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monde avoit les yeux, ne pût demeurer cachée au roi ; en un mot, quelle qu’en fut la raison, elle refusa de recevoir plus long-tems ses visites, & s’obstina si fort dans son refus, que l’indignation, la rage, & le mépris, succéderent à l’amour dans le cœur du duc, qui résolut de perdre sa parente.

Cette résolution prise, il la fit observer de si près, qu’il sçut bien-tôt qui étoient ceux qu’il pourroit regarder comme ses rivaux. Lorsqu’il en fut instruit, il eut soin de les nommer ouvertement, & le poëte ne fut pas oublié, pour faire encore plus de tort à la duchesse dans l’esprit du public. Wycherley apprenant de bonne-heure cette fâcheuse nouvelle, craignit extrêmement qu’elle ne vînt aux oreilles du roi. Pour prévenir ce malheur, il pria instamment Wilmot, comte de Rochester, & le chevalier Charles Sidley, de représenter au duc, le tort extrème qu’il feroit à un homme qui n’avoit pas l’honneur d’être connu de lui, qui le respectoit, & qui ne l’avoit jamais offensé. A peine ces MM. eurent commencé à en toucher quelque chose au duc, qu’il s’écria « qu’il ne blâmoit point Wycherley, mais sa cousine ». Cependant, reprirent-ils, en le faisant soupçonner d’une pareille intrigue, vous le perdrez infailliblement ; c’est-à-dire, que votre grandeur travaille injustement à ruiner de fond en comble un homme de mérite.

Enfin ces MM. s’étendirent si fort sur les belles qualités de Wycherley, & sur les charmes de sa conversation, que le duc de Buckingham amoureux des avantages de l’esprit, permit qu’on lui présentât Wycherley, & il le retint à souper. Il fut si charmé de lui, qu’il s’écria dans son transport, « ma cousine a raison ; » & depuis ce moment, il fit de Wycherley son ami, & le combla de bienfaits. Comme il étoit grand écuyer du roi, & colonel d’un des premiers régimens de la couronne, il nomma Wycherley un des sous-écuyers, & capitaine-lieutenant de sa compagnie, dont il lui céda tous les appointemens ; ces deux objets faisoient au moins trente-six mille livres de rente de notre monnoie, & faufilerent agréablement Wycherley avec la noblesse de la cour & de la ville.

Il continua de travailler pour le théâtre. On avoit déja joué son misantrope (plain-dealer) en 1678, & en 1683, on représenta sur le théâtre royal, sa femme de campagne, the country-wife. Cet homme qui passoit sa vie dans le plus grand monde, dit M. de Voltaire, en connoissoit parfaitement les vices, & les peignoit du pinceau le plus ferme & des couleurs les plus vraies. Dans son misantrope qu’il a imité de Moliere, il est certain que ses traits ont moins de finesse & de bienséance, mais ils sont plus forts & plus hardis ; la piece angloise est plus intéressante, & l’intrigue plus ingénieuse. Sa femme de campagne, est encore tirée de l’école des femmes de Moliere. Cette piece angloise n’est pas assurément l’école des bonnes mœurs, mais c’est l’école de l’esprit, & du bon comique.

Le roi Charles II, donna à Wycherley de grandes marques de sa faveur. Il lui rendit visite dans une maladie, & lui conseilla d’aller passer l’hiver à Montpellier, conseil qu’il accompagna d’un présent de cinq cent livres sterling, pour le défrayer. Il perdit néanmoins dans la suite les bonnes graces du roi par son mariage avec la comtesse de Drogheda, qui le fit maître de tout son bien ; mais après la mort de cette dame, la donation lui fut contestée, enlevée ; Wycherley ruiné, fut arrêté par les créanciers, & mis en prison où il demeura sept ans, & n’en fut tiré que par la générosité de Jacques II, qui au sortir d’une représentation du plain-dealer, ordonna sur le champ de payer de sa bourse, les dettes de l’auteur.

Il prit le parti de disposer du douaire de sa pre-

miere, en épousant une jeune personne, qui lui apporta

quinze cens livres sterling, dont une portion servit à ses pressans besoins ; mais il mourut en 1715, onze jours après la célébration de ses noces. On avoit publié à Londres en 1704 un volume de ses poësies mêlées, qui n’ont pas été reçues aussi favorablement du public, que ses pieces de théatre.

Mylord Lansdowne a peint Wycherley avec beaucoup d’esprit & de vérité. Ceux, dit-il, qui sans connoître Wycherley autrement que par ses ouvrages, voudront en juger, seront portés à croire que la variété des images & des caracteres, la profonde connoissance de la nature, les observations fines de l’humeur, des manieres, & des passions des personnes de tout rang & de toute condition ; en un mot, cette exacte peinture de la nature humaine, que l’on voit dans ses productions, jointe à beaucoup d’esprit & de force d’expression, que tout cela ensemble, dis-je, ne peut avoir été que le fruit d’une application, & d’un travail extraordinaire ; tandis que dans le fond, nous devons le plaisir & l’avantage qu’il nous a procuré, à sa grande facilité. S’il lui en avoit couté pour écrire, je suis bien trompé s’il ne s’en seroit pas épargné la peine. Ce qu’il a fait, auroit été difficile pour un autre ; mais la massue ordinaire, qu’un homme ne pouvoit lever, servoit de canne à Hercule.

L’âcreté de ses satyres pourroit vous jetter dans une autre erreur, & vous faire penser que c’étoit un homme malin. Mais ce que le lord Rochester dit du lord Dorset, peut lui être appliqué ; « c’étoit le meilleur homme avec la muse la plus maligne. » Tout piquant & censeur sévere qu’il paroît dans ses écrits, il étoit du caractere le plus doux & le plus humain, obligeant tout le monde, & ne voulant de mal à personne ; il n’attaque le vice que comme un ennemi public ; sensible à la plaie, il est contraint de la sonder ; ou tel qu’un conquérant généreux, il s’afflige de la nécessité d’user des voies de rigueur.

Le roi Charles II qui étoit lui-même homme d’esprit, se faisoit souvent un plaisir de passer ses heures de loisir avec Wycherley, comme Auguste avec Horace, & il eut même des vues fort avantageuses sur lui ; mais malheureusement l’amour vint à la traverse, l’amant l’emporta sur le courtisan, l’ambition fut la victime de l’amour, la passion dominante des plus belles ames…… Il y a des personnes qui critiquent sa versification. Il est certain qu’elle n’est pas nombreuse ; mais un diamant brute n’en est pas moins un diamant. (Le chevalier de Jaucourt.)

SHUDDERERS ou CHUDERERS, s. m. (Hist. mod.) c’est ainsi que l’on nomme dans la partie orientale du Malabare les prêtres du second ordre, c’est-à-dire, inférieurs aux bramines, qui font la fonction de desservir les temples ou pagodes de la tribu des Indiens idolâtres, appellés shudderi, qui est celle des marchands ou banians. Il ne leur est point permis de lire le vedam ou livre de la loi, mais ils enseignent à leur tribu le shaster, qui est le commentaire du vedam. Ils ont le privilege de porter au col la figure obscene, appellée lingam. Voyez cet article, & le mot Ruddiren.

S I

SI ou KAKI, s. m. (Hist. nat. Botan.) c’est un arbre du Japon, nommé figuier des jardins ; il a les feuilles du poirier, & son fruit est d’un goût très agréable. L’arbre est fort laid ; ses branches sont tortueuses & en petit nombre ; son écorce, qui est brune ou noire dans sa jeunesse, devient blanche & raboteuse en vieillissant ; ses feuilles, dont le pédicule est court, ressemblent en couleur & en figure à celles du poirier, mais sont plus longues, ovales, plates & cotonneuses par-dessous. Ses fleurs sortent de