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& des couleurs qu’ils n’auroient point sans cela. Voyez les articles Minéralisation & Mine. Mais la mine la plus ordinaire & la plus abondante du soufre, est la pyrite, d’où l’on est obligé de le tirer par art ; on nomme pyrites sulfureuses, celles dont on se sert pour cet usage ; cependant le soufre est une substance qui entre toujours nécessairement dans la combinaison de toute pyrite. Voyez l’article Pyrite.

Il y a plusieurs méthodes pour tirer le soufre des pyrites ; quelquefois on l’obtient accidentellement par le grillage de certaines mines qui sont fort chargées de cette substance ; ces mines sont sur-tout les pyrites cuivreuses, dont on ne peut obtenir le cuivre, avant que le soufre en ait été séparé. Pour cet effet on forme à l’air libre, des tas de pyrites qui ont environ 20 piés en quarré, & 9 piés de haut ; on arrange ces tas sur un lit de buches & de fagots ; on laisse une ouverture à ce tas qui serve de vent, ou comme le cendrier sert à un fourneau ; on enduit les parois extérieurs du tas, qui forment comme des especes de murs, avec de la pyrite en poudre & en petites particules que l’on mouille. Alors on met le feu au bois, & on le laisse bruler doucement pendant 9 ou 10 semaines. On forme à la partie supérieure des tas ou de ces massifs de pyrites, des trous ou des creux, qui forment comme des bassins dans lesquels le soufre fondu par l’action du feu va se rendre, & d’où on le puise avec des cuilleres de fer ; mais ce soufre ainsi recueilli n’est point parfaitement pur ; il a besoin d’être fondu de nouveau dans des chaudieres de fer ; alors les parties pierreuses & terreuses qui s’y trouvent mêlées tombent au fond de la chaudiere, & le soufre pur nage à leur surface. Telle est la maniere dont on tire le soufre au Hartz : pour s’en faire une idée, on n’aura qu’à jetter les yeux sur celle des Planches de Minéralogie, qui représentent le travail du soufre.

La même Planche représente encore une autre maniere d’obtenir du soufre, qui se pratique dans quelques endroits d’Allemagne. Elle consiste à faire griller les pyrites ou la mine de cuivre sous un angard couvert d’un toît qui va en pente ; ce toît oblige la fumée qui part du tas que l’on grille, à passer par-dessus une auge remplie d’eau froide ; par ce moyen cette fumée, qui n’est composée que de soufre, se condense & tombe dans l’auge, d’où on le retire lorsqu’il s’en est suffisamment amassé.

En Suede, dans les mines de Néricie, on obtient le soufre par la distillation ; on a pour cela un fourneau qui a la forme d’un quarré long ; dans les murs latéraux on laisse deux rangées de dix ou douze ouvertures, pour y placer deux rangées de retortes de fer très-grandes ; on ne les remplit de pyrites que jusqu’au tiers, parce que l’action du feu les fait gonfler considérablement ; une portion du soufre suinte au-travers du fer des retortes ; ce soufre est très-pur, & on le débite pour de la fleur de soufre ; quand au reste du soufre qui fait la plus grande partie, il est reçu dans des récipiens remplis d’eau, qui ont été lutés avec des retortes. Cette distillation se renouvelle toutes les vingt-quatre heures ; on enleve le soufre qui s’est rendu dans les récipiens ; on ôte des tortes le résidu qui y est resté, & l’on y remet de nouvelles pyrites. Le soufre qui a été ainsi obtenu, est porté dans une chaudiere de fer, enchâssée dans un massif de maçonnerie, sous laquelle on fait un feu doux ; par-là le soufre se fond de nouveau, & dépose les substances étrangeres avec lesquelles il étoit encore mêlé. Lorsque les pyrites ont été dégagées du soufre qu’elles contenoient, on les jette en un tas, à l’air libre ; après qu’elles ont été exposées aux injures de l’air, ces tas sont sujets à s’enflammer d’eux-mêmes, après quoi le soufre en est totalement dégagé ; mais on a soin de prévenir cet inconvénient ;

on lave ces pyrites calcinées, & l’on en tire du vitriol, qu’elles ne donneroient point si on les avoit laissé s’embraser. Voyez Vitriol.

Le soufre avant que d’avoir été purifié se nomme soufre brut ou soufre caballin ; après qu’il a été dégagé des parties étrangeres, on le prend avec des cuilleres de fer tandis qu’il est encore liquide, & on le verse dans des moules qui lui donnent la forme de bâtons arrondis ; c’est ce qu’on appelle soufre en canon.

Presque tout le soufre qui se débite dans le commerce vient des pays où il y a des volcans & des embrasemens de la terre, parce qu’alors la nature épargne la peine & les frais pour l’obtenir ; il n’y a que les pays où la main d’œuvre & le bois sont à très grand marché, tels que la Suéde & certains cantons d’Allemagne, où l’on puisse songer à le tirer des pyrites, ou des mines de cuivre pauvres de la maniere qui a été décrite. Aux environs du mont Vésuve & dans d’autres endroits d’Italie où il se trouve du soufre, on met les terres qui sont imprégnées de cette substance dans des pots de terre de la forme d’un pain de sucre ou d’un cône fermé par la base, & qui ont une ouverture par le sommet ; on arrange ces pots dans un grand fourneau destiné à cet usage, en observant de les coucher horisontalement ; on donne un feu modéré qui suffise pour faire fondre le soufre, qui découle par l’orifice qui est à la pointe des pots, & qui est reçu dans d’autres pots dans lesquels on a mis de l’eau froide où le soufre se fige.

Après toutes ces purifications le soufre n’est point encore parfaitement pur ; souvent il renferme encore des substances qui pourroient en rendre l’usage dangereux ; pour le dégager parfaitement on est obligé de le sublimer à l’aide du feu ; cette sublimation se fait ou en grand ou en petit. En Angleterre, cette opération se fait sur plusieurs quintaux de soufre à-la-fois ; on se sert pour cela d’un fourneau particulier. On a une grande chaudiere de fer qui est prise dans la maçonnerie, & qui peut contenir deux ou trois quintaux de soufre concassé grossierement ; on ne remplit cette chaudiere que jusqu’aux trois quarts. Au-dessus de cette chaudiere est une espece de chambre quarrée, qui est garnie intérieurement de carreaux de terre ou de fayence vernissés. A quelques pouces au-dessus de la chaudiere est une ouverture ou porte par où le soufre qui le sublime entre dans la chambre quarrée, au fond de laquelle est un trou qui ferme à coulisse, par lequel on peut voir si la sublimation se fait convenablement. Pendant l’opération il faut que toutes les ouvertures soient bouchées, afin d’empêcher l’air d’y entrer.

Le soufre se purifie en petit par la sublimation de la maniere suivante. On met le soufre dans une cucurbite de terre, au-dessus de laquelle on adapte cinq ou six aludels, dont le dernier se bouche avec un couvercle ; le premier des aludels est joint avec la cucurbite, & on les lutte ensemble avec de la terre grasse, afin de retenir la chaleur, & on ne laisse ouverts que les registres du fourneau sur lequel la cucurbite est placée, afin de donner de l’air. Après quoi on donne un feu un peu au-dessus du degré nécessaire pour tenir le soufre en fusion ; par ce moyen le soufre s’éleve & s’attache aux parois des aludels sous la forme d’une poudre d’un jaune clair, extrèmement fine : c’est ce qu’on appelle fleurs de soufre. Alors il est pur, & dans un état de division qui le rend propre aux usages médicinaux, & à passer dans l’économie animale. Il est bon d’observer que les droguistes falsifient quelquefois les fleurs de soufre avec du soufre ordinaire pulvérisé ; par ce moyen ils les alongent, & s’épargnent les peines & les frais de la sublimation.

M. Rouelle regarde le soufre comme un véritable sel neutre, ou comme un acide à qui le phlogistique