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communiquer ses pensées, &c... à ceux qui l’entendent.

Lorsque ces sortes de découvertes sont nécessaires, le poëte devroit avoir soin de donner à ses acteurs des confidens à qui ils pussent, quand il le faut, découvrir leurs pensées les plus secrettes : par ce moyen les spectateurs en seroient instruits d’une maniere bien plus naturelle : encore est-ce une ressource dont un poëte exact devroit éviter d’avoir besoin.

L’usage & l’abus des soliloques est bien détaillé par le duc de Buckingham dans le passage suivant : « Les soliloques doivent être rares, extrèmement courts, & même ne doivent être employés que dans la passion. Nos amans parlant à eux-mêmes, faute d’autres, prennent les murailles pour confidens. Cette faute ne seroit pas encore réparée, quand même ils se confieroient à leurs amis pour nous le dire ».

Nous n’employons en France que le terme de monologue, pour exprimer les discours ou les scenes dans lesquelles un acteur s’entretient avec lui-même, le mot de soliloque étant particulierement consacré à la théologie mystique & affective. Ainsi nous disons les soliloques de saint Augustin, ce sont des méditations pieuses.

SOLINS, s. m. pl. (Architect.) ce sont les bouts des entrevoux des solives scellées avec du plâtre sur les poutres, sablieres ou murs. Ce sont aussi les enduits de plâtre pour retenir les premieres tuiles d’un pignon. (D. J.)

SOLITAIRE, s. m. (Morale.) celui qui vit seul, séparé du commerce & de la société des autres hommes, qu’il croit dangereuse.

Je suis bien éloigné de vouloir jetter le moindre ridicule sur les religieux, les solitaires, les chartreux ; je sais trop que la vie retirée est plus innocente que celle du grand monde : mais outre que dans les premiers siecles de l’Eglise la persécution faisoit plus de fugitifs que de vrais solitaires, il me semble que dans nos siecles tranquilles une vertu vraiment robuste est celle qui marche d’un pas ferme à-travers les obstacles, & non pas celle qui se sauve en fuyant. De quel mérite est cette sagesse d’une complexion foible qui ne peut soutenir le grand air, ni vivre parmi les hommes sans contracter la contagion de leurs vices, & qui craint de quitter une solitude oisive pour échapper à la corruption ? L’honneur & la probité sont-ils d’une étoffe si legere qu’on ne puisse y toucher sans l’entamer ? Que feroit un lapidaire s’il ne pouvoit enlever une tache d’une émeraude, sans retrancher la plus grande partie de sa grosseur & de son prix ? il y laisseroit la tache. Ainsi faut-il, en veillant à la pureté de l’ame, ne point altérer ou diminuer sa véritable grandeur, qui se montre dans les traverses & l’agitation du commerce du monde. Un solitaire est à l’égard du reste des hommes comme un être inanimé ; ses prieres & sa vie contemplative, que personne ne voit, ne sont d’aucune influence pour la société, qui a plus besoin d’exemples de vertu sous ses yeux que dans les forêts. (D. J.)

Solitaire, (Hist. monac.) nom de religieuse du monastere de Faiza, fondé par le cardinal Barberin, & approuvé par un bref de Clément X. l’an 1676. Les religieuses de ce couvent, s’adonnent entierement à la vie solitaire ; elles gardent un silence continuel, ne portent point de linge, vont toujours nuds piés sans sandale, & ont pour habit une robe de bure ceinte d’une grosse corde. Le cardinal Barberin institueur de ce monastere, ne mena point une vie semblable à celle de ses religieuses ; c’étoit un homme du monde, fin, intrigant, toujours occupé du manege politique des intérêts de diverses puissances. (D. J.)

Solitaire ver, (Hist. nat. des Insect.) voilà le

plus long de tous les animaux, s’il est vrai qu’on en ait vu qui avoient 80 aunes de Hollande. Quelques physiciens prétendent qu’il se forme ordinairement dans le fœtus, qu’il vieillit avec nous, & ne se trouve jamais que seul dans les corps où il habite. Que penser de ce système si ces faits étoient véritables, comme Hippocrate & ses sectateurs le soutiennent ? que croire de l’origine de pareils animaux ?

Hors des corps animés on n’en a jamais trouvé de semblables, auxquelles on puisse présumer que ceux-ci devroient leur naissance ; & s’il y en avoit eu de petits ou de grands, leur figure applatie & la grande multitude de leurs articulations n’auroient pas manqué, ce semble, de les faire connoître. Il faudroit donc admettre que ces vers ne sont produits que par ceux qui se trouvent dans nos corps ; & si cela est, comment peuvent-ils en être produits, à-moins qu’on ne suppose que chacun de ces vers ne se suffise à lui-même pour produire son semblable, vû qu’il se trouve toujours seul ?

Mais cette supposition ne leve pas toutes les difficultés qu’on peut faire sur l’origine de ce ver singulier. On pourra toujours demander pourquoi il ne se trouve jamais que seul, & quel chemin prennent ses œufs ou ses petits pour entrer dans le corps d’un autre homme. Avec de nouvelles suppositions, il ne seroit pas difficile de répondre à ces difficultés.

La premiere difficulté disparoîtroit en supposant que ce ver est du nombre de ceux qui se mangent les uns les autres ; le plus fort ayant dévoré ceux qui sont nés avec lui dans un même endroit, doit enfin rester tout seul. Pour ce qui est de l’autre difficulté, on n’a qu’à supposer que l’œuf ou le fœtus de ce ver est extrèmement petit ; que l’animal le dépose dans notre chyle ; ce qu’il peut faire aisément si l’issue de son ovaire est près de sa tête, comme l’est celle des limaces. Du chyle il entrera dans la masse du sang de l’homme ou de la femme, où ce ver habite. Si c’est dans une femme, la communication que son sang a avec le fœtus qu’elle porte, y donnera par sa circulation entrée à l’œuf ou au fœtus du ver, qui y croîtra aussi-tôt qu’il se sera arrêté à l’endroit qui lui convient. Que si l’œuf ou le fœtus du ver se trouve dans la masse du sang d’un homme, la circulation de ce sang fera passer cet œuf ou ce fœtus dans les vaisseaux où ce sang se filtre, afin d’être préparé à un usage nécessaire pour la conservation de notre espece. Et de-là on conçoit aisément comment il peut se trouver mêlé dans les parties qui entrent dans la composition du fœtus humain.

C’est ainsi qu’avec des suppositions on peut rendre raison de tout, même de l’existence des choses qui n’ont jamais été, comme l’ont fait les physiciens des derniers siecles, qui nous ont expliqué de quelle maniere la corruption engendroit des insectes. C’est les imiter que de bâtir par rapport au ver solitaire sur des faits, qui pour avoir été assez généralement reçus, n’en sont pas pour cela plus véritables. M. Valisnieri a renversé d’un seul coup ce système ridicule, en établissant par ses observations & ses recherches, que le solitaire n’est qu’une chaîne de vers qu’on nomme cucurbitaires, qui se tiennent tous accrochés les uns aux autres, & forment ainsi tous ensemble la figure d’un seul animal. Les raisons qu’il en allegue sont si vraissemblables, & ont paru si fortes aux physiciens éclairés, qu’il est aujourd’hui fort difficile de n’être pas de cet avis. (D. J.)

Solitaire, s. m. (Jeu.) nom d’un jeu qu’on a inventé depuis une cinquantaine d’années, auquel un homme peut jouer seul. C’est une tablette percée de 37 trous, disposés de maniere que le premier rang en a trois, le second cinq, les trois suivans chacun sept, le sixieme cinq, & le dernier trois. Tous ces trous