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& il continue son incision de la longueur de deux ou trois travers de doigts, ou davantage, selon la grandeur du sujet, en suivant toujours le milieu de l’intervalle qui se trouve entre les doigts indicateurs de l’aide ; cette incision coupe seulement la peau & la graisse, car pour les muscles, il n’y a tout au plus que l’accélérateur qui puisse être effleuré dans sa partie latérale gauche.

» Après cette incision, les parties du conduit qui sont poussées par la courbure de la sonde, forment dans l’endroit où la peau & les graisses sont coupées, une bosse fort sensible, sur-tout vers la partie inférieure latérale gauche du bulbe. Il faut commencer alors par couper cette partie ; pour cet effet on porte la pointe du bistouri au point le plus éminent de cet endroit qui fait bosse, on pénetre jusque dans la cannelure de la sonde, que l’on tient toujours bien assujettie, & l’on coupe la partie latérale gauche du bulbe ; on continue de glisser la pointe du bistouri le long de la cannelure, on coupe tout de suite la partie membraneuse de l’uretre, le muscle transversal gauche, & la bande tendineuse située derriere ce muscle : on coupe enfin la prostate gauche & le bourelet de la vessie : la prostate se trouve coupée dans une épaisseur de deux ou trois lignes, & environ deux lignes à côté du verumontanum.

» Après cette derniere incision, on fait tenir le manche du bistouri par l’aide, avant de retirer la pointe dudit bistouri hors de la cannelure de la sonde, le chirurgien prend le gorgeret avec sa main droite, & le conduit, à la faveur de la lame du bistouri, dans cette cannelure ; lorsqu’il y est placé, l’aide retire le bistouri, afin que l’opérateur puisse glisser ce conducteur, le long de la rainure qu’il ne doit jamais abandonner jusqu’à ce qu’il soit arrivé dans la vessie ; dès qu’il y est, il retire la sonde ; il prend ensuite le manche du gorgeret de la main gauche, & le baisse doucement vers le fondement, pour glisser le long de ce conducteur le doigt indice de la main droite, graisse d’huile : on écartera peu-à-peu avec ce doigt, sans secousses, les levres de l’incision, jusque dans la vessie, afin de dilater l’ouverture que l’on a faite, & de détruire les brides s’il s’y en trouve, & même de les couper s’il y en avoit quelqu’une qui resistât au doigt, ou qui empêchât de l’introduire facilement. Il sera aisé de les couper avec un bistouri ordinaire, conduit sur ce doigt, ou bien le long de la rainure du conducteur ; outre tous ces avantages que l’on retire de l’introduction du doigt dans la vessie, on a souvent celui de toucher la pierre, de s’assurer du lieu où elle est située, de sa figure, de son volume, & de la maniere la plus facile de la charger, & la plus avantageuse pour la tirer : on peut d’ailleurs s’assurer de son adhérence s’il y en a.

» Après avoir ainsi préparé les voies, on introduit aisément la tenette à la faveur du gorgeret ; on touche la pierre avec la tenette, que l’on ouvre & que l’on tourne ensuite de façon qu’une des serres passe dessous la pierre & l’embrasse en maniere de cuillere ; on la charge, & on la tire doucement & sans effort.

» L’opération faite selon cette méthode n’est sujette à aucune variation. On coupe toujours les mêmes parties ; ce qu’on incise, ce qu’on divise ou écarte avec le doigt ou les instrumens, n’est susceptible par lui-même d’aucun accident fâcheux. La seule artere qu’on peut ouvrir, est une branche de la honteuse interne qui se distribue dans le bulbe de l’uretre. Elle se trouve rarement sur la route de l’incision ; quand même on ouvriroit cette artere, l’inconvénient ne seroit pas grand ; elle n’est pas considérable, elle se retire dans les graisses, & ta-

rit ordinairement sans secours. Si elle s’opiniâtre à

fournir, il est facile d’en arrêter le sang par la compression. S’il y a des fragmens, ou une seconde ou troisieme pierre dans la vessie, on se conduit comme on a fait pour la premiere pierre.

» Les instrumens pour faire cette opération sont ;

» 1°. La sonde canelée, qui est la même que dans le grand appareil ordinaire. Voyez Cacheter. Cependant elle satisferoit mieux aux vues de cette méthode, si elle étoit un peu plus convexe, & que le bec sût plus long de deux lignes ou environ que les sondes ordinaires.

» 2°. Il faut un bistouri (voyez Lithotome.), dont le tranchant soit large environ de quatre ou cinq lignes, & long environ de neuf ou dix, & que la pointe soit courte. Le manche doit être fixé à la lame ; s’il est mobile, on l’assujettira à l’ordinaire, avec une bandelette.

» 3°. Le gorgeret, comme pour l’opération ordinaire. (Voyez Gorgeret).

» 4°. On a besoin de tenettes de toutes especes, pour employer celle qui paroîtra la plus convenable à chaque opération en particulier ».

Toutes ces différentes manieres de pratiquer la taille au périnée, ont été imaginées dans la vue d’ouvrir un passage suffisant aux pierres qui ont un volume plus que médiocre, & d’éviter les contusions inévitables dans l’opération du grand appareil tel qu’on le pratiquoit avant frere Jacques. Malgré ces perfections, il faut avouer qu’il n’est pas possible de faire, par l’uretre & par le col de la vessie, une ouverture proportionnée au volume des grosses pierres, c’est à dire, une ouverture qui mette à l’abri de meurtrissures & de déchiremens violens. On n’exagere point en disant que depuis vingt ans cent chirurgiens plus ou moins versé, dans l’opération de la taille, ont imaginé des instrumens particuliers pour inciser le col de la vessie avec les prostates, des bistouris lithotomes, des gorgerets à lames tranchantes, qui agissent par des mechaniques différentes ; mais quelqu’attention qu’on donne pour étendre ensuite par l’introduction du doigt & par l’écartement gradué des branches de la tenette la plaie du col de la vessie par de-là son orifice, on sent toujours beaucoup de résistance pour l’extraction d’une grosse pierre ; sa sortie est difficile, la nature des parties s’y oppose : l’uretre est tissu de fibres aponévrotiques qui ne cedent pas aisément ; leur déchirement sera d’autant plus douloureux & accompagné de meurtrissure, que les parties extérieures auront été plus ménagées ; car plus l’incision extérieure sera étendue, moins il y aura de résistance, & plus l’extraction sera facile, sur-tout lorsqu’on aura coupé obliquement fort bas pour pouvoir tirer la pierre par la partie la plus large de l’ouverture de l’angle que les os pubis forment par leur réunion.

Les expériences qui nous ont procuré les différentes méthodes dont nous venons de parler, avoient pour objet d’ouvrir le corps même de la vessie. Tous les praticiens à qui nous en sommes redevables cherchoient à découvrir la route que l’on disoit avoir été tenue par M. Raw. On convenoit généralement qu’une pierre passeroit avec moins de difficulté entre des parties charnues, capables de prêter ou de se déchirer sans peine, qu’entre des parties aponévrotiques qui offroient beaucoup de résistance. Ce seroit sans contredit un avantage des plus grands, surtout dans le cas des pierres molles, qui, malgré toutes les attentions de l’opérateur, se brisent au passage par la résistance des parties ; cet inconvénient oblige à reporter plusieurs fois les tenettes dans la vessie ; on fatigue cet organe, & pour peu qu’il y ait de mauvaise disposition de la part du sujet,