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Sur l’Esculape, au palais Vérospi, on lit Assalectus-M.

Sur l’Hermès des jardins Montalte, Eubule, fils de Praxiteles.

Sur deux bustes du cardinal Albani, on lit sur l’un Zénas, & sur l’autre Zénas, fils d’Alexandre.

Le Torse du Belveder, est d’Apollonius, fils de Nestor, athénien.

Chez le même cardinal Albani, on lit sur un bas-relief représentant des bacchantes & un faune, le tout tenant de la maniere égyptienne quoique grecque, Callimaque.

L’apothéose d’Homere porte sur un vase, dans le palais Colonne, Archélaüs, fils d’Apollonius, de Priene.

Sur un vase servant de fonts de baptême à Gaëtte, & qui est orné d’un bas-relief, représentant la naissance de Bacchus, Salpion, athénien.

Nous passons sous silence plusieurs noms grecs, qui ont été ajoutés en différens tems, & nommément à la plinthe des deux chevaux que l’on voit sur le mont Quirinal, vulgairement appellé il monte cavallo, & qui portent les beaux noms de Phidias & de Praxiteles.

L’étonnement s’étend encore sur ce que Pline ne désigne aucun des ouvrages qu’on vient de citer ; le Laocoon & la Dircé sont les seuls dont il parle, & qui nous soient demeurés, à moins qu’on ne veuille croire que le grouppe des lutteurs, ouvrage de Céphisodore, fils de Praxiteles, soit celui que l’on conserve à Florence, dans la galerie du grand duc.

D’un autre côté, il ne faut pas être surpris du silence de Pausanias, sur toutes les belles statues de Rome. Quand il a fait le voyage de la Grèce, il se pouvoit qu’elles fussent déja transportées en Italie, car depuis environ trois cens ans, les Romains travailloient à dépouiller la Grece de ses tableaux & de ses statues. Instruits par la réputation des plus beaux morceaux, ils avoient eu soin de s’en emparer à l’envi les uns des autres. Quelle devoit en être l’abondance ! Pausanias écrivant quarante ans après, nous décrit cette même Grece encore remplie des plus grands trésors.

Si les anciens n’ont point parlé des figures que nous admirons, parce qu’ils en connoissoient de plus belles ; si leur silence sur le nom des artistes qui nous sont demeurés, est fondé sur ce qu’ils en savoient de supérieurs ; quelles idées devons-nous avoir des Grecs & de la perfection de leurs talens ? Mais l’imagination ne peut se prêter, & s’oppose à concevoir des ouvrages supérieurs à ceux qui faisant aujourd’hui le plus grand ornement de Rome, font aussi la base & la regle des études de nos plus habiles modernes.

Comme toutes choses humaines ont leur période, la sculpture, après avoir été portée au plus haut degré de perfection chez les Grecs ; dégénera chez cette nation spirituelle, quand elle eut perdu la liberté ; mais la sculpture des Romains, sans avoir été portée si haut, eut un regne beaucoup plus court ; elle languissoit déja sous Tibere, Caius, Claude, & Néron ; & bientôt elle s’éteignit tout-à-fait. On regarde le buste de Caracalla comme le dernier soupir de la sculpture romaine. Les bas-reliefs des deux arcs de triomphe, élevés en l’honneur de l’empereur Sévere, sont de mauvaise main ; les monumens qui nous restent de ses successeurs, font encore moins d’honneur à la sculpture ; nous voyons par l’arc de triomphe élevé à la gloire de Constantin, & qui subsiste encore à Rome aujourd’hui, que sous son regne, & même cent ans auparavant, la sculpture y étoit devenue un art aussi grossier qu’elle pouvoit l’être au commencement de la premiere guerre contre les Carthaginois. Enfin elle étoit morte lors de la premiere

prise de Rome par Alaric, & ne ressuscita que sous le pontificat de Jules II. & de Léon X. C’est-là ce qu’on nomme la sculpture moderne, dont nous allons donner l’article. (Le chevalier de Jaucourt.)

Sculpture moderne, (Beaux arts.) la sculpture moderne est comme je viens de le dire dans l’article précédent, celle qu’on vit renaître avec la peinture, en Italie, sous les pontificats de Jules II. & de Léon X. En effet, on peut considerer la sculpture & la peinture comme deux sœurs, dont les avantages doivent être communs, je dirois presque comme un même art, dont le dessein est l’ame & la regle, mais qui travaille diversement sur différentes matieres. Si la poésie ne paroît pas aussi nécessaire au sculpteur qu’au peintre, il ne laisse pas d’en faire un tel usage, qu’entre les mains d’un homme de génie, elle est capable des plus nobles opérations de la peinture : j’en appelle à témoins les ouvrages de Michel-Ange, & du Goujon ; le tombeau du cardinal de Richelieu, & l’enlevement de Proserpine, par Girardon ; la fontaine de la place Navone, & l’extase de sainte Thérese, par le cavalier Bernin ; le grand bas-relief de l’Algar de qui représente S. Pierre & S. Paul en l’air, menaçant Atila qui venoit à Rome pour la saccager.

La beauté de ces morceaux & de quelques autres, ont engagé des curieux à mettre en problême, si la sculpture moderne n’égaloit point celle des Grecs, c’est-à-dire, ce qui s’est fait de plus excellent dans l’antiquité. Comme nous sommes certains d’avoir encore des chefs-d’œuvres de la sculpture antique, il est naturel de nous prêter à l’examen de cette question.

Pline parle avec distinction de la statue d’Hercule, qui présentement est dans la cour du palais Farnèse ; & Pline écrivoit quand Rome avoit déja dépouillé l’orient de l’un des plus beaux morceaux de sculpture qui fussent à Rome. Ce même auteur nous apprend encore que le Laocoon qu’on a vu dans une cour du palais de Belveder, étoit le morceau de sculpture le plus précieux qui fût à Rome de son tems ; le caractere que cet historien donne aux statues qui composent le grouppe du Laocoon, le lieu où il nous dit qu’elles étoient dans le tems qu’il écrivoit, & qui sont les mêmes que les lieux où elles ont été déterrées depuis plus de deux siecles, rendent constant, malgré les scrupules de quelques antiquaires, que les statues que nous avons sont les mêmes dont Pline a parlé ; ainsi nous sommes en état de juger si les anciens nous ont surpassé dans l’art de la sculpture : pour me servir d’une phrase du palais, les parties ont produit leurs titres.

Il est peu de gens qui n’aient oui parler de l’histoire de Niobé, représentée par un sculpteur grec, avec quatorze ou quinze statues liées entr’elles par une même action. On voit encore à Rome dans la vigne de Médicis, les savantes reliques de cette belle composition. Le Pasquin & le Torse de Belvéder, sont des figures subsistantes du grouppe d’Alexandre, blessé, & soutenu par des soldats. Il n’y a point d’amateurs des beaux arts, qui n’aient vu des copies du gladiateur expirant, qu’on a transporté au palais Chigi ; ils ne vantent pas moins le grouppe de Papirus & la figure nommée le Rotateur ; s’il est quelqu’un à qui ces morceaux admirables soient inconnus, il en trouvera la description dans ce Dictionnaire, or je n’entendis jamais dire à un juge impartial, qu’ils ne surpassent infiniment les plus exquises productions de la sculpture moderne. Jamais personne n’a comparé, avec égalité de mérite, le Moïse de Michel-Ange, au Laocoon du Belvéder ; la préférence que le même Michel-Ange donna si hautement au Cupidon de Praxitele sur le sien, prouve assez que Rome la moderne ne le disputoit pas plus aux Grecs pour la sculpture, que ne le faisoit l’ancienne Rome ;