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Les scamilles font le même effet aux ordres d’architecture, que les piédestaux aux statues. Voyez Piédestal.

SCAMINO, (Géog. mod.) village de la Grece dans la Livadie, sur la riviere d’Asopo, au pié d’une éminence du côté du nord-est. Il n’est que d’environ deux cens maisons ; mais les vieilles ruines qu’on y voit font connoître que c’étoit autrefois une grande ville.

M. Spon qui a passé par ce lieu-là, prétend que c’est l’ancienne Sycaminon. Les Grecs y ont encore quelques églises, entre autres Hagioi-Seranda, ou l’église des quarante Saints, Panagia & Hagios Elias, qui sont bâties de vieux débris, où l’on remarque quelques inscriptions.

Nous aurions jugé, dit M. Wheler, sur une de ces inscriptions que ce lieu étoit Oropus, si Oropo n’avoit pas conservé son ancien nom. Je crois, ajoute-t-il, que la montagne voisine est l’ancien mont Cericius, & que cette ville étoit Tanagara, dont les anciens ont tant parlé, & qu’ils mettent sur la riviere Asopus. Elle s’appelloit d’abord Pœmandria, ensuite Græa, puis Tanagræa, qui est le nom que Pausanias lui donne, & présentement on la nomme Scamino. Wheler, voyage d’Athènes. (D. J.)

SCAMMA, s. m. (Hist. anc.) profondeur ou enceinte creusée dans les lieux des combats ; il n’étoit pas permis aux combattans d’en sortir.

SCAMMONÉE, s. f. (Hist. nat. des drog. exot.) substance résineuse, gommeuse & cathartique.

On en trouve de deux sortes chez les droguistes, savoir la scammonée d’Alep, & celle de Smyrne.

La scammonée d’Alep est un suc concret, léger, fongueux, friable. Lorsqu’on la brise, elle est d’un gris noirâtre & brillante. Lorsqu’on la manie dans les doigts, elle se change en une poudre blanchâtre ou grise ; elle a un goût amer, avec une certaine acrimonie, & son odeur est puante. On l’apporte d’Alep, qui est l’endroit où on la recueille.

La scammonée de Smyrne est noire, plus compacte, & plus pesante que celle d’Alep. On l’apporte à Smyrne d’une ville de Galatie, appellée présentement Cuté, & de la ville de Cogni dans la province de Licaonie ou de Cappadoce, près du mont Tauris, où l’on en fait une récolte abondante, comme l’a raconté à M. Geoffroi l’illustre Sherard, qui a résidé à Smyrne pendant treize ans en qualité de consul pour la nation angloise. On préfere la scammonée d’Alep.

On doit la choisir brillante, facile à rompre & très-aisée à réduire en poudre, qui ne brûle pas fortement la langue ; qui étant brisée & mêlée avec la salive ou avec quelqu’autre liqueur, devient blanche & laiteuse. On rejette celle qui est brûlée, noire, pesante, remplie de grains de sable, de petites pierres ou d’autres corps hétérogenes.

La plante qui produit ce suc est le convolvulus Syriacus de Morest, hist. oxon. part. II. xij. Sa racine est épaisse, de la forme de celle de la bryone, charnue, blanchâtre en-dedans, brune en-dehors, garnie de quelques fibres, & remplie d’un suc laiteux : elle pousse des tiges grêles de trois coudées de long, qui montent & se roulent autour des plantes voisines. Les feuilles sont disposées alternativement le long de ses tiges ; elles ressemblent à celles du petit lizeron ; elles sont triangulaires, lisses, ayant une base taillée en façon de fleche. De leurs aisselles naissent des fleurs en cloche, d’une couleur blanche, tirant sur le pourpre ou le jaune. Leur pistil se change en une petite tête ou capsule pointue, remplie de graines noirâtres & anguleuses. Cette plante croît en Syrie autour d’Alep, & elle se plaît dans un terroir gras.

Selon Dioscoride, la plante scammonée pousse

d’une même racine beaucoup de tiges de trois coudées de longueur, moëlleuses & un peu épaisses, dont les feuilles sont semblables à celle du blé-noir sauvage ou de lierre, plus molles cependant, velues & triangulaires. Sa fleur est blanche, ronde, creusée en maniere d’entonnoir, d’une odeur forte : sa racine est forte, longue, de la grosseur d’une coudée, blanche, d’une odeur desagréable & pleine de suc.

Le même Dioscoride approuve la scammonée que l’on apporte de Mysie, province d’Asie ; & il rejette celle de Syrie & de Judée, qui de son tems étoit pesante, épaisse, falsifiée avec la farine d’orobe & le lait du tithymale. L’illustre Tournefort a observé cette espece de convolvulus, hérissé de poils, dans les campagnes de Mysie, entre le mont Olympe & le Sipyle, & même auprès de Smyrne, & dans les îles de Lesbos & de Samos, où l’on recueille encore aujourd’hui un suc concret qui est bien au-dessous de la scammonée de Syrie.

Ainsi M. Tournefort penche à croire que la scammonée des boutiques vient des plantes au-moins de différentes especes, si elles ne sont pas différentes pour le genre ; il juge que celle de Syrie & d’Alep vient de la plante appellée scammonia folio glabro, scammonée à feuilles lisses ; & celle de Smyrne ou de Dioscoride de la plante appellée scammonia folio hirsuto, scammonée à feuilles velues.

M. Sherard avoit aussi observé le même convolvulus hérissé auprès de Smyrne, dont on ne retiroit aucun suc, tandis que le convolvulus folio glabro croissoit en si grande abondance en Syrie, qu’il suffiroit seul pour préparer toute la scammonée dont on se sert, & qu’on n’emploie pas même pour tirer ce suc de toutes sortes de scammonée ; mais on choisit sur-tout celle qui croît sur le penchant de la montagne qui est au-dessous de la forteresse de Smyrne. On découvre la racine en écartant un peu la terre ; on la coupe & on met sous la plaie, des coquilles de moule, pour recevoir le suc laiteux que l’on fait sécher & que l’on garde. Cette scammonée ainsi renfermée dans des coquilles est réservée pour les habitans du pays, & il est très-rare qu’on en porte aux étrangers.

Les Grecs & les Arabes indiquent les différentes manieres de recueillir ce suc.

1°. On coupe la tête de la racine ; on se sert d’un couteau pour y faire un creux hémisphérique, afin que le suc s’y rende, & on le recueille ensuite avec des coquilles.

2°. D’autres font des creux dans la terre : ils y mettent des feuilles de noyer, sur lesquelles le suc tombe, & on le retire lorsqu’il est sec. Mésué rapporte quatre manieres de tirer ce suc, qui le rendent tout différent. 1°. Aussi-tôt que la racine s’éleve au-dessus de la terre, on coupe ce qui en déborde, & elle donne tous les jours un suc gommeux que l’on garde lorsqu’il est séché. 2°. On arrache ensuite toute la racine ; &, après l’avoir coupée par tranches, il en sort un lait que l’on fait sécher à un feu doux ou au soleil : on en fait des pastilles, sur lesquelles on imprime un cachet ; leur couleur est blanchâtre ou variée. 3°. On pile les morceaux des racines, on les exprime, on fait sécher le suc qui en sort, & on le marque d’un cachet : celui-ci est grossier, noir & pesant. 4°. Il y a aussi des personnes qui tirent du suc des feuilles & des tiges après les avoir pilées : on le seche ensuite, & on en fait de petites masses ; mais ce suc est d’un noir verdâtre & d’une mauvaise odeur.

On ne nous apporte plus de scammonée marquée d’un cachet, ni celle qui découle d’elle-même en larmes de la racine que l’on a coupée, & que l’on recueille dans des coquilles près de Smyrne. Elle est la meilleure, mais elle est très-rare en ce pays. Sa couleur est transparente, blanchâtre ou jaunâtre,