.

Elle mit au jour, 1°. Dictys cretensis & Dares phrygius, ad usum delphini, Paris 1684, in-4o. 2°. Sexti Aurelii Victoris, historia romana ad usum delphini ; 3°. Eutropii historia romana, ad usum delphini.

Cette savante dame, fort supérieure à son mari pour l’esprit, pour le goût, & par la maniere d’écrire, a encore donné ; 1°. les poésies d’Anacréon & de Sapho, traduites du grec ; 2°. le Plutus & les Nuées d’Aristophane ; 3°. trois comédies de Plaute ; 4°. celles de Térence ; 5°. l’Iliade & l’Odyssée d’Homère. Ces deux derniers ouvrages lui font un honneur infini ; on ne pouvoit lui reprocher que trop d’admiration pour les auteurs qu’elle avoit traduits du grec. M. de la Motte ne l’attaqua qu’avec de l’esprit, & elle ne combattit qu’avec de l’érudition ; elle oublia même les égards qu’elle devoit à un adversaire estimable, & la politesse qui sied si bien à toutes sortes de personnes, & principalement à une dame.

Elle fut plus honnête vis-à-vis des étrangers, qui admiroient comme elle les anciens, & qui venant à Paris, ne manquoient pas de lui rendre visite ; un d’eux suivant la coutume d’Allemagne, lui présenta son livre (album), en la priant d’y mettre son nom & une sentence. Elle vit dans ce livre les noms des plus savans hommes de l’Europe, & elle le rendit aussi-tôt en lui disant, qu’elle rougiroit de mettre son nom parmi tant de noms célebres ; enfin vaincue