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mieres voies, dans les troisiemes voies. Les purgatifs conviennent aussi au milieu & à la fin de leur usage ; mais il faut que ce soit des minoratifs, autrement ils ne disposeroient pas efficacement à l’action des eaux chaudes.

3°. Si on boit les eaux, il faut commencer par de légeres doses, que l’on augmentera par degré, pour y accoutumer l’estomac peu-à-peu ; l’exercice & le régime sont absolument nécessaires, selon la dose & la quantité des eaux ; les fruits sur-tout, & le vin doivent être évités.

4°. Les passions lentes, & les violentes, telles que le chagrin & la colere, sont également contraires dans leur usage ; il faut éviter de les ordonner aussi aux personnes qui sont disposées à ces passions, attendu que leur constitution est trop roide ou trop foible.

5°. Il faut prendre garde de prendre le bain trop chaud, ou de boire les eaux trop chaudes ; mais on ne peut faire de regles précises à ce sujet ; la chaleur externe ou interne que cette pratique causeroit dans le corps, produiroit un mouvement d’expansion trop violent dans le sang & dans les humeurs, ce qui ne manqueroit pas d’attirer des inflammations, des douleurs de tête, & des constrictions spasmodiques, avec des anxiétés dans les visceres du bas ventre.

6°. Ce n’est pas tout d’approprier les différentes especes d’eaux thermales aux maladies ; il faut avoir égard aux fibres & à la différence de leur tissu : car dans le cas de fibres tendres & délicates, il faut emploier des eaux chaudes douces, émollientes, & qui soient peu actives ; cela a sur-tout lieu pour les eaux dures que l’on emploie dans les bains, comme leur pression est violente, elles produiroient des effets dangereux pour les entrailles.

C’est ainsi qu’entre les plus fameuses eaux thermales, celles d’Aix-la-chapelle sont les plus fortes & les plus purgatives, de sorte qu’elles ne conviennent qu’à des estomacs capables d’en supporter la chaleur & le dégoût. Les eaux de Bourbon tiennent le milieu entre ces premieres & celles de Bath ; elles sont moins chaudes, moins degoûtantes & moins purgatives. Celles de Bath contiennent moins de soufre & plus de feu que les deux autres ; elles ne purgent point, à moins qu’on ne les prenne avec trop de précipitation, ou en trop grande quantité.

THERMASMA, s. m. (Méd. anc.) θέρμασμα ; terme employé par les anciens, pour désigner en général tout ce qui est propre à échauffer le corps ; mais ce mot désigne en particulier une fomentation chaude, prescrite par Hippocrate, pour adoucir les douleurs de côté qu’on ressent dans les pleurésies. (D. J.)

THERMES, (Antiq. rom.) les thermes étoient chez les Romains de grands édifices, principalement destinés pour les bains chauds ou froids ; nous verrons dans la suite que ces bains étoient publics ou particuliers.

Thermæ, du grec θέρμη, chaleur. Tite-Live, liv. XXXVI. c. xv. en décrivant le pas des thermopyles, dit que ce lieu étoit nommé pylæ, & par d’autres thermopylæ, parce qu’on trouvoit des eaux chaudes dans l’endroit le plus resserré entre les montagnes.

Les Romains par ce mot therma, entendoient des bains d’eau chaude ; & on l’appliqua tellement aux édifices où étoient ces bains, qu’il s’étendit même jusqu’à ceux où l’on se baignoit dans de l’eau froide.

Les thermes eurent rang parmi les édifices les plus somptueux de Rome : on s’y lavoit l’hiver avec de l’eau tiede, quelquefois avec des eaux de senteur, ou bien par une autre sorte de mollesse, on faisoit seulement sentir à son corps les vapeurs chaudes de l’eau. Pendant l’hiver, on s’oignoit le corps avec des huiles & des parfums de prix ; & pendant l’été après être sorti du bain tiede, on alloit se rafraichir dans

de l’eau froide. Gordien voulut bâtir dans un même lieu des thermes pour l’hiver & pour l’été, mais la mort qui le prévint l’empêcha d’achever l’ouvrage. L’empereur Aurelien fit bâtir au-delà du Tibre des thermes pour l’hiver seulement.

Les thermes étoient si vastes, qu’Ammien-Marcellin, liv. XVI. c. vj. pour donner une idée de leur grandeur, les compare à des provinces entieres, in modum provinciarum extructa lavacra. Ce qui nous reste encore aujourd’hui de quelques anciens thermes nous fait juger de leur étendue prodigieuse.

Le nombre de ces thermes étoit aussi surprenant à Rome, que leur grandeur. Publius-Victor dit, qu’il y en avoit plus de huit cens, & Pline le jeune, liv. IV. epist. 8. dit qu’ils s’étoient augmentés à l’infini : Quæ nunc Romæ ad infinitum auxere numerum. Les empereurs les firent d’abord bâtir pour leur usage particulier, ensuite ils les abandonnerent au peuple, ou en firent bâtir pour lui. Outre les thermes où l’on ne payoit rien, il y en avoit qui se donnoient à ferme, & de plus les principaux citoyens avoient des bains particuliers chez eux.

Ces thermes étoient accompagnés de divers édifices, & de plusieurs pieces & appartemens. Il y avoit de vastes réservoirs où se rassembloit l’eau par le moyen des aqueducs ; des canaux qu’on avoit ménagés, servoient à faire écouler les eaux inutiles. Les murailles des réservoirs étoient si bien cimentées, que le fer avoit de la peine à rompre la matiere employée à la liaison des pierres. Le pavé des thermes, comme celui des bains, étoit quelquefois de verre, le plus souvent néanmoins on y employoit la pierre, le marbre, ou des pieces de rapport qui formoient un ouvrage de marqueterie de différentes couleurs.

La description des thermes de Dioclétien qui nous a été donnée par André Baccius, fournit une idée complette de la grandeur & de la magnificence romaine dans ces sortes d’ouvrages. On y voit entr’autres un grand lac dans lequel on s’exerçoit à la nage, des portiques pour les promenades, des basiliques où le peuple s’assembloit avant que d’entrer dans le bain, ou après en être sorti ; des appartemens où l’on pouvoit manger, des vestibules & des cours ornées de colonnes, des lieux où les jeunes gens faisoient leurs exercices, des endroits pour se rafraichir, où l’on avoit pratiqué de grandes fenêtres, afin que le vent y pût entrer aisément ; des lieux où l’on pouvoit suer, des bois délicieux, plantés de planes & autres arbres ; les endroits pour l’exercice de la course ; d’autres où l’on s’assembloit pour conférer ensemble, & où il y avoit des siéges pour s’asseoir ; des lieux où l’on s’exerçoit à la lutte, d’autres où les Philosophes, les rhéteurs & les poëtes cultivoient les sciences par maniere d’amusement ; des endroits où l’on gardoit les huiles & les parfums ; d’autres où les lutteurs se jettoient du sable l’un sur l’autre, pour avoir plus de prise sur leurs corps qui étoient frottés d’huile.

L’usage des thermes, comme celui des bains, étoit très-ancien à Rome. Les peuples de l’Asie en donnerent l’exemple aux Grecs, & ceux-ci le transmirent aux Romains, qui avoient des thermes, avant que les Médecins grecs eussent mis le pié à Rome, époque que l’on rapporte à l’an 535. de la fondation de cette ville, sous le consulat de L. Emilius, & de M. Licinius. Homere, odiss. θ, v. 248. compte l’usage des thermes λουτρὰ θερμὰ, au nombre des plaisirs honnêtes de la vie.

Semper autem nobis conviviumque gratum, citharæque, chorique
Vestesque mutatoriæ, lavacraque calida, & cubilia.

Plaute décrit dans les deux vers suivans, les exercice auxquels on formoit la jeunesse dans les thermes.