Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 16.djvu/155

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

TERMAILLET, s. m. (Langue franç.) vieux mot qui signifioit quelque ornement ou ajustement de femme qu’on ne connoit plus. On trouve ce mot dans Jean le Maire. « Quand, dit-il, la déesse eut mis bas ses habits & achetmes, qu’elle eut défeublé coëffe, guimpe, atour, & autre accoustrement de tête, termaillets, chaînes, anneaux, buletes, & tissus jusqu’aux galoches dorées, demeurant torquées, sans plus de riche couvrechef, &c ». (D. J.)

TERME, s. m. (Gram. & Logique.) les termes sont distingués des mots, en ce que ces derniers sont de la langue, & que les premiers sont du sujet, ainsi que les expressions sont de la pensée ; l’usage décide des mots ; la convenance avec les choses fait la bonté des termes ; le tour fait le mérite de l’expression : ainsi l’on dira fort bien, que tout discours travaillé demande que les mots soient françois, que les termes soient propres, & que les expressions soient nobles.

Les termes se divisent en plusieurs classes.

1°. Ils se divisent en concrets & en abstraits. Les termes concrets sont ceux qui signifient les manieres, en marquant en même tems le sujet auquel elles conviennent. Les termes concrets ont donc essentiellement deux significations ; l’une distincte, qui est celle du mode ou maniere ; l’autre confuse, qui est celle du sujet ; mais quoique la signification du mode soit plus distincte, elle est pourtant indirecte ; & au-contraire celle du sujet, quoique confuse, est directe. Le mot de blanc signifie directement, mais confusément, le sujet, & indirectement, quoique distinctement, la blancheur.

Lorsque par une abstraction de l’esprit on conçoit des modes, des manieres, sans les rapporter à un certain sujet, comme ces formes subsistent alors en quelque sorte dans l’esprit, par elles-mêmes, elles s’expriment par un mot substantif, comme sagesse, blancheur, couleur : or les noms qui expriment ces formes abstraites, je les appelle termes abstraits ; comme les formes abstraites expriment les essences des choses auxquelles elles se rapportent ; il est évident que puisque nous ignorons les essences de toutes les substances, quelles qu’elles soient, nous n’avons aucun terme concret qui soit dérivé des noms que nous donnons aux substances. Si nous pouvions remonter à tous les noms primitifs, nous reconnoîtrions qu’il n’y a point de substantif abstrait, qui ne dérive de quelque adjectif, ou de quelque verbe. La raison qui a empêché les scholastiques de joindre des noms abstraits à un nombre infini de substances, auroit bien dû aussi les empêcher d’introduire dans leurs écoles ces termes barbares d’animalité, d’humanité, de corporéité, & quelques autres ; le bon sens ne les autorise pas plus à adopter ces termes, que ceux-ci, aureitas, saxeitas, metalleitas, ligneitas : & la raison de cela, c’est qu’ils ne connoissent pas mieux ce que c’est qu’un homme, un animal, un corps, qu’ils ne connoissent ce que c’est que l’or, la pierre, le métal, le bois : c’est à la doctrine des formes substantielles, & à la confiance téméraire de certaines personnes destituées d’une connoissance qu’ils prétendoient avoir, que nous sommes redevables de tous ces mots d’animalité, d’humanité, de pétrêité, &c. mais grace au bon goût, ils ont été bannis de tous les cercles polis, & n’ont jamais pû être de mise parmi les gens raisonnables. Je sais bien que le mot humanitas étoit en usage parmi les Romains, mais dans un sens bien différent : car il ne signifioit pas l’essence abstraite d’aucune substance ; c’étoit le nom abstrait d’un mode. son concret étant humanus, & non pas homo : c’est ainsi qu’en françois, d’humain, nous avons fait humanité.

Comme les idées générales sont des abstractions de notre esprit, on pourroit aussi donner le nom de termes abstraits à ceux qui expriment ces idées univer-

selles ; mais l’usage a voulu que ce nom rut reservé

aux seules formes abstraites.

2°. Les termes se divisent en simples & en complexes.

Les termes simples sont ceux qui par un seul mot expriment un objet quel qu’il soit. Ainsi Rome, Socrate, Bucephale, homme, ville, cheval, sont des termes simples.

Les termes complexes sont composés de plusieurs termes joints ensemble : par exemple, ce sont des termes complexes, un homme prudent, un corps transparent, Alexandre fils de Philippe.

Cette addition se fait quelquefois par le pronom relatif, comme si je dis, un corps qui est transparent, Alexandre qui est fils de Philippe, le pape qui est vicaire de Jésus Christ.

Ce qu’il y a de plus remarquable dans ces termes complexes, est que l’addition que l’on fait à un terme est de deux sortes : l’une qu’on peut appeller explication, & l’autre détermination.

L’addition est explicative, quand elle ne fait que développer ou ce qui étoit enfermé dans la compréhension de l’idée du premier terme, ou du moins ce qui lui convient, comme un de ses accidens, pourvu qu’il lui convienne généralement & dans toute son étendue ; comme si je dis, l’homme qui est un animal doué de raison, ou l’homme qui desire d’être naturellement heu eux, ou l’homme qui est mortel ; ces additions ne sont que des explications, parce qu’elles ne changent point du tout l’idée d’homme, & ne la restreignent point à ne signifier qu’une partie des hommes ; mais marquent seulement ce qui convient à tous les hommes.

Toutes les additions qu’on ajoute aux noms qui marquent distinctement un individu, sont de cette sorte ; comme quand on dit, Jules César qui a été le plus grand capitaine du monde ; Paris qui est la plus belle ville de l’Europe ; Newton le plus grand de tous les mathématiciens ; Louis XV. roi de France : car les termes individuels distinctement exprimés, se prennent toujours dans toute leur étendue, étant déterminés tout ce qu’ils peuvent l’être.

L’autre sorte d’addition, qu’on peut appeller déterminatives, est quand ce qu’on ajoute à un mot général, en restreint la signification, & fait qu’il ne se prend plus pour ce mot général dans toute son étendue, mais seulement pour une partie de cette étendue, comme si je dis, les corps transparens, les hommes savans, un animal raisonnable : ces additions ne sont pas de simples explications, mais des déterminations, parce qu’elles restreignent l’étendue du premier terme, en faisant que le mot corps ne signifie plus qu’une partie des corps, & ainsi des autres : & ces additions sont quelquefois telles, qu’elles rendent un mot général individuel, quand on y ajoute des conditions individuelles, comme quand je dis, le roi qui est aujourd’hui, cela détermine le mot général de roi à la personne de Louis XV.

On peut distinguer de plus deux sortes de termes complexes, les uns dans l’expression, & les autres dans le sens seulement : les premiers sont ceux dont l’addition est exprimée ; les derniers sont ceux dont l’addition n’est point exprimée, mais seulement sousentendue : comme quand nous disons en France, le roi, c’est un terme complexe dans le sens, parce que nous n’avons pas dans l’esprit, en prononçant ce mot de roi, la seule idée générale qui répond à ce mot ; mais nous y joignons mentalement l’idée de Louis XV. qui est maintenant roi de France.

Mais ce qui est de plus remarquable dans ces termes complexes, est qu’il y en a qui sont déterminés dans la vérité à un seul individu, & qui ne laissent pas de conserver une certaine universalité équivoque, qu’on peut appeller une équivoque d’erreur,