Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 14.djvu/804

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le spleen qui nous vient de cette île, nous amene aussi le premier. Les maux de rate ordinaires à nos vaporeux, à nos gens de lettres, & à mille gens qu’une éducation impérieuse & trop remplie de sentimens de présomption met fort au-dessus de leur rang & de leur état, ont fait naître dans notre climat les maladies de l’esprit & le scorbut. La même cause qui a multiplié les vapeurs, ou cette maladie des gens d’esprit qui régne à la cour, comme à la ville, chez le marchand, comme chez l’homme de robe, a semé en même tems le scorbut sur nos côtes, & dans le centre même de la capitale ; & Paris, par le déréglement des mœurs, & la folie qui conduit l’esprit de ses habitans, est aussi incommodé du scorbut que les peuples du Nord.

L’affection hypocondriaque peut d’autant mieux disposer à cette maladie, qu’elle rend les tendons, les nerfs & les autres parties sensibles du corps d’une sécheresse extrème : cette aridité cause une effervescence avec un épaississement du sang qui vient à prendre une consistance résineuse, & qui formant des obstructions dans les visceres, empêche les sécrétions, les excrétions, & détruit l’ordre des fonctions naturelles, qui dépend de l’égalité de ces mêmes sécrétions ; les impuretés de la lymphe & de la sérosité retenue dans la masse des humeurs, y produisent cette dissolution, ce sel muriatique & ces dispositions cachectiques, érésipilateuses de l’habitude du corps, ces hémorrhagies, ces ulceres, ces croutes, ces taches violettes qui sont suivies le plus souvent de la gangrene.

On peut donc regarder le chagrin ou la folie de l’esprit jointe au mauvais régime, comme la premiere cause & l’époque de la naissance du scorbut dans le cœur du royaume, où il ne peut être produit par les mêmes causes que celui des gens de mer.

Le scorbut dont on vient de parler, produit par les vapeurs, est celui des riches que la saignée, le régime exact, les évacuans peuvent guérir, d’autant qu’il provient d’un sang trop étoffé, & trop garni de parties volatiles & sulphureuses, par l’abondance de toutes les choses nécessaires à la vie, par le défaut d’exercice, la vie oisive, & l’intempérance ordinaire aux personnes aisées.

Le scorbut des pauvres est bien différent ; la misere, la disette & les calamités publiques le font naître ; la famine, le mauvais air, l’usage d’alimens corrompus, de blés gâtés, d’eau croupie & puante, de vin & de biere aigre entretiennent cette disposition vicieuse du sang ; les pauvres dans les hôpitaux, les soldats dans les hôpitaux militaires, dans les camps nombreux où les eaux & les vivres sont rares, sont très-sujets à cette maladie.

Le scorbut des pauvres demande à être traité d’une façon toute différente de celui des riches, la saignée & les évacuans y deviennent nuisibles ; les remedes violens y sont dangereux ; il faut ici soutenir les forces vitales languissantes, réparer les parties sulphureuses du sang qui sont ou détruites ou en petite quantité ; il faut réveiller les esprits, enrichir de parties volatiles & nourricieres le sang qui manque de substance solide ; la nourriture tempérante & eupeptique, modérée, donnée à de fréquens intervalles, les cordiaux doux sont les meilleurs remedes pour cette espece de scorbut.

On peut voir par tout ce qui vient d’être dit, que le scorbut est une maladie fort compliquée, difficile à connoitre, & encore plus pénible à guérir. C’est ici que l’on peut dire : ars longa, vita brevis, judicium difficile.

SCORDISCIENS, s. m. pl. (Hist. anc.) peuple de l’ancienne Thrace, mais originaire de Gaule, qui vainquit les Romains. L’usage de l’or & de l’argent étoit défendu dans leur pays, ce qui ne les empêcha

point d’aller, sous la conduite de Brennus, piller le temple de Delphes. Voyez l’article suiv.

SCORDISQUES, (Géog. anc.) Scordici ou Scordicæ, peuples de la basse Pannonie. Ptolomée, l. II. c. xvj. dit qu’ils habitoient dans la partie orientale de cette province, en tirant vers le midi. Strabon, liv. VII. les met à l’orient de la Pannonie, πρὸς ἕω, & ils habitoient, selon Tite-Live, liv. XL. chap. lvij. entre les Dardaniens & les Dalmates.

Les Scordisques n’eurent pas toujours une demeure fixe ; on les voit tantôt à l’orient de la Pannonie, tantôt au milieu de cette province, quelquefois sur le bord du Danube, quelquefois des deux côtés de ce fleuve, & en divers autres endroits.

C’étoit un peuple errant & d’une origine gauloise, car Strabon, liv. VII. pag. 313. les appelle Scordicigalli. Ils furent puissans quand ils commencerent à paroître dans ces quartiers ; mais du tems de Strabon ils étoient si peu considérables qu’à peine connoissoit-on leur nom. Appien, in Illyric. nous apprend que ce fut Scipion qui les réduisit à ce triste état ; voici leur histoire en peu de mots.

Les Scordisques étoient un ancien peuple, gaulois d’origine, mais transplanté sur les bords du Danube. Leurs peres avoient autrefois accompagné Brennus au pillage du temple de Delphes. Après l’horrible désastre qui dissipa cette armée, les débris s’en séparerent en diverses contrées. Une partie s’alla établir vers le confluent du Danube & de la Save, c’est-à-dire dans le pays où est aujourd’hui Belgrade, & prit le nom de Scordisques, dont l’étymologie n’est pas connue. Leur férocité naturelle jointe à l’âpreté du climat, & leur commerce avec les nations barbares, dont ils étoient environnés, les porta à faire la guerre aux Romains, qu’ils vainquirent sous le consulat de Caton, l’an de Rome 638. Fiers de ce succès, ils ravagerent les provinces de l’empire, jusqu’à la mer Adriatique ; mais les généraux romains qui sucederent à Caton, & Scipion en particulier, remporterent diverses victoires sur ce peuple, dont il n’est plus parlé dans la suite des tems. (D. J.)

SCORDIUM, s. m. (Hist. nat. Botan.) le scordium des Botanistes, des Apothicaires, est l’espece de germandrée aquatique, que Tournefort appelle chamædris palustris, canescens ; sa racine est fibrée, rampante, vivace ; elle pousse plusieurs tiges longues comme la main, quelquefois d’un pié, quarrées, velues, creuses, rameuses, inclinées vers la terre, & serpentantes. Ses feuilles sont opposées, oblongues, plus grandes que celles de la germandrée ordinaire, ridées, dentelées en leurs bords, molles, velues, blanchâtres, d’une odeur d’ail qui n’est pas désagréable, & d’un goût amer. Ses fleurs naissent dans les aisselles des feuilles, le long des tiges & des rameaux, petites, en gueule ; chacune d’elles est un tuyau évasé par le haut, & prolongé en livre, découpée en cinq parties, de couleur rougeâtre Après que ces fleurs sont passées, il leur succede quatre semences, menues, arrondies, renfermées dans une capsule, qui a servi de calice à la fleur.

Cette plante croît aux lieux humides & marécageux ; elle fleurit en Juillet, & varie en grandeur ; lorsqu’on la transplante dans les jardins, elle y périt aisément. On dit qu’on redoit la découverte des vertus du scordium, presque perdue, à Guillaume Pelissier, évêque de Montpellier ; il est vrai du-moins que c’est une plante utile, qui est atténuante, incisive, & apéritive. (D. J.)

SCORIES, s. f. pl. (Chimie & Métallurgie.) c’est ainsi qu’on nomme dans la fonte des mines métalliques les parties étrangeres aux métaux, qui comme plus légeres nagent à leur surface pendant qu’ils sont en fusion, & y forment une espece d’écume ou de matiere vitrifiée, qui varie pour la forme & pour le