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phage, l’estomac, &c. il se forme sur tout le corps, & principalement sur les cuisses, des ulceres puans opiniâtres, qui ne cedent à l’application d’aucun remede.

Le sang tiré des veines a sa partie fibreuse, noire, grumelée, épaisse, & cependant il est dissous quant à sa partie sereuse qui est salée, âcre & couverte d’une mucosité, dont la couleur est d’un jaune tirant sur le verd. On est tourmenté de douleurs rongeantes, lancinantes qui passent promptement d’un endroit à un autre, qui augmentent durant la nuit dans tous les membres, dans les jointures, les os, les visceres ; il paroit sur la peau des taches livides.

4°. On est sujet à différentes fievres chaudes malignes, intermittentes de toute espece, vagues, périodiques, continues, qui produisent l’atrophie, des vomissemens, des diarrhées, des dyssenteries ; à des stranguries succedent la lipothymie, des anxiétés mortelles, l’hydropisie, la phthisie, les convulsions, les tremblemens, la paralysie, les crampes, les vomissemens & des selles de sang ; le foie, la rate, le pancreas & le mésentere se pourrissent ; alors le mal est très-contagieux.

La nature & les effets du scorbut nous démontrent sa cause : c’est un sang épaissi dans une de ses parties, & dissous dans l’autre, d’une âcreté & d’une salure alkaline ou acide, circonstances qu’il faut surtout soigneusement rechercher & distinguer.

Traitement. La cure thérapeutique consiste à dissoudre ce qui est épais, à rendre mobile ce qui croupit, à donner de la fluidité à ce qui est trop lié.

2°. Il faut épaissir ce qui est trop tenu, adoucir l’âcreté reconnue.

3°. En corrigeant l’un, il faut toujours avoir égard à la nature de l’autre.

Les forts évacuans ne font que rendre le mal rebelle.

Dans le premier degré on a recours à la saignée, à la purgation avec un minoratif, & répetée plus d’une fois. On peut se servir de la potion suivante.

Prenez d’une infusion de chicorée, huit onces : de manne, deux onces : de tamarins, une once ; de sel polycreste, deux gros ; de sirop de roses solutif avec le sené, six gros. Faites-en une potion que l’on prendra le matin à jeun.

Quelques jours après on peut prendre la potion suivante :

Prenez d’eau ou d’infusion de fumeterre, quatre onces : d’élixir de propriété, deux gros : de sirop de raifort, une once. On employera ensuite différens remedes digestifs & atténuans, tels que la teinture de sel de tartre ou de mars, le tartre vitriolé, différens élixirs, différens sels volatils huileux, &c. les savons de toute espece, les oxymels, les conserves d’oseille, d’alleluia, les oranges, les citrons, les limons & les grenades, & enfin les antiscorbutiques de la premiere classe, tels que les plantes aromatiques, ombelliferes & labiées, les cruciferes, les menthes, les patiences, les eupatoires, les orobes, les absynthes & autres, les cressons, le becabunga, le botrys, &c.

Enfin on doit régler le régime, de façon qu’il soit tout opposé aux causes de la maladie.

Dans le second degré, on usera de scorbutiques un peu âcres, tels que l’ail, l’ailliaire, le pié de veau, le grand raifort, l’absynthe, les oignons, le cochlearia, l’aunée, la gentiane, le pastel, le passerage, le raifort sauvage, le trefle d’eau, la moutarde, & la petite espece de joubarbe.

On peut en faire des infusions, des apozemes, des bouillons, des sirops, des juleps, & autres préparations.

Suc antiscorbutique. Prenez de raifort sauvage ratissé, quatre onces : de feuilles récentes de cochlearia,

de nummulaire & d’ortie, de patience des jardins, de becabunga & d’oseille sauvage ou des jardins, de chaque une poignée ; exprimez-en le suc, & le mêlez avec du sucre ; on en prendra six fois par jour, une demi-once par fois.

L’esprit antiscorbutique suivant est aussi indiqué.

Semences. Prenez de moutarde, de raifort des jardins, de roquette, de velar, de cresson de jardin, de feuilles de cochlearia, de chaque une once : de passerage & de raifort sauvage, de chaque deux poignées ; après les avoir hachées menu & broyées, vous y ajouterez du sel marin, deux onces ; d’écume de bierre, une once ; d’esprit de vin quantité suffisante ; distillez trois fois, & cohobez à chaque fois.

On peut aussi des mêmes herbes faire un vin médicinal, ou une biere antiscorbutique, en prenant les feuilles, les racines des plus énergiques, & les faisant macérer dans un tonneau de biere en fermentation, ou dans une quantité de vin du Rhin suffisante.

Dans le troisieme degré, les remedes décrits ci-dessus sont excellens ; on doit user copieusement de liquides doux, de diurétiques, antiseptiques, d’antiscorbutiques, provoquer long-tems & légerement les sueurs, les urines & les selles.

On peut, par exemple, ordonner les antiscorbutiques dans le petit-lait, dans l’eau de nymphea ou de guimauve, dans le lait, le gruau, & d’autre façon plus appropriée.

On peut adoucir les sucs, les infusions, avec les sirops de citron, de violette ou de nymphea.

Dans le quatrieme degré, la maladie est desespérée ; rarement arrive-t-il que l’on réussisse, & que même l’on tente la guérison.

Le scorbut est une maladie terrible, lorsqu’il est confirmé ; elle est vraiment contagieuse ; & le cadavre d’un scorbutique, lorsqu’il vient à pourrir, est une semence terriblement efficace pour en étendre au soin l’infection ; on le confond aujourd’hui avec la maladie hypocondriaque, il est vrai que cette maladie a beaucoup d’affinité dans ses suites avec le scorbut.

Le changement d’air & de climat est un moyen assuré pour se garantir du scorbut dans ceux qui en sont menacés ; l’exercice modéré, le calme des passions, l’usage d’alimens doux, nourrissans, légerement aromatisés, sont des moyens sûrs de prévenir un mal si terrible.

Le lait & les autres alimens ou médicamens de cette nature, quoique contreindiqués dans le scorbut en général à cause de l’épaississement, du grumellement & de la dépravation du sang, peuvent cependant faire bien, & procurer du soulagement dans les cas d’acrimonie, de dissolution.

Comme les symptomes du scorbut sont infinis, & que leur multitude avec leur différence infinie contribue beaucoup à déguiser cette maladie & à la masquer, il faut reconnoitre leur cause, & ne point s’exposer à prendre le change ; toutes les maladies peuvent se couvrir de l’apparence du scorbut, & celui ci peut prendre la tournure de toutes les maladies imaginables. C’est ce qui fait la difficulté du diagnostic & du prognostic.

On peut déterger les gencives & leurs ulceres avec l’essence d’ambre, la teinture de myrrhe, le storax, l’esprit-de-vin camphré, l’esprit de sel dulcifié qu’on mêlera avec le miel rosat ; & sur les tumeurs sanguinolentes on appliquera de l’onguent ægyptiac mêlé avec du miel rosat & de l’esprit de cueillerée ; on fera boire au malade une décoction de raifort dans du lait, ou de sommités de pin dans de la bierre.

Le scorbut qui étoit jadis inconnu dans nos contrées, y devient commun comme en Angleterre ;